jeudi 29 octobre 2009

Des hommes de Laurent Mauvignier


Décidément, c'est presque devenu un rite : je commence ces temps derniers mes commentaires de livre par la même phrase : "Je n'avais jamais lu...", et là, c'est Laurent Mauvignier !
J'ai eu un peu de mal à entrer dans le roman jusqu'à la page 129 (le livre en comporte 281). Et en final, je me félicite pour ma persévérance. Car dès la page suivante qui, contre toute attente est la page 133 (on passe à un autre chapitre du livre et il y a quelques pages blanches), on est saisi par le récit. Après l'atmosphère glauque d'un village banal, une salle des fêtes poisseuse dans laquelle une assemblée d'individus ordinaires liée par une honte partagée, tente de célébrer l'anniversaire d'une Solange, une agression sordide, des odeurs de vinasse - on se croirait par moment dans un tableau de Brueghel, ce qui pourrait être une sorte de compliment - on est précipité dans la guerre d'Algérie et surtout dans toute son horreur. Ames sensibles s'abstenir par moment. Dans un style sans ménagement, sans fioriture, errant, comme habité de la même trouille que le ventre de ces jeunes soldats, tour à tour bourreaux et victimes, Mauvignier parvient à décrire l'insoutenable et l'absurde d'une guerre qui se prolonge au-delà de la défaite, dans la vie de ceux qui ont traversé, par hasard, ces années de cauchemard.
"Je voudrais voir quelque chose qui n'existe pas et qu'on laisse vivre en soi, comme un rêve, un monde qui résonne et palpite, je voudrais, je ne sais pas, je n'ai jamais su, ce que je voulais, (...) seulement ne plus entendre le bruit des canons ni les cris, ne plus savoir l'odeur d'un corps calciné ni l'odeur de la mort - je voudrais savoir si l'on peut commencer à vivre quand on sait qu'il est trop tard."
Juste pour cette phrase, la dernière du roman, "Des hommes" pourrait mériter le Goncourt.

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