Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
jeudi 29 octobre 2009
Des hommes de Laurent Mauvignier
Décidément, c'est presque devenu un rite : je commence ces temps derniers mes commentaires de livre par la même phrase : "Je n'avais jamais lu...", et là, c'est Laurent Mauvignier !
J'ai eu un peu de mal à entrer dans le roman jusqu'à la page 129 (le livre en comporte 281). Et en final, je me félicite pour ma persévérance. Car dès la page suivante qui, contre toute attente est la page 133 (on passe à un autre chapitre du livre et il y a quelques pages blanches), on est saisi par le récit. Après l'atmosphère glauque d'un village banal, une salle des fêtes poisseuse dans laquelle une assemblée d'individus ordinaires liée par une honte partagée, tente de célébrer l'anniversaire d'une Solange, une agression sordide, des odeurs de vinasse - on se croirait par moment dans un tableau de Brueghel, ce qui pourrait être une sorte de compliment - on est précipité dans la guerre d'Algérie et surtout dans toute son horreur. Ames sensibles s'abstenir par moment. Dans un style sans ménagement, sans fioriture, errant, comme habité de la même trouille que le ventre de ces jeunes soldats, tour à tour bourreaux et victimes, Mauvignier parvient à décrire l'insoutenable et l'absurde d'une guerre qui se prolonge au-delà de la défaite, dans la vie de ceux qui ont traversé, par hasard, ces années de cauchemard.
"Je voudrais voir quelque chose qui n'existe pas et qu'on laisse vivre en soi, comme un rêve, un monde qui résonne et palpite, je voudrais, je ne sais pas, je n'ai jamais su, ce que je voulais, (...) seulement ne plus entendre le bruit des canons ni les cris, ne plus savoir l'odeur d'un corps calciné ni l'odeur de la mort - je voudrais savoir si l'on peut commencer à vivre quand on sait qu'il est trop tard."
Juste pour cette phrase, la dernière du roman, "Des hommes" pourrait mériter le Goncourt.
mercredi 28 octobre 2009
Une nuit, Chypre
Une nuit, dans le ciel des faubourgs de Larnaca,
Un quartier de lune parfait
Avait peint sur la peau noire de la mer
Quelques frissons d'argent
Comme une excuse.
Cadel Ubbale
Un quartier de lune parfait
Avait peint sur la peau noire de la mer
Quelques frissons d'argent
Comme une excuse.
Cadel Ubbale
Et la ville dit : "au secours l'agriculture ! ..."
Hier soir, grand amphi de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine, "table ronde" sur le Grand Paris et l'agriculture ; un aréopage d'agronomes, de géographes, d'urbanismes-architectes dont Bernard Reichen et François Leclercq.
Au terme des 3 heures de débat, qu'ai je retenu ?
- que "tout ça est très compliqué" pour reprendre les termes de M. Donnadieu (géographe ?)
- que tout le monde s'accorde sur le fait que ville et agriculture ne doivent plus être considérées comme antagonistes si nous voulons un avenir "vivant" pour les deux
- que même, la ville ne peut plus se réaliser, son devenir se concevoir, sans réserver une place à l'agriculture
- qu'il semblerait qu'une prise de conscience (timide ? réservée à une élite ?) se soit effectuée sur l'obligation de retisser le lien entre ville et agriculture (voir le "succès" des AMAP)
- que le débat et la salle ont mélangé parfois "nature" et "agriculture"
- que les experts ne s'accordent pas sur le fait qu'il existe des outils réglementaires pertinents pour permettre ce "new deal" entre ville et agriculture
- qu'il ne s'agit pas simplement d'inventer des outils réglementaires ou des procédures pour que la "ville durable" (le mot est lâché !) mais qu'il faut travailler sur les consciences (éducation, culture) ; (à ce sujet Bernard Reichen parle d'une trilogie "profit, plaisir et ?... peut-être solidarité ?" ; profit, au sens "intérêt" personnel à ce que ça se passe comme ça, je suppose)
- que le tramway est un système de transport qui structure la ville : à 20 km/h, l'espace-temps se construit différemment (à l'échelle de l'homme ?) que dans une cité exclusivement dédiée à la voiture (toujours Bernard Reichen)
- que Florence et la Toscane correspondait à un modèle de "continuum" entre ville et campagne ; non que la ville s'étalait de manière indéfinie dans la campagne, mais qu'il existait des liens, un tissage, entre la cité définie par sa taille, son urbanité, et les autres lieux de vie situés à proximité ; les villes nouvelles à la française ont exclu l'agriculture ; les entrées de villes avec leurs alignements de boîtes à chaussures commerciales constituent une autre barrière entre ville et campagne
- qu'il existait un "modèle braudélien" dont j'ai compris qu'il pouvait caractériser le schéma urbain historique de la France : distance entre deux ville = une journée de cheval et du village partent 5 routes et que, chacune, relie un autre village d'où partent 5 routes, etc.
-qu'aux "30 glorieuses" où furent imposés des schémas d'urbanisme violents et concentrationnaires (qui ont conduit à la ghettoïsation et au rejet de l'architecture moderne dans l'imaginaire de nos contemporains)a succédé les "30 peu glorieuses" du mitage du territoire, du pavillonnaire à tout crin de "la maison de maçons" pour tous
- que la question de la propriété - et donc du système économique et politique - est fondamentale dans l'analyse de l'urbanisation des territoires et leurs évolutions (on achète son pavillon à un endroit X et on y reste, quelque soit l'évolution de ses déplacements imposés par sa situation professionnelle) ; "propriété = statut figé du territoire" versus "location = mobilité"
- et enfin, que les renards sont dans les villes, que les sangliers y reviennent et que les loups ...
Eux, (merci M. Serge Reggiani) on savait déjà qu'ils y étaient !
"Les hommes avaient perdu le goût
De vivre, et se foutaient de tout
Leurs mères, leurs frangins, leurs nanas
Pour eux c'était qu'du cinéma
Le ciel redevenait sauvage,
Le béton bouffait l'paysage... alors
(...)
Des loups sont entrés dans Paris
L'un par Issy, l'autre par Ivry
Deux loups sont entrés dans Paris
Ah tu peux rire, charmante Elvire
Deux loups sont entrés dans Paris.
(...)
Attirés par l'odeur du sang
Il en vint des mille et des cents
Faire carouss', liesse et bombance
Dans ce foutu pays de France
Jusqu'à c'que les hommes aient retrouvé
L'amour et la fraternité.... alors
(...)
Les loups sont sortis de Paris..."
lundi 26 octobre 2009
La peste
"Ah ! celui-là, au moins, était innocent, vous le savez bien !" C'est le docteur Rieux qui jette à la face du prêtre Paneloux son refus de croire en un Dieu qui permet que des innocents meurent en souffrant : "Non, mon père, dit-il. je me fais une autre idée de l'amour. Et je refuserai jusqu'à la mort d'aimer cette création où des enfants sont torturés."
Ces phrases me ramènent plus de 35 ans en arrière alors que nous étudiions ce roman mythique de Camus.
La peste, métaphore du nazisme, quand Camus l'a écrit. Mais aujourd'hui, quel est le visage de la peste ? Camus achève son oeuvre par cette phrase d'une force absolue dans laquelle on retrouve un plaidoyer pour la lecture - et sans doute l'instruction, la culture - et une mise en garde vibrante pour nous autres habitants des cités radieuses.
"Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et que l'on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparait jamais, qu'il peut rester pendant des dizaines d'années endormi (...) et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l'enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse."
Quel livre !
samedi 24 octobre 2009
Pluie
Le jardin est dévoré de mousse.
Le fauteuil en métal vert-anis pleure
Des larmes égarées d'une pluie d'automne,
Et le bois sculpté du cimier bambara
Noirci sa peau sous les sanglots.
Cadel Ubbale
Le fauteuil en métal vert-anis pleure
Des larmes égarées d'une pluie d'automne,
Et le bois sculpté du cimier bambara
Noirci sa peau sous les sanglots.
Cadel Ubbale
jeudi 22 octobre 2009
Mon chat à 23H47
Mon chat s'étire sur le mur
Il interroge la nuit froide
Qui l'appelle derrière la vitre noire
Et miaule de douleur
Pour accéder à l'inconnu.
Cadel Ubbale
Il interroge la nuit froide
Qui l'appelle derrière la vitre noire
Et miaule de douleur
Pour accéder à l'inconnu.
Cadel Ubbale
mardi 20 octobre 2009
La vérité sur Marie
Je n'avais jamais lu Jean-Philippe Toussaint.
C'est un livre sur l'amour ; un amour rompu qu'une mort fait renaître. Une reconquête silencieuse et tendre, respectueuse, comme effleurée, dont l'issue est certaine car chaque être connait l'autre d'une manière absolue. On le sait de lui, on le devine d'elle : "J'avais une connaissance infuse, un savoir inné, l'intelligence absolue : je savais la vérité sur Marie."
Et puis le roman est traversé de passages sombres comme les orages, la robe noire d'un pur-sang embarqué de force dans la soute piranésienne d'un Boeing 747 cargo, les collines calcinées de l'île d'Elbe, qui donnent au récit une tension dramatique supplémentaire. C'est un roman sur la tension ; la distance complice et obligée entre le corps des amants, et la relation soumise au déchainement des forces naturelles.
Tout ça enlevé dans un style magnifique :
"La pluie redoubla de violence (...). marie se sentait bien, nue sous les draps à l'abri de l'orage, les sens exacerbés, dans le noir, les yeux brillants dans les éclairs, savourant avec volupté la dimension érotique du plaisir qu'il y a de jouir de l'orage dans la chaleur d'un lit (...)."
lundi 19 octobre 2009
Il était une fois, Belza
Pour ceux qui l'ignoreraient encore, la Villa Belza est une demeure mythique de Biarritz. Edifiée sur un petit promontoir rocheux qui plonge dans la mer entre le Port Vieux et la Côte des Basques, elle accueillit toutes les fêtes des années folles que le "Tout-Biarritz" s'obligeait à fréquenter : aristocrates russes (le Prince Youssoupov y aurait dîné), héritiers excentriques, aigrefins, femmes du monde, etc. La crise de 29 lui fut fatale. Le vent, la mer et les vandales, l'oubli et peut-être la vengeance muette que l'on réserve à la déchéance des nantis, on conduit l'édifice au bord de la ruine. Dans les années 80, un jeune promoteur (fortuné) lui redonna un peu de son lustre passé et fit d'une pierre deux coups : une rénovation plutôt réussie et une belle opération immobilière puisque la villa fut revendue en appartements à des acquéreurs anonymes, mais sans aucun doute fortunés.
Mais ce n'est pas de tout cela dont Pierre Lembeye nous entretient dans son réçit de 162 pages qui s'achève par : "Il était une fois, Belza, en fin." J'y ai lu "enfin", mais je le regrette un peu car il y aurait tant à écrire d'extraordinaire sur Belza que le propos d'une érudition souvent panachée de prétention, psychanalitique fumeux et vaguement moraliste par endroit est décevant.
Quelques passages (trop peu) plutôt sympathiques : "S'il n'y avait plus de place pour l'excentricité, pour les grands écarts des grands, s'il n'y a plus de prophètes, de visionnaires, d'inventeurs, de somnambules, de créateurs, alors le monde des étriqués, des fonctionnaires (?), des marchands, des statisticiens et des boursicoteurs accouchera d'une corruption générale frileuse, égoïste et de grise mine."
Un extrait d'un texte de Victor Hugo nous apprend que le poème repris en chanson par Brassens de "Gatzibelza, l'homme à la carabine" lui vint d'une promenade au pied de Belza, et du fredonnement d'une baigneuse.
Le même Victor alerte sur le danger que représenterait pour Biarritz de mimer Paris : "Les villes que baigne la mer devraient conserver précieusement la physionomie que leur situation leur donne. L'océan a toutes les grâces, toutes les beautés, toutes les grandeurs. Quand on a l'océan, à quoi bon copier Paris ?"
J'y ai encore appris que Proust voyait la Place Saint Marc rue de Grenelle. Et ça, ça m'a bien fait bien plaisir car j'ai toujours regretté l'absence de vaporettos sous le Pont Neuf !...
La morale est toute bête : il n'y a pas de lecture inutile...
Le lièvre de Vatanen
Toujours dans le cycle Arto Paasilinna, "Le lièvre de Vatanen", livre que d'aucuns considèrent comme le chef d'oeuvre du romancier finlandais et que j'ai relu avec beaucoup de plaisir à quelques 15 ou 20 ans de distance. J'avouerai que je ne me souvenais plus de grand chose de cette épopée forestière. Et pourtant : la folie du conducteur de bulldozer qui suicide son engin au beau milieu d'un lac, le sauvetage de la vache dans les marais, le moniteur de ski sectaire qui veut à tout prix sacrifier le lièvre, le pasteur "lièvricide" également, les manoeuvres militaires (thème repris dans "La forêt des renards pendus") qui s'achèvent dans la confusion la plus inimaginable, la chasse à l'ours, ...
"C'est la vie", ainsi furent les ultimes paroles de Vatanen avant de disparaître de la vue du monde des hommes avec son lièvre.
La vie d'Arto Paasilinna éclaire sur ses livres. Il est né dans un camion à Kittilä, en Laponie finlandaise, le 20 avril 1942. En plein exode, sa famille fuyant les Allemands est chassée vers la Norvège, puis la Suède et la Laponie finlandaise. Paasilinna (« forteresse de pierre » en finois) est un nom inventé par son père, qui s’était fâché avec ses parents au point de changer de nom.
« J’ai connu quatre états différents dans ma prime jeunesse. La fuite est devenue une constante dans mes récits, mais il y a quelque chose de positif dans la fuite, si avant il y a eu combat. »
Dès l'âge de treize ans, il exerce divers métiers, dont ceux de bûcheron et d'ouvrier agricole. « J’étais un garçon des forêts, travaillant la terre, le bois, la pêche, la chasse, toute cette culture que l’on retrouve dans mes livres. J’ai été flotteur de bois sur les rivières du nord, une sorte d’aristocratie de ces sans-domicile fixe, je suis passé d’un travail physique à journaliste, je suis allé de la forêt à la ville. Journaliste, j’ai écrit des milliers d’articles sérieux, c’est un bon entraînement pour écrire des choses plus intéressantes. »
Et l'humour : « Les Finlandais ne sont pas pires que les autres, mais suffisamment mauvais pour que j’aie de quoi écrire jusqu’à la fin de mes jours. »
lundi 12 octobre 2009
Ne dites pas à ma femme que je rêve, elle croit que je suis sur mon blog ...
Je viens d'exhumer ce petit texte que j'ai commis il y a déjà plusieurs mois. Au départ, il y avait la question : pourquoi se retrouve-t-on devant un écran d'ordinateur, sur une fenêtre d'écriture, dans un "blog", alors qu'il fait beau dehors, qu'on serait bien mieux à contempler la mer ou à se taper un poulet-bicyclette sur les falaises de Bandiagara ?
La tentative de réponse était... mais elle reste encore pertinente :
D'abord, il est très probable qu'à cet instant précis on n'a pas le choix. "Ca n'existe pas, pour nous, ne pas avoir le choix !", m'avait rétorqué un de mes amis en m'annonçant qu'il prenait un mois de vacances avec ses enfants, et qu'il se foutait bien de savoir si c'était raisonnable ou non vis-à-vis de son boulot. L'essentiel, à ce moment précis de son histoire personnelle, c'était ce projet de partir avec ses enfants et de se consacrer à eux à 100%. "T'as d'la chance, moi je n'ai pas l'choix", lui avais-je dit comme un abruti quelques secondes auparavant.
Fouillons bien derrière nous : combien a-t-il existé d'occasions de saisir la liberté à pleines mains ? Par exemple, là, maintenant : qu'est-ce qui m'empêche de prendre ma T-bird et de partir contempler la mer ? Je ne vais pas tromper ma femme. Je ne vais pas non plus assassiner une petite vieille. Je vais pas gueuler devant un flic "Sarko, je t'ai vu !". Non, juste la mer, au bout d'une course (sauvage et vrombissante) dans la nuit.
J'avoue ici avoir toujours rêvé de partir sur un coup de tête très loin. La magie des transports aériens associée à la facilité de prendre un billet, vous permettent n'importe quelle ânerie de ce genre ; vous n'avez qu'à essayer !
- "Allo, c'est moi." (Je contemple la baie de San Francisco assis sur un banc de la plage de Sausalito, en dégustant un gros hamburger.)
- "Oui. Ca va ?" me répond-on. Le téléphone n'est pas encore programmé pour cafter la distance à laquelle vous vous trouvez de votre interlocuteur (ouf ! mais ça va venir ...). Moi je suis dans la peau du type qui n'arrive pas à croire que le monde entier en général, et mon interlocuteur en particulier, ignore que je suis à San Francisco, et non pas à Saint-Malo pour 2 jours comme je l'avais claironné 48H aupravant ! Alors je trouve ce "ça va ?" étonnant de sérénité. Vais-je dévoiler que je suis sur la Côte Ouest (je veux dire ; un peu au-delà de St Malo) ?
Si je dis rien, il est probable que personne ne va s'inquiéter. Je rentrerai de Saint-Malo (San Francisco) avec un jour de retard par rapport à mon plan de départ, mais il est tout à faite possible que des ouvriers m'aient séquestré, ou bien que le TGV ait eu une grosse panne (plus vraisemblable). (Attention, vérifier que le TGV arrive bien en gare de Saint-Malo !)
Si je dis : "Ca va, je suis à San Francisco" ; il y a deux scénarios.
1) "On" (vous voyez bien qui j'veux dire) ne me croit pas et me raccroche au nez. Ca c'est le "bon" scénario.
2) "On" me croit, et alors c'est le drame ! Là, vous avez compris que c'est le "mauvais" scénario ! Bon, je m'arrête là car ça me déprime.
Et je terminais ce petit (affectueux) texte par :
Quoiqu'il en soit, scénario 1 ou 2, je viens (devant vos yeux ébahis) de vous faire la vertigineuse démonstration de ce à quoi peut servir un blog : écrire et penser à des choses qui ne vous seraient jamais venues à l'idée si vous étiez, par exemple, en train de faire l'ascension du Mont-Ventoux par 35°C à l'ombre, ou bien le blaireau de service questionné par Foucault (pas Michel) dans "Qui veut gagner des millions ?".
Parole de terre, Une initiation africaine de Pierre Rabhi
C'est tout à fait par hasard que je me suis emparé de cet ouvrage que Joseph avait apporté lors de notre dernier échange littéraire. Il en avait assez peu parlé. Quelques clins d'oeil entendus à sa complice, ..., mais rien de plus.
Préface du regretté Yehudi Menuhin, ce grand violoniste sage qui disait ces quelques mots qui sont les rares mots que j'ai retenus par coeur, sans aucun effort : "C'est un défaut humain que de croire que le groupe auquel on appartient est le plus fort et que les autres ne valent rien."
Pierre Rabhi, sage également, nous invite à méditer sur la relation intime qui existe - et doit à tout prix subsister - entre l'homme et la terre ; la "Terre-mère", comme il l'appelle. Il le fait par le truchement d'une conversation entre l'auteur et un vieil homme africain, Tyemoro, au fond de sa case, dans un village appauvri par l'illusion du progrès. On devine qu'il s'agit d'un pays comme le Burkina Faso, ou peut-être le Mali. Tyemoro parle lentement, des égarements de notre civilisation qui a perdu le sens et la mesure des choses essentielles, du bonheur confondu avec l'accumulation de richesses, du progrès sans raison qui oublie le rythme du temps, de l'équilibre entre la vie et de la mort, ... Il prolonge son discours par le témoignage d'un jeune homme africain, Ousséini, qui est allé chez les blancs, a étudié, était promis aux plus hautes destinées (c'est à dire à participer au pillage de ses frères), et qui choisi d'aider son peuple en respectant ce lien indicible entre l'homme et sa terre d'origine.
Ousséini, après avoir présenté tout le travail qui avait été réalisé dans son village, et l'harmonie qui y règne maintenant, dit, en guise de conclusion : "Il nous reste cependant à trouver notre place dans le monde. Une chose est sûre : nous n'avons pas besoin de votre croissance économique car elle est équivoque, elle nous a ruinés et continuera de ruiner la planète entière. Les temps qui viennent seront décisifs et si vous-mêmes ne réussissez pas à vous débarrasser de cette ogresse, elle vous dévorera aussi, avec vos présidents, vos financiers, vos politiciens et tout le reste."
dimanche 11 octobre 2009
Herta MULLER, Prix Nobel de Littérature 2009
Herta Müller est une inconnue en France. Seules trois de ces oeuvres ont été traduites. Il n'y a qu'une chose que je connaisse d'elle, c'est l'explication qu'elle a donnée pour expliquer pourquoi elle s'était mise à l'écriture. Elle venait d'être mise en "disgrâce" par la police politique roumaine car elle n'avait pas voulu la renseigner.
Cette dame a dit simplement : "Je voulais vivre à la hauteur de mes rêves, c'est tout."
vendredi 9 octobre 2009
Chat secret
J'ai retrouvé mon chat
Il est à présent sur mes genoux.
Il fait sa toilette.
Il avait disparu toute une journée.
Les chats disparaissent
Et puis reviennent.
C'est leur destin.
Ils reviennent quand ils veulent
Ou bien la mort les prend.
Et quand ils reviennent
Ils font une grande toilette
Pour effacer toutes les traces
De leur forfaiture.
Cadel Ubbale
Il est à présent sur mes genoux.
Il fait sa toilette.
Il avait disparu toute une journée.
Les chats disparaissent
Et puis reviennent.
C'est leur destin.
Ils reviennent quand ils veulent
Ou bien la mort les prend.
Et quand ils reviennent
Ils font une grande toilette
Pour effacer toutes les traces
De leur forfaiture.
Cadel Ubbale
mercredi 7 octobre 2009
La cavale du géomètre
Existe-t-il un autre écrivain capable de mettre dans un de ses romans une scène historique où un ancien combattant finlandais dans les chars à chenilles est allongé, un fémur dans le plâtre et en traction, sur un lit d'hôpital installé sur un vieux bac arrimé aux berges d'une île au fin fond de l'Ostrobotnie, et parvient à pêcher un brochet d'un mètre de long et de plus de 15 kg, sous les yeux hallucinés d'une dizaine de jeunes françaises affamées participant à un stage de survie dans la campagne finlandaise, que cet Arto Paasilinna ?
Et quel moraliste ! "C'est ainsi que les choses se passent en général dans le monde : l'argent des riches est plus efficace que celui des pauvres, qui permet rarement de résoudre quoi que ce soit. Quand un pauvre essaye de régler quelque chose avec de l'argent, il le perd. C'est d'ailleurs pour celà qu'il est pauvre."
jeudi 1 octobre 2009
MMPRDC
Voilà un petit essai à la fois réconfortant et pathétique. Florence Noiville, aujourd'hui journaliste au Monde - et plus spécialement au Monde des Livres si j'ai bien lu - l'a échappé bel ! Classes préparatoires à Louis le Grand, HEC, "high pots", elle aurait pu finir à la tête d'une division de jeunes loups du marketing ou en charge de la spéculation. financière dans un "fond" quelconque. C'est un regard plein d'interrogations - un peu navré mais jamais agressif - qu'elle jette sur la formation dispensée dans les grandes écoles de commerce où "on nous encourage peu à penser hors du cadre" (...) où on reproduit "du conforme et du même". Mais, après tout, a-t-on besoin d'élites critiques, sensibles, pour "une société qui marche sur la tête en survalorisant ses marchands au détriment de ses chercheurs, de ses infirmières, de ses professeurs..." ? Pour le livre, elle a rencontré de ses anciens camarades qui lui avouent qu'ils ont appris "pas grand-chose, et même parfois rien", et surtout pas le sens des choses, de la matière humaine qu'ils sont sensés conduire ; si, quand même (et c'est une de ses amies qui parle) ;"J'ai appris à me mettre en avant.(...) J'ai appris une certaine arrogance qui a pu m'être utile pour ne pas me laisser marcher sur les pieds."
MMPRDC signifie "Make More Profit, the Rest we Don't Care". Voilà le système, voilà ce pourquoi cette élite-là est formée. Il en ressort "des types pour lesquels l'entreprise est un tableau Excel, la langue le globish et le projet l'enrichissement personnel."
Allez une petite citation extraite du livre dédiée aux "pilotes" de 4x4 : "Nous n'avons que 2 grandes certitudes : nous nous trouvons sur un gros caillou qui tourne sur lui-même et fend l'espace à plus de 100.000 km/h, et un jour, notre corps mourra. Une nouvelle paire de chaussures nous aidera-t-elle en quoi que ce soit ?" David Wilson
et puis une 2ème pour tous les cons qui nous pourrissent la vie :
"Cette étrange liberté où n'existe ni honte, ni retenue, ni morale (...), cette bizarre liberté ignoble où tout est permis." Milan Kundera "La Plaisanterie"
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