mardi 15 août 2023

Écologie et extrême-droite / Édito du Monde d’aujourd’hui

L’écologie, instrumentalisée par l’extrême-droite pour en faire un amplificateur de vote en sa faveur ? C’est le thème de l’éditorial du jour qui souligne que l’extrême-droite est en train avec son slogan « une écologie du bon sens » (thème déjà exploité jadis du temps de Le Pen père ; cf la photo) de mettre dans sa poche tous ceux qui n’ont pas envie d’une écologie qui les conduiraient à changer leur mode de vie (voiture individuelle, alimentation, consommation, énergie, vacances à l’autre bout du monde, …), et qui considèrent qu’on amplifie très fortement le phénomène du réchauffement climatique. 

« L’ecologie du bon sens » défend l’agrarisme (le paysan contre le bobo parisien) et le technosolutionnisme (la technique résoudra les problèmes et haro sur l’écologie de gauche, la punitive).

Sans compter sur le lien fait entre la préservation de la biodiversité et la protection de « races » essentialisées.

Face à ce « greenwashing nationaliste », la gauche ne propose hélas pas grand chose : des conflits d’individus, des réflexions d’intellectuels sans prises sur le vote populaire, des petites phrases dénonciatrices qui enflamment la blogosphère, des alertes répétées qui finissent par lasser, …

Deux choses (en étant très optimiste) pourraient amener à une véritable prise de conscience (c’est à dire avec effets immédiats et consensus) : que s’abatte sur la France une série de catastrophes dont le lien avec le dérèglement climatique ne ferait aucun doute, ou que Macron, dont c’est la dernière année de mandat, mette en marche forcée sa fameuse « planification écologique ». Mais si celle-ci n’est restée aujourd’hui qu’au stade incantatoire, n’est-ce pas parce qu’elle remettrait en cause toutes les bases du macronisme, et plus généralement le capitalisme ?

lundi 14 août 2023

Cérémonie du culte protestant à Prailles-La Couarde (79) en 1863


Cette photo en noir et blanc, accrochée au mur dans les toilettes d’une maison d’amis, est intéressante. Je la trouve très belle et elle m’intrigue. Je me suis donc mis dans la tête de tenter de la décrire aussi précisément que possible, de telle sorte qu’une personne qui ne la verrait pas puisse en avoir une idée assez juste. C’est aussi, en passant, un petit exercice d’écriture …

Plusieurs échanges avec mon amie, propriétaire de la photo, m’ont permis d’enrichir mon texte … et de prendre quelques libertés d’apprenti romancier.


Cette photo a été prise en pleine nature, sur la commune de Prailles-La Couarde à une vingtaine de kilomètres à l’est de Niort, où habitaient les aïeux de mon amie, précisément à la Ferme de Fombelle qui appartient toujours à sa famille. Le père de mon amie avait gardé le souvenir de cette ferme dans laquelle, alors qu’il était enfant, vivaient encore ses grands parents.

C’est dans ce petit village de La Couarde que l’on peut visiter aujourd’hui le Centre Jean Rivierre, un bâtiment à l’architecture modeste mais non dénuée d’intérêt, recouvert de lattes de châtaignier et inauguré en 2009. Le Centre accueille le secrétariat de la Maison du protestantisme poitevin situé dans la commune proche de Beaussais et conserve un fond documentaire important : 2.000 ouvrages, 250.000 relevés d’actes référencés et surtout le « Livre d’or des Protestants du Poitou persécutés pour leur foi », une sorte de « dictionnaire » des familles protestantes établi par le pasteur Jean Rivierre (1904-1993) qui consacra plus de cinquante années de recherche à l’écriture manuscrite de ses 6.300 pages réparties sur 14 volumes - une « bible » pour tous les curieux de généalogie (le site de « L’entraide généalogique de la Vienne - GE86- permet de lire un remarquable et émouvant portrait de ce pasteur).

Mais revenons à notre photo.

On peut y voir une assemblée de fidèles ; une trentaine, les femmes à droite et les hommes à gauche (à l’exception de deux hommes que l’on devine parmi le groupe des femmes, au premier rang). Ils sont assis sur des chaises alignées sur trois ou quatre rangées pour les premières et deux rangées pour les seconds. Au centre et au fond, une petite estrade avec un pupitre derrière lequel se trouve un pasteur reconnaissable à ses deux rabats blancs qui signifient l’Ancien et le Nouveau testament. L’assemblée occupe toute la photo ; déborde même très légèrement du cadre.

Devant et de part et d’autre du pupitre, on peut distinguer plusieurs enfants, principalement des filles avec une coiffe blanche en collerette tout autour du visage. 

Le photographe a posé son appareil photo à environ 4 ou 5 mètres des premiers fidèles, dans l’axe d’un sentier qui chemine jusqu’à l’estrade et qui délimite les espaces réservés (théoriquement) à chaque sexe. 

Derrière le groupe des femmes, un arbre au tronc puissant dont l’une des branches basses maîtresses, dénuée de feuilles, décrit un arc de cercle au-dessus du pasteur. D’autres arbustes formant taillis ferment la perspective. On est au bout d’un chemin dans un lieu choisi, à l’écart, dédié au culte. Une herbe pauvre et rase couvre un sol pierreux.

Les femmes ont la tête couverte d’une coiffe blanche, simple, plutôt plate, qui descend très bas des deux côtés du visage, mais laisse le front dégarni, assez largement. Les jupes grises, que l’on devine confectionnée avec du tissu grossier, sont amples ; elles leur dissimulent les pieds et semblent monter assez largement au-dessus de la taille. Elles portent des gilets plus ajustés que les jupes et de couleur noire.

Les hommes portent des vestes ou des chasubles, en tissu modeste également ; peut-être en coutil. Aux pieds, des sabots. Ceux du premier rang ont la tête coiffée d’un chapeau noir à larges bords. A l’arrière, deux ou trois arborent des couvre-chefs blancs à rubans noirs, à larges bords également ; des élégants ?

Une chaise est vide au premier plan du côté des hommes ; on peu imaginer que c’est celle du photographe. 

Plusieurs participants tournent la tête et regardent le photographe comme dans certains tableaux classiques - je pense à « La Ronde de nuit » de Rembrandt. Une femme en particulier à la tête penchée et le regard tourné vers l’objectif du photographe.

La qualité de la photo ne permet pas de distinguer clairement les traits du visage des fidèles à l’exception d’un jeune homme au second rang, l’un de ceux qui porte un chapeau blanc. Il s’agit de l’arrière-arrière-grand-père de mon amie ; on devine dans son visage régulier, les traits fins du visage, son regard clair, les expressions que l’on retrouve aujourd’hui chez mon amie sur une autre photo prise d’elle, sensiblement au même âge. Il est curieux que cet homme, qui était fils de paysan, ait pu se distinguer des autres participants par un accessoire d’élégance. Peut-être s’agit-il de « l’officier » de la fratrie - ils étaient 6 garçons et trois filles - qui s’est engagé jeune dans l’armée et y a fait une assez brillante carrière jusqu’à être tué sur le Fleuve rouge au Tonkin par des chinois des Pavillons noirs, en avril ou mai 1882.

Mais revenons à nouveau à notre photo.

Le pasteur nous fait face. Avec son front très haut, ses cheveux que l’on devine de couleur claire (peut-être blancs ?), il se tient bien droit, une main posé sur le pupitre, deux ou trois livres en pile à proximité, dont très probablement une Bible. Une certaine noblesse pleine de sérénité se dégage de cet homme encore jeune (peut-être une quarantaine d’années). 

Il s’apprête à célébrer le culte et il laisse quelques secondes encore au photographe pour éterniser cet instant, avant de prononcer les quelques mots d’accueil qui précèdent la salutation et une louange adressée à Dieu.

A noter que ce culte célébré dans la nature, en dehors de tout édifice, ne signifie pas que qu’il ait été menacé à cet endroit, à cette époque (cependant, 100 ans plus tôt des pasteurs ayant célébré le culte pouvaient être condamnés à mort). Il est plus probable qu’il n’y a pas de temples où qu’ils ont été détruits ; la plupart des temples de la région ont été construits après le Concordat (15 juillet 1801) et, surtout, dans la seconde moitié du 19ème siècle. Par ailleurs, si l’on en croit le site internet « Musée protestant »

https://museeprotestant.org/ , les protestants ne doivent avoir besoin ni de bâtiments ni de locaux spéciaux pour la célébration du culte puisqu’ils sont eux-mêmes « le temple de Dieu » …


samedi 12 août 2023

Heidegger, un philosophe au service d’un despote.


Portrait au vitriol du philosophe Heidegger en nazi convaincu dans l’épisode 4 de la série « Philosophes et despotes » publié en cette période estivale dans « Le Monde ». On s’interroge sur les causes d’un tel engagement fondé sur des valeurs que l’on peut qualifier d’inhumaines et qui paraissent aux antipodes de la représentation courante de la philosophie (mais Platon n’était-il pas anti-démocrate ?). La culture et la capacité à raisonner n’ont jamais constitué des remparts au fourvoiement. Elles peuvent servir une idéologie mortifère comme on le voit avec Heidegger. Combien d’éminents professeurs de droit, quantité de juges ou de médecins, dont les études auraient dû leur ouvrir l’esprit, se sont dévoyés
  en faisant allégeance à Hitler ? (Voir sur Arte, le superbe documentaire « Les tribunaux d’Hitler »). Alors comment une société, si les plus instruits de ses membres ne sont pas à l’abri de soutenir des théories monstrueuses, peut-elle se donner les moyens d’éviter de pareilles dérives mortifères ? L’éducation est véritablement la clé du problème ; celle prodiguée par la cellule familiale et celle émanant de l’école. Pour celle-ci, il me semble évident qu’aujourd’hui, ce n’est pas l’acquisition d’un corpus de connaissances qui constitue l’enjeu majeur, mais plutôt la capacité à réfléchir et savoir s’informer. Alors, bien sûr, il est nécessaire de disposer de références, mais moins dans un souci d’accumulation que dans une perspective d’ouverture d’esprit. La culture du « doute positif » - à opposer au « doute complotiste » - est indispensable pour éviter l’idéologie qui conduit à rendre aveugle et sourd, même les plus brillants cerveaux ; et reste l’énigme Arendt …

vendredi 11 août 2023

Une bonne nouvelle


Dans cet océan de mauvaises nouvelles, enfin une bonne qui tient du miracle, mais plus sûrement du courage et du dévouement des membres de SOS Mediterranee qui, avec l’Ocean Viking, ont secourus 623 personnes en détresse lors de 15 sauvetages durant ces dernières 36 heures. 

Il faut rappeler que le nombre de migrants disparus en Mediterranee depuis le début de l’année est de plus de 1800, quant le total pour 2022 était déjà de 1417.

Nous devons nous préparer, avec le dérèglement climatique et les conflits qu’il va provoquer dans les régions du pourtour méditerranéen et plus en profondeur dans l’Afrique subsaharienne, à devoir accueillir davantage de réfugiés. Aucune barrière, même des remparts, ne pourra arrêter ces flots de miséreux. Ça ne nous plait pas parce qu’ils vont troubler notre petite vie confortable, mais si nous ne leur tendons pas la main, ce sera pire pour nous demain.

La préparation à cet accueil devrait être une cause européenne. Il y a urgence.

mercredi 9 août 2023

Une balle perdue de Joseph Kessel

 L’écoute de plusieurs podcasts de France Inter consacre à Joseph Kessel m’a donné l’envie de lire cet auteur un peu oublié aujourd’hui, dans le flot de la production littéraire. 

« Une balle perdue », raconte l’histoire d’Alejandro, jeune cireur


de chaussures de Barcelone, anarchiste par ideal humaniste, qui se trouve engagé, un peu malgré lui, dans le soulèvement de la Catalogne pour son indépendance, en octobre 1934 ; soulèvement rapidement réprimé dans le sang par l’armée et ses redoutables légionnaires du Tertio sur lesquels Franco s’appuiera, deux ans plus tard, dans sa conquête de l’Espagne. 

Le jeune homme travaille en temps normal dans les environs de l’hôtel Colon. C’est dans cet hôtel de luxe qu’il a repéré une jeune, belle et riche anglaise, Miss Moore, dont il est tombé platoniquement amoureux et qu’il observe à distance quand elle est au balcon de sa chambre.

Mais rapidement, Alejandro va délaisser sa boîte à brosses et à cirages pour un fusil, et les pavés de la Place de Catalogne pour les toits de Barcelone, depuis lesquels il sera l’un des tout derniers francs-tireurs.

Quand le soulèvement survient, Kessel se trouve dans la capitale catalane en touriste. Les événements lui font reprendre sa plume de reporter et il écrira « Une balle perdue » quelques mois plus tard à Saint-Tropez, avec l’intuition que cet épisode préfigure la terrible guerre civile qui va ravager l’Espagne entre 36 et 39, laquelle fera office de « galop d’essai » ou de « mise en bouche » de la 2nde guerre mondiale pour l’Allemagne nazie.

Le livre est le roman de l’amitié, de la générosité, des idéaux, de l’amour, mais aussi de la désillusion, de celle qui s’empare de l’honnête homme face au constat de la vraie nature de certains de ses contemporains.

L’écriture est belle et un peu datée, sans les fulgurances de celle d’un Gary. 

La fin fait écho à ce que Kessel ressentira quand il reviendra sur Toulouse après avoir pris le dernier avion au départ de Barcelone, conscient d’avoir pris la place d’un autre qui sera vraisemblablement exécuté : le décalage presque obscène entre l’indifférence et l’insouciance qui se dégagent de joueurs de pétanque s’adonnant à leur passe-temps favori et le tragique des destins des combattants de la liberté à quelques centaines de kilomètres de distance. « J’avais l’impression de voir des gamins jouer dans une cour d’école au milieu d’un champ de bataille », dira-t-il.

jeudi 3 août 2023

Blog à part 2 « L’empathie, on la réserve pour son chien ; un peu comme les psychopathes »


Blog à part, quoi de neuf ? Joan Baez (un texte qui date de plusieurs années, retrouvé dans mes notes).

« Après mes concerts, les gens discutent de ce que je leur rappelle : une époque où ils avaient le pouvoir de résister, faire bouger les choses, plutôt que rester sur leur canapé devant la télé. Quand on chantait « We Shall Overcome », c’était immédiatement repris à une large échelle. Aujourd’hui il faut redoubler d’efforts, car on fait face à une absence totale d’empathie devant la souffrance humaine. On la réserve pour son chien, un peu comme les psychopathes. »

Les ingénieurs du chaos

 


Quoi de neuf ? La lecture (de mon point de vue, indispensable pour comprendre la marche du monde actuel) de « Les ingenieurs du chaos » de Giuliano da Empoli, l’auteur du remarquable « Mage du Kremlin ». Passionnante (vraiment !) et instructive analyse des ressorts du national-populisme et de la puissance des algorithmes et des réseaux sociaux, quand les sciences « dures »s’accouplent aux sciences sociales pour produire le carburant des dictatures ou des « démocraties illibérales ». Dis comme ça, c’est peut-être pas très tentant en période estivale, mais 1) difficile de s’arracher de ce petit livre (215 pages, 8,10€ en Folio) tant il est écrit avec intelligence et remarquablement sourcé 2) n’est-ce pas le bon moment pour réfléchir avec Bergson : « Sur 10 erreurs politiques, il y en a 9 qui consistent à croire encore vrai ce qui a cessé de l’être. Mais la 10eme, qui pourra être la plus grave, sera de ne plus croire vrai ce qui l’est pourtant encore », ou avec Woody Allen : « Les méchants ont sans doute compris quelque chose que les bons ignorent » 3) ça redonne la pêche, pour peu que l’on veuille encore croire à certaines « valeurs » comme la démocratie représentative, la solidarité, plus de justice sociale et moins d’individualisme : c’est beaucoup plus difficile de faire passer ces convictions positives que de les dénigrer, mais c’est normal et vous n’êtes pas seuls à vous heurter à ces difficultés ! …

Nota : attention, si vous 👍 vous allez être repérés 😉



mercredi 2 août 2023

Blog à part 1 L’effondrement ou rien !


Blog à part, on est très mal partis ou, si vous voulez, selon que vous voyez le verre à moitié vide ou à moitié plein, plutôt bien … vers l’effondrement de l’humanité. Je ne veux pas me glisser dans la peau d’un collapsologue de seconde zone, par pudeur et par manque probable d’expertise, mais, même par conviction (n’est-ce pas Monsieur Gramsci ?), c’est difficile de rester optimiste par ces temps qui brûlent, qui se dronent à qui mieux mieux, bruissent des pas cadencés, se polluent et se complotent. 

« Business as usual » affirment ceux qui ne voient pas pourquoi on fait tout un plat du (soi-disant) réchauffement climatique ; pourquoi on s’évertue à anxiogéniser la jeunesse ; pourquoi on s’affolerait au prétexte (fallacieux) que des dizaines voire des centaines de milliers d’individus (et plutôt des millions) pourraient mourir des dérives climatiques et de la pollution (sans percevoir la contradiction des propos), quand dans l’histoire toute époque a connu son lot de famines, guerres et autres épidémies ; pourquoi on ne plante pas davantage d’arbres pour tout solutionner (trop fastoche).

Les ecolos, qui sont le plus souvent des islamogauchistes wokistes, sont vraiment des emmerdeurs à répéter ce que certains pseudo-visionnaires dénonçaient, sans peur du ridicule, depuis plus de 30 ans ! Parmi ces individus bêtement alarmistes, Romain Gary et Marguerite Yourcenar, il y a même plus de 60 ans !

Consommons sans entraves ! Voilà le slogan des années 2020 !  

Blog à part : il y a de quoi déprimer face au déni, au cynisme et à l’indifférence,