mercredi 9 août 2023

Une balle perdue de Joseph Kessel

 L’écoute de plusieurs podcasts de France Inter consacre à Joseph Kessel m’a donné l’envie de lire cet auteur un peu oublié aujourd’hui, dans le flot de la production littéraire. 

« Une balle perdue », raconte l’histoire d’Alejandro, jeune cireur


de chaussures de Barcelone, anarchiste par ideal humaniste, qui se trouve engagé, un peu malgré lui, dans le soulèvement de la Catalogne pour son indépendance, en octobre 1934 ; soulèvement rapidement réprimé dans le sang par l’armée et ses redoutables légionnaires du Tertio sur lesquels Franco s’appuiera, deux ans plus tard, dans sa conquête de l’Espagne. 

Le jeune homme travaille en temps normal dans les environs de l’hôtel Colon. C’est dans cet hôtel de luxe qu’il a repéré une jeune, belle et riche anglaise, Miss Moore, dont il est tombé platoniquement amoureux et qu’il observe à distance quand elle est au balcon de sa chambre.

Mais rapidement, Alejandro va délaisser sa boîte à brosses et à cirages pour un fusil, et les pavés de la Place de Catalogne pour les toits de Barcelone, depuis lesquels il sera l’un des tout derniers francs-tireurs.

Quand le soulèvement survient, Kessel se trouve dans la capitale catalane en touriste. Les événements lui font reprendre sa plume de reporter et il écrira « Une balle perdue » quelques mois plus tard à Saint-Tropez, avec l’intuition que cet épisode préfigure la terrible guerre civile qui va ravager l’Espagne entre 36 et 39, laquelle fera office de « galop d’essai » ou de « mise en bouche » de la 2nde guerre mondiale pour l’Allemagne nazie.

Le livre est le roman de l’amitié, de la générosité, des idéaux, de l’amour, mais aussi de la désillusion, de celle qui s’empare de l’honnête homme face au constat de la vraie nature de certains de ses contemporains.

L’écriture est belle et un peu datée, sans les fulgurances de celle d’un Gary. 

La fin fait écho à ce que Kessel ressentira quand il reviendra sur Toulouse après avoir pris le dernier avion au départ de Barcelone, conscient d’avoir pris la place d’un autre qui sera vraisemblablement exécuté : le décalage presque obscène entre l’indifférence et l’insouciance qui se dégagent de joueurs de pétanque s’adonnant à leur passe-temps favori et le tragique des destins des combattants de la liberté à quelques centaines de kilomètres de distance. « J’avais l’impression de voir des gamins jouer dans une cour d’école au milieu d’un champ de bataille », dira-t-il.

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