samedi 3 décembre 2022

Le colonel ne dort pas

 

Un colonel tortionnaire chez lequel tout est gris jusqu’au regard et qui ne dort jamais, hanté par les fantômes de ses victimes, un général qui s’isole dans le faste déchu d’un palais jusqu’à devenir fou, une jeune ordonnance, spectateur muet dans ce sous-sol de la maison des tanneurs où les suppliciés, sous les mains du colonel et de ses affidés, deviennent des choses, tels sont les principaux personnages qu’Emilienne Malfatto fait évoluer dans une ville-ruine sur laquelle il pleut sans cesse et qui résonne des fracas sinistres de la guerre. On est entre le « Désert des Tartares » de Buzatti, et « Au cœur des ténèbres » de Conrad. L’écriture reproduit parfois, par l’usage erratique de la ponctuation, l’atmosphère d’irréel et d’inhumanité dans laquelle baigne le récit. L’auteure, qui fut grand reporter de guerre, évoquait à la Grande Librairie, sa sidération devant certaines scènes de guerre dont elle fut témoin et qui paraissent sur l’instant relever davantage du cauchemar ou du pire film d’horreur, que de la réalité. 

« Le colonel pense souvent que la nature humaine se révèle dans ces instants de nudité absolue, quand l’homme est précisément dépouillé de toutes les minces couches de vernis - appelez ça l’éducation, ou la sociabilité, ou l’amour, ou l’amitié - qui recouvrent sa nature profonde, homo sanguinolis, sa nature animale, viscérale, quand l’homme n’est plus qu’une masse organique. »

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