samedi 3 décembre 2022

EO

 Inhabituel pour moi, un essai à la critique cinématographique 😉 (juste pour vous faire partager le plaisir que j’ai ressenti en voyant ce film).

Voir le monde, sa beauté comme ses horreurs, à travers les yeux d’un animal, en l’occurrence un âne, est le thème d’EO, le film du polonais Jersey Skolimowski, prix du Jury au dernier festival de Cannes.

EO est le nom d’un petit âne que l’on découvre dans un numéro de cirque, choyé par sa partenaire. Mais sa vie bascule quand le cirque est contraint, sous la pression de défenseurs des animaux, de s’en séparer. Débute alors pour EO, une vie partagée entre captivités et errances qui le transforme en observateur-philosophe des turpitudes des hommes, et plus rarement de leur dignité. Intégré dans un haras et affecté aux tâches les moins nobles, il y fera l’expérience de la « distanciation sociale » entre les chevaux - magnifiques images de ces animaux dans leurs allures et leurs plastiques d’athlètes - appartenant à la classe des nantis, et lui, relégué dans sa condition de « prolétaire ». Mais comme dans la fable du chien et du loup, il est pauvre mais libre, contrairement aux pur-sangs soumis à des exercices de musculation et de dressage. Il s’enfuira, laissant les nobles aux délices de leur cage dorée, non sans renverser au passage toute une étagère de trophées, symbole des vanités qui lui sont étrangères. Il poursuivra son « parcours initiatique », tantôt dans des camions en compagnie d’autres animaux, tantôt seul au milieu d’une forêt hostile, ou encore mascotte involontaire d’une équipe de supporters de foot autant enragés que minables, etc.

Le réalisateur multiplie les scènes en alternant de manière magistrale les plans de la caméra sur l’animal, en les accompagnant des bruits de sa respiration, de celui des sabots, de la mastication, réussissant totalement à placer le spectateur dans la peau du petit âne.

Entre ces scènes, Skolimowski (82 ans) et son directeur de la photographie ont placé des moments de pure esthétique, nous donnant à contempler des paysages sublimés où nous plongeant dans l’ivresse d’images quasi psychédéliques, le tout servi par une musique qui en accentue le caractère paisible ou dramatique.

Chaque scène du film, même celles que l’on peut trouver incongrues (celle avec Isabelle Huppert en riche belle-mère déjantée, par exemple), est matière à réflexion et on trouvera certainement dans le final, une métaphore d’une terreur humaine que l’on croyait appartenir au passé …

Juste formidable !

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