Pourquoi un jour écrire à une amie qui est morte depuis plus de 40 ans et qui fut la maîtresse de son mari, lui dont le corps ne fut jamais retrouvé dans l’avalanche qui a emporté les deux amants ? Le déclencheur de cette longue lettre est la mort de Georg, l’ex-mari de cette amie et qui est devenu le compagnon d’Anna, la narratrice, quelques temps après le drame de l’avalanche.
S’agit-il d’une revanche ? S’agit-il de pardonner ? D’une jalousie que toutes ces années ne seraient pas parvenues à effacer ? Non, curieusement, cette lettre est une preuve d’amour, teintée d’incompréhension et de regrets pour la perte physique d’une amitié forte qui liait quatre amis. C’est aussi pour Anna, une manière de lever le voile sur un secret - celui de son père qu’elle n’a jamais connu -, de rendre hommage à sa mère, de révéler à ces absents qui elle était vraiment - et en particulier son détachement, voire son rejet, de toutes formes de prétention fondée sur l’aisance matérielle -, ce qu’elle a pu ressentir de trahison de son mari et de son amie, comment elle n’a cessé d’aimer son amie : en allant seule, chaque mois, sur sa tombe, en élevant ses enfants - des jumeaux - comme s’il s’agissait des siens alors qu’elle était devenue stérile à la suite d’un avortement clandestin, en prenant soin de son mari, Georg, sans vouloir « prendre sa place », comme par devoir d’amitié.
Mais, cette lettre est certainement pour Anna le moyen de conjurer une douleur : celle d’une enfant dont les parents ne sont pas parvenus à s’aimer car le père a disparu. « Nous pardonnons à nos parents qu’ils nous oublient, à condition qu’ils s’aiment. » est la phrase qui conclue ce magnifique roman traversé par l’amour de l’autre.
Jens Chritian GRONDAHL est un auteur danois dont l’œuvre est reconnue internationalement et couronnée de nombreux prix dont l’équivalent danois du Prix Goncourt.
*la traduction du titre original est : Je suis souvent heureuse
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