vendredi 30 décembre 2022

L’Eglise de Marignac (17)


C’est juste un modeste clocher aperçu depuis la route. Pourquoi m’a-t-il conduit, alors que j’avais déjà dépassé le village, à faire demi-tour pour aller le voir de plus près et allonger en conséquence mon trajet de plusieurs minutes ? Le hasard ? Un pressentiment ? Une curiosité téléguidée pour tout ce qui touche à l’architecture et une fascination, en particulier, pour l’art roman ? Je suis tombé sur une perle comme il en existe de nombreuses en Poitou-Charentes, mais celle-ci, peut-être encore plus précieuse. 





En exterieur, les trois absides qui forment le chevet de l’édifice sont ornées d’une corniche sur laquelle se déploient des modillons (figurines) anthropomorphiques, ou représentatifs d’un bestiaire naturel ou grotesque, des métopes (petits tableaux) aux motifs floraux ou géométriques, et ponctuée de chapiteaux relatant certains épisodes bibliques. Parmi les modillons, plusieurs sont remarquables : un homme barbu tenant dans ses bras une énorme barrique comme le fardeau de son vice, un visage encapuchonné, le front ceint d’un bandeau témoignant probablement de sa noble condition, mais les yeux exorbités révélant que ce privilège n’exonére pas d’une frayeur devant la mort, deux amoureux étroitement enlacés, leurs corps si proches que l’usure de la pierre a dû effacer les organes de leur compulation et détacher leurs lèvres unies originellement d’un baiser éternel, …






Mais l’extraordinaire de cet édifice vieux de mille ans se poursuit à l’intérieur où le chœur, entièrement peint de motifs floraux et animaliers très bien conservés (datant probablement du XIXème), révèle une longue frise sculptée dans les arabesques végétales desquelles apparaissent des combats terrifiants entre humains, démons et chimères. 


Les sculpteurs anonymes, les modèles non-moins anonymes et ces fidèles des premiers temps, imaginaient-ils que 900 ou 1000 ans plus tard, leur mémoire appartiendrait au cyber espace et que leurs fantômes viendraient hanter avec bonheur quelques lignes d’un manuscrit virtuel, sans autres enluminures que la reproduction photographique de leur espace de craintes et de prières ?

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