Ce « roman autobiographique impersonnel » comme il faudrait le qualifier, si j’en crois Annie Ernaux et les critiques, se lit comme on pourrait feuilleter un éphéméride qui dévoilerait, non pas les événements à venir, mais ceux du passé. Pour ceux qui comme moi ont assisté - pour ma part, davantage comme spectateur qu’en tant qu’acteur - à la plus grande partie de ce « défilé », ce livre peut laisser plusieurs impressions. Tout d’abord celle d’une accélération de l’histoire : la guerre de 39-45 se révèle ainsi comme le déclencheur probable de ce qui ressemble par moment à une fuite en avant du train de la société, et ce, dans tous ses « compartiments » ; une ambivalence : les événements, les attitudes, les modes paraissent à la fois d’un autre temps et tellement proches, comme si cette accélération avait aussi provoqué une contraction du temps ; une certaine inanité (si l’on est pessimiste) ou un détachement (version optimiste) en ce qui concerne toute cette « agitation » de la société : mais qui peut croire, en définitive, que le fétu de paille peut librement s’orienter dans le courant d’un torrent ? ; d’une mise à nue de l’auteure qui ne va pas jusqu’à la provocation extrême de « La vie sexuelle de Catherine M. », mais qui partage, parfois crûment et plutôt fréquemment, ses pulsions sexuelles ainsi que l’état du fond de sa culotte (pour parler trivialement).
« Les années » représente un formidable témoignage d’ordre sociologique, porté par une subjectivité de militante, sur presque 60 ans de vie française.
Comment ce livre peut-il intéresser et « parler » à un lecteur étranger ? C’est un peu un mystère, mais sans doute pas, puisque que « Les années » est considéré comme le chef d’œuvre de la toute nouvelle Prix Nobel.
Enfin, souvent qualifiée de « plate », l’écriture d’Annie Ernaux m’est apparu plutôt juste, brève et séquencée quand il s’agit de témoigner de l’accumulation des choses, plus ample (mais on n’est quand même pas dans un registre proustien) pour le regard porté sur ce kaléidoscope de la vie.
Un livre que je recommanderais aux « étrangers » que sont mes enfants.
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