vendredi 28 décembre 2018

En cherchant la paix comme tous les enfants-soldats



Poème de Jean-Noël Spuarte (1913)

Tu m'a attendu longtemps sur cette butte
Si belle dans ta jeunesse inquiète
Tu m'as embrassé sans savoir embrasser
Et tes seins étaient des bijoux de porcelaine.

Tu es venue t'allonger contre moi
Avec tous les interdits que je redoutais
Mais ta peau avait le parfum d'une vestale
Et la chaleur de nos corps te suffisait.

De l'autre côté de la cloison Led Zeppelin
Grimpait sur son échelle vers le paradis
Dans l'air flottait une odeur de mauvais patchouli
Et chaque nuit je me déguisais en combattant ridicule du sexe.

Je t'ai vu prendre le train et puis revenir
Des centaines de fois courir sur le quai
Des larmes dans tes yeux de chat
Pourquoi n'avons-nous pas su t'aimer ?

Quand nous nous sommes quittés
Ton corps était penché sur le rebord de la fenêtre
Mais cet hôtel ne s'appelait pas l' "Hôtel du Suicide"
Et tu vis à présent en ignorant les lettres que je ne t'écrirai jamais.

Tu étais un médecin des âmes et une sœur des désespérés
Maintenant tu ris, tu mens, tu jouis et tu pleures
Un homme chaque nuit couché contre tes hanches immenses
Qui cherche la paix comme tous les enfants-soldats.

Tu ne reviendras plus mendier un baiser
A la bouche qui t'a appris à embrasser
Maintenant que tu n'as plus peur de te soumettre
Un nuage en forme d'ange passe dans le ciel.

Tu désires pourtant remonter aux sources du fleuve
Là où tu trouveras la fleur qui n'est pas encore fanée
Celle qu'il t'avait donnée comme on prononce un serment
En cherchant la paix comme tous les enfants-soldats.


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