jeudi 27 décembre 2018

"Do you know who is this man ? Isn't the president ?




Voici un extrait d'un opuscule d'une trentaine de feuillets écrits - et probablement d'autant d'illustrations - relatant un grand week-end à Montreal.
La scène se passe devant la murale de Cohen du quartier "Le Village".

"Je finis par tomber sur le restaurant le « Réservoir ». La murale de Cohen est toute proche, je m’en souviens bien (comment l’avoir oublié ?). A l’angle de la rue, je crois reconnaître un immeuble un peu haut qui domine sans grâce le quartier. C’est bien là. Pendant que je la prends en photo (quel est le meilleur angle ?), un homme noir s’approche de moi, curieux. Il regarde la murale comme s’il la découvrait pour la première fois. Il me paraît sympathique et je lui demande alors s’il sait de qui il s’agit en pointant du doigt le portrait géant. L’homme est anglophone. « Do you know who is this man ? » lui dis-je. Il lève les yeux vers la murale et après quelques secondes il me répond, hésitant : « Isn’t the president ? » Ça me fait sourire et j’imagine la réaction de Cohen s’il avait su qu’on le prendrait un matin de décembre pour un homme d’état.

Nous poursuivons notre discussion et je lui parle de cet homme, de cet immense poète et chanteur dont visiblement il ignorait jusqu’à cet instant l’existence. Je lui dit quelques mots de ma relation avec Léonard Cohen, que je le connais depuis que j’ai douze ans, depuis que mon frère aîné a placé le vinyle de « Songs from a room » sur le plateau de l’électrophone de nos parents, une après-midi d’hiver 1969, alors que nous étions seuls à la maison. « Like a bird on the wire, Story of Isaac, A bunch of Lonesome heroes, The Partisan, Seems so long ago Nancy, You know who I am, Lady Midnight, Tonight will be fine, ... ». Que des chansons d’anthologie.

L’homme paraît très intéressé par mes propos et ouvre des yeux surpris et admiratifs après chacune de mes révélations (peut-être a-t-il compris, avec mon mauvais anglais, que j’ai personnellement connu le personnage représenté en noir et blanc sur le pignon de cet immeuble banal ?).

« This is my first stay in Montreal. I arrived yesterday ». Il trouve ça encore formidable et, me serrant la main en m’indiquant qu’il fallait – à regret – qu’il me quitte, il me dit : « I was glad to meet you. And I wish you a pleasant stay in Montreal. This is a great day to see you ! »

Encore un peu et il aurait pu dire : « I am glad you stood in my way. Thank you for the trouble you took from my eyes[1], ... », et là, j’aurais reconnu le fantôme de Léonard Cohen."


[1] Extraits de « Famous Blue Raincoat »

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