Je n’avais pas réalisé qu’il s’agissait d’une métaphore d’un couple de danseurs - et plus spécifiquement "Ginger et Fred" - avant d’en lire l’explication dans un guide touristique. Je dois avouer que cette information a changé mon regard sur ce bâtiment.
L'auteur de ce "Ginger et Fred", la "starchitecte" Frank Gehry, est le concepteur d'un grand nombre de bâtiments de par le monde dans un style qui lui est propre, relevant de la grande famille du "déconstructivisme". En France, il nous a gratifiés à ce jour de deux bâtiments : feu l'American Center de Bercy ouvert en 1994 et fermé deux ans plus tard* pour être remplacé, après des travaux réalisés par l'Atelier de l'Ile, par la Cinémathèque Française ouverte au public en 2007 ;
plus récemment, c'est au cœur du Bois de Boulogne et pour le compte du milliardaire Bernard Arnault, que Gehry a édifié un spectaculaire vaisseau de bois et de verre en apparence -mais aussi de béton et d'acier en quantité significative mais moins visible - réglementairement qualifié de "R+1" (c'est à dire de bâtiment comportant un RDC et un niveau en superstructure) malgré son encombrement comparable à Beaubourg, et économiquement inscrit au Guinness des records avec le ratio coût au m2 le plus élevé au monde (110 00 €/m2).
Concernant le premier, j'ai toujours eu du mal à rêver devant ses allures un peu pataudes et je pense qu'il ne s'agissait vraiment pas du meilleur exercice de Gehry.
Pour le second, le jugement est plus complexe : je partage assez volontiers le commentaire d'une de mes amies architectes le qualifiant d' "archaïsme édifiant" (elle voulait dire qu'à notre époque, dilapider une telle quantité de matière et donc de CO2, pour une si petite surface édifiée, paraissait relever d'une conception historiquement forclose) ; un autre de mes amis déplore le niveau de certaines prestations eu égard les sommes investies ; je voudrais apporter une appréciation moins négative : hormis le coût invraisemblable de cet objet, j'avoue ne pas être insensible à l'exploit plastique dû, il faut le souligner, autant au "directeur artistique" (tel était le statut de l'architecte) qu'aux ingénieurs spécialisés en structures et en enveloppes complexes.
Je suis un (presque) inconditionnel du Guggenheim de Bilbao, icone révolutionnaire qui a révolutionné la ville elle-même et la conception moderne du musée voire même de la culture, en érigeant le contenant et son contenu en purs produits de la société de consommation ("l'effet Bilbao"). Il faut s'y résoudre : "L'architecture est la volonté d'une époque traduite en espace.**"
J'ai un faible pour les volutes aux reflets lie-de-vin du Marquès de Riscal d'Elciego dans la Rioja et je trouve une vraie pertinence au Pavillon Jay Pritzker de Chicago.
La Beekman tower au cœur de Manhattan, avec ses reflets incroyables que l'on peut contempler de Brooklyn, peut être considérée comme un gratte-ciel réussi, si l'on fait abstraction de son socle très banal.
Sa résidence étudiante du MIT se gondole sans me transmettre aucune émotion.
Le Weisman Art Museum de Minnéapolis me fait l'effet d'une maquette préparatoire à Bilbao.
Faut-il mentionner le bâtiment de la Serpentine qui a fini par échouer au Château La Coste ?
J'attendrai l'achèvement (2020 ? 2021 ?) de la Fondation Luma à Arles pour me prononcer définitivement sur cette sculpture aux allures de termitière en cassettes inox plantée dans une crinoline de verre.
Pour revenir à "Ginger et Fred", je crois que la métaphore en architecture est un exercice à haut risque. Elle ne peut revêtir une certaine pertinence que lorsqu’elle se fait suggestion ; par un rythme, une matérialité, une composition de vides et de pleins, une émotion particulière, ou bien un imaginaire qui, par un cheminement secret et délicieux, nous dévoilent au final
une évidence.
* Pour des raisons de dépassements budgétaires, semble-t-il
** Mies van der Rohe (1886-1969)
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