samedi 15 septembre 2012

Agora 2012 : Souto de Moura versus Rem Koolhaas

Pouvoir écouter deux Pritzker Price à la suite et entendre deux discours sur des registres radicalement opposés, vous en rêviez ?... Agora 2012* l'a fait !
Physiquement, l'un est un peu nounours, l'autre est sec comme un prédicateur protestant. Sur le plan vestimentaire, l'un s'en fout et ressemble à tout sauf à un architecte, l'autre soigne habilement son look : pull vert assez prêt du corps et boots en cuir, crâne et barbe soigneusement rasés. L'un raconte des histoires en affirmant que la pire chose en architecture est la prétention, l'autre proclame que "l'architecture est un art égoïste qui ne sait qu'exploiter un site alors que l'urbanisme est une profession généreuse qui révèle un potentiel". L'un s'attache à la question de la fenêtre, à la couleur de l'enduit, l'autre affirme que "le problème de l'urbanisme est d'être perpétuellement stressé et obsédé par la question du centre". L'un déclare que "la beauté, quand elle est toujours présente, finie par fatiguer", l'autre ne sait pas et ne veut probablement pas savoir ce que représente la beauté.
Souto de Moura parle de l'architecture du quotidien, et Rem Koolhaas discoure sur la Pensée architecturale, si possible iconoclastique. Le portugais parle de retrouver les traces du bâti et d'économie du projet, le hollandais affirme que la préservation (du patrimoine) est une conception purement occidentale (?) et qu'il faudrait envisager une nouvelle bureaucratie pour statuer sur les quartiers à démolir. Le premier n'envisage même pas de faire des tours, quand le second - qui a au moins réalisé celle pour la télé chinoise - déclare que c'est un concept dépassé.
Il y a, d'un côté une conception pragmatique de l'architecture et une volonté d'en faire un art partagé, de l'autre une conception qui frise le dogmatisme et une volonté de la contenir dans un registre élitiste.
Dans la Praxis qui signifie une action sous-tendue par une idée vers un résultat, l'un a le regard résolument tourné vers le résultat, quand l'autre est plutôt dans l'idée.
L'architecture a besoin d'une pensée forte qui s'élève au-dessus du quotidien ; mais elle ne peut pas donner l'illusion de se restreindre au champs de la doctrine ; un instant ou un autre, elle doit se confronter avec le temps de séchage des plâtres et la couleur des enduits. Dieu n'est-il pas dans le détail ?
* Agora : biennale d'architecture de Bordeaux ; la seule manifestation de cette ampleur en France sur  l'architecture, l'urbanisme et le design. Cette année le thème était : Héritage, Hérésie. Commissaire : Marc Barani

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire