samedi 3 mars 2012

Cette année je me prends au mot, j'écris ! (10)

Le Post-it du jour : "J'écris pour pouvoir lire ce que je ne savais pas que j'allais écrire." Claude ROY

La page blanche. L'écran vide. Poser des mots qui forment des phrases qui composeront - peut-être - une histoire. Peut-on  imaginer, en decouvrant quelques filets d'eau sourdrent maladroitement d'un talus banal,  le spectacle de l'embouchure du fleuve dont ces ruissellements constituent la source ? (littéraire)
Il y aurait mille histoires à raconter. Elles sont toutes dignes. Existe-t-il pour quelques unes seulement la grace particuliere qui leur permettra d'être lues ?

Il y avait sur une île, un matin peuplé de neige, une grive blessée qui tentait d'échapper au piège des mains tendues d'un enfant. Il l'avait repérée en passant, un peu par hasard, tout prêt d'un buisson figé sous son manteau de glace.
Apres quelques manoeuvres maladroites, les mains cruelles finirent par se saisir du volatile innocent. Quelques jours plus tard l'oiseau fut mangé par l'enfant.  Cette histoire est vraie.

Un séminaire a priori ennuyeux sur un thème rabattu. Un intervenant agé de 75 ans dont le CV mentionne, juste après son nom et sa date de naissance, et bien avant une longue liste de diplômes (dont celui de l'X), de distinctions et de titres professoraux, les éléments suivants : "pupille de la nation, marié, 6 enfants"
L'exigence d'une pensée  intègre comme forme évidente d'intelligence. Un petit bonheur.

Un diner chez un couple - lui est économiste, expert international reconnu, elle, est artiste. Beaucoup d'humilité et d'attention. L'appartement - grand, parisien - est habité par les livres - sur les murs, dans le couloir, au-dessus des portes -, d'objets d'art ou de la vie courante ramenés des multiples séjours à l'étranger, ainsi que d'oeuvres peintes. Délice ? Félicité ? Plaisir ?

Et à présent, un texte (osé) exhumé des profondeurs d'Everybody Knows et retravaillé pour vos orbites cruelles.
Pour une fois je ne suis pas arrivé après les discours ! J'ai trouvé une place au pied de l'immeuble or et chocolat de Beckmann-N'Thépé ; lequel, avec l'obscurité glacée, semble tout droit sorti d'une bande dessinée d'un Bilal. Le quartier de la ville du 4ème âge (ou du 3ème type ?) somnole gentiment. Nous sommes à la Semapa, quartier Massena. Certains bâtiments (la plupart ?) arborent leurs façades apprêtées, comme des demoiselles de la bonne société, leurs toilettes du bal des débutantes. Un écriteau avec une flèche "Equerre d'argent" nous invite à entrer dans le bâtiment de M. Guervilly. La nuit et quelques éclairages suffisent à rehausser la pureté et l'évidence de ses volumes, l'équilibre de ses porte-à-faux, la poésie de son habillage de briques sombres. Nous traversons des couloirs, circulons dans des circulations, empruntons des empruntiers (pardon, des escaliers) et puis revenons dehors, à quelques mètres de l'endroit où nous sommes arrivés ; un peu comme le marin qui fait son tour d'honneur dans le port avant de trouver l'anneau le plus propice. Ici, pas d'anneau, mais une grande tente en plastique, façon serre potagère. Les discours viennent de se mettre en place. Il y a un peu de monde, mais pas trop. Quelques vieilles connaissances me reconnaissent ; ce qui ne semble pas stupéfiant. Les vedettes se relayent à la tribune. Nous sommes gâtés car nous avons une ministre. Elle ne se débrouille pas mal. Elle a une élocution qui me fait penser à celle du nouveau maire de Montreuil (Mme Voynet) : cette curieuse façon d'avaler au passage quelques syllabes entre les mots. Je reçois sur la tête plusieurs gouttes d'eau échappées d'une fuite dans le polyane de couverture (le bâtiment n'est plus ce qu'il était), en même temps qu'une charmante jeune femme coiffée d'un feutre mauve me tapote du bout de ses doigts gantés le coin de l'épaule (puissante). Je me retourne et en profite pour faire la bises à un alignement de jeunes (et moins jeunes) femmes qui devaient vraisemblablement contempler le dessin presque parfait de ma nuque depuis quelques minutes (probablement en soupirant). Il y a des applaudissements sympathiques. Je les prends pour moi : c'est évidemment une erreur. Et puis c'est le buffet. Quelle foule ! Difficile de se frayer un chemin vers les petits fours (modestes : crise oblige), et les verres de vin (pas de champagne cette année : crise oblige également). Je renonce provisoirement à cette félicité relative tout en observant que souvent, les jolies femmes, en plus du charme que leur a prêté la vie, disposent d'un talent secret pour équiper dans des délais très courts, du galbe d'un verre de vin, leur poignet délicat. Je dois renoncer à me jeter dans l'instant sur les joues d'une amie car elle a la bouche pleine de 2 ou 3 canapés. Elle me les montre (ses joues) rebondies de l'intérieur par le pain de mie et le jambon de campagne, en tentant d'exprimer un refus désolé à mes velléités d'embrassades. Je patiente pendant que les aliments subissent une mastication précipitée et fatale, avant de transiter dans l’œsophage de la belle, croiser dans quelques instants les rives du pylore, puis s’immiscer plus tard dans l'exigüité progressive de ses intestins jusqu'à trouver - mais ne précipitons pas les choses - une issue libératoire. Ça y est, la voie (orale) est libre, me fait-elle comprendre avec un sourire d'excuse, m'offrant ses joues afin de recevoir sans doute un baiser d'encouragement lié au succès de l'exercice gastronomique.

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