jeudi 21 juillet 2011

La Cité de l'Océan et du surf d'Ilbarritz

"Sans liberté de blâmer, il n'est pas d'éloge flatteur" (Beaumarchais)

Inaugurée de fraîche date (le 25 juin dernier) et en grande pompe, la fameuse Cité de l'Océan et du surf (O majuscule et s minuscule) est un bâtiment pour le moins étonnant, voire déroutant ; à l'image de la production de son concepteur, Steven Holl, célèbre architecte américain habile à mélanger les genres en puisant dans la veine déconstructiviste - sans les audaces d'un Coop Himmelb(l)au, la fulgurance d'un Gerhy, ou la fluidité des oeuvres de Zaha Hadid.
Pour ce projet, Steven Holl s'est associé à sa consœur brésilienne, Solange Fabiao.
Régulièrement invité à l'occasion des grands concours de musées (Fondation Pinault sur l'Ile Seguin ou le Louvre de Lens), Steven Holl, "jeune architecte" de 64 ans, a signé un assez grand nombre de réalisations de lieux culturels, un peu partout dans le monde. Les photos de l'extension du Nelson-Atkins Museum of Art de Kansas City donnent à voir une oeuvre d'une très grande beauté plastique.
Avec la Cité de l'Océan située au sud de la commune de Biarritz, il s'agit de sa deuxième réalisation en France, avec un complexe hôtelier près de Colmar dont la silhouette s'inspire de formes végétales : branchages et bourgeons.
Le terrain d'accueil du bâtiment est en contrebas du Château d'Ilbarritz, grande bâtisse assez triste édifiée en 1897 par un ingénieux et richissime misanthrope, le Baron de l'Espée, afin d'y loger le plus grand orgue privé jamais construit et, accessoirement, ses rares conquêtes féminines.

La plage - et donc la mer - est à quelques centaines de mètres du bâtiment ; le lien avec le sable et les vagues est matérialisé par un cheminement paysager ondulant - et en devenir - dessiné "à la manière de" Roberto Burle Marx.

Originellement dédiée au surf, la Cité est plutôt devenue celle de l'Océan ; concept jugé probablement plus "bankable". Qu'importe, l'image originelle du projet n'a pas changé depuis 2005, date à laquelle Steven Holl avait été choisi à l'issue d'un concours "classique" d'architecture. La vie du projet ne fut pas exactement "une longue vague tranquille" : changement de nom, mais également de portage, puisqu'il fut décidé d'avoir recours à la formule "PPP" que Vinci remportait en 2007.
Pour ce qui est du concept architectural : le croquis de Steven Holl reproduit ci-dessous résume le propos.

Ajouter à cela un lien supplémentaire quasi-géodésique, sinon spirituelle, entre les deux rochers principaux de la plage et les émergences vitrées de la "place publique", et vous avez pratiquement l'intégralité du concept. Avec un peu d'imagination, la concavité peut évoquer la vague ; ou la glisse. Concrètement, pour ce qui est de la glisse, les skatters devront s'équiper d'un matériel tout terrain puisque les rampes sont recouvertes de pavés à l'appareillage maladroit, inspiré (?) du revêtement traditionnel des rues portugaises (?). Pour des raisons de sécurité - et de toute manière inopérante (et incongrue) - la grande baignoire au paroi lisse devrait être comblée prochainement.
La "place publique" est en pente douce, orientée vers la plage ; les connaisseurs reconnaitront un hommage possible à Claude Parent ...

L'intégralité du programme ludo-scientifique de la Cité est enterrée sous la vague. Seuls sans doute des aficionados de l'écran tactile et du gadget électro-informatique pourront trouver un bonheur provisoire dans la fréquentation d'une petite dizaine d'attractions vulgarisatrices.

La vue la plus intéressante du bâtiment est certainement celle qui accueille le visiteur ; c'est à dire celle qui tourne le dos à la mer. Les volumes et les lignes s'équilibrent, et la longue courbe dialogue assez subtilement avec le volume précis de l'entrée.
Le dialogue est moins heureux en revanche côté océan. Courbes, cubes, bulbes inversés se télescopent sans ménagement, et sans véritable grâce. On pense à quelques projets assagis d'Henri Gaudin, sans la poésie.

Que dire de cette "place publique" ? Son traitement pavé et l'herbe qui pointe sa tige par endroit auraient pu apporter au bâtiment une ambivalence intéressante : résurgence d'une certaine matérialité historique contre modernité du traitement des formes. Tout ça tombe à plat. L'inspiration d'un Piano réinventant pour le petit bâtiment de l'Ircam l'usage de la brique n'est cette fois pas au rendez-vous, et les pavés appliqués sur les parois verticales dans des alignements rudimentaires expriment tout sauf une intelligence constructive.

De cette Cité achevée à la hâte, le visiteur s'interrogera forcément sur la capacité de certaines de ses finitions extérieures - déjà essoufflées - à surmonter les assauts marins.
Il reste une très belle terrasse que la belle société (on l'espère) se disputera lors des chaudes soirées d'été. Et un directeur passionné qui doit s'accrocher à un rêve : faire exister longtemps la plage sous les pavés !

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