dimanche 2 janvier 2011

Le joueur d'échecs


"Le joueur d'échecs" est la dernière petite nouvelle écrite par Stefan Zweig depuis sa retraite de Pétropolis dans les environs de Rio de Janeiro, juste avant de se donner la mort en février 1942. Comme pour "Amok" ou "La ruelle au clair de lune" (cf commentaire du ...), l'un des thèmes majeurs du récit est la passion ; celle qui s'empare de certains hommes jusqu'à les conduire parfois vers un destin tragique ("Amok"). Ici, il s'agit du jeu d'échecs dont Zweig avait acquis un manuel dans lequel figuraient des parties de grands maîtres qu'il s'exerçait à rejouer quelques mois avant sa mort. Il est donc très probable que les affres mentaux issus du travail des combinaisons et des stratégies auxquels M. B. se soumet, Zweig a pu, sinon les subir, du moins en imaginer la teneur.
Comme souvent chez Zweig, la construction du récit est "enchassée" et l'auteur est le confident d'un drame ; ici, les performances exceptionnelles de M. B. lui viennent d'une expérience tragique subie lors d'une séquestration par les nazis.
Au passage, on peut remarquer que Zweig (même exilé en Amérique du Sud) semble parfaitement informé, en septembre 41, de l'existence des camps de concentration nazis ; même s'il n'est pas au fait de toute l'horreur que le monde entier a pu découvrir lors de leur libération.
Zweig aborde également le thème de l'intelligence, ou plutôt des formes d'intelligence : "l'innée" qui peut-être frustre, exclusive dans un domaine, et en définitive inhumaine, et "l'experte", construite sur quelques dispositions mentales et un travail de forcené. Dans l'un ou l'autre des cas, elles ne constituent un intérêt que sur le plan clinique ou de la curiosité.
La prétention, la bêtise, la suffisance grotesque que Zweig abhorre, sont également décrites au travers du comportement de ce MacConnor, un ingénieur écossais qui "avait amassé une grosse fortune en creusant des puits de pétrole en Californie" et qui "était de cette espèce d'hommes qui ont réussi et sont si pleins d'eux-mêmes qu'ils ressentent comme une humiliation personnelle de perdre, fut-ce une inoffensive partie d'échecs."
L'histoire se passe sur un paquebot, lors d'une traversée New-York - Rio de Janeiro; un espace clos : une métaphore de l'exil ?

Belle lecture (évidemment).

3 commentaires:

  1. J'ai lu ce texte il y a longtemps, j'en ai gardé un excellent souvenir. Je m'y serais volontiers replongé, mais il y en a tellement d'autres à lire du même auteur !

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  2. Oui, mais Square Littéraire oblige, cher Gérard !
    Toi qui aime l'histoire dans le roman : à ne pas manquer : "L'homme qui aimait les chiens" et la rencontre avec Padura le 10 à la Maison de l'Amérique Latine (voir égalt Le monde supplément littéraire

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  3. Merci, bien noté. Malheureusement pas libre pour Padura.

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