Lorsqu'on est un grand spécialiste des Blockchain, chercheur au sein d'un organisme tel que la Communauté européenne susceptible de passer des marchés importants liés à votre domaine d'activité, vous êtes une proie potentielle pour des lobbyiste peu fréquentables.
C'est ce qui arrive à Jean Detrez qui se retrouve en possession d'une clé USB étrangement "perdue" (?) à ses pieds lors d'un rendez-vous avec ces professionnels de la malversation. Alors qu'il découvre sur cette clé des éléments compromettants et surtout un "backdoor" dans un des logiciels d'une machine de minage (procédé visant à sécuriser les transactions sur des bitcoins), il va se laisser convaincre de rencontrer en Chine les représentants d'un fabricant de mines (des data-centers évolués ?). Il profitera d'une conférence à Tokyo dans laquelle il doit intervenir pour faire un détour "clandestin" à Dalian qui sera loin d'être une partie de plaisirs ...
Bâti comme un polar, ce dernier roman de Jean-Philippe Toussaint, n'est-il pas l'histoire d'un de ces "backdoors" qui peut s'introduire dans notre vie à l'occasion d'une expérience particulière et qui déréglerait tout notre "logiciel" personnel ?
J'arrête car j'en ai déjà trop dit sur ce roman passionnant, intelligent, alliant un certain suspens et des interrogations légitimes sur le sens de la vie. Et toujours le très beau style limpide, essentiel, de Toussaint.
Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
mardi 15 octobre 2019
samedi 12 octobre 2019
"Encre sympathique" de Patrick MODIANO
Tous les récits d'une vie ne s'écrivent-ils pas à l'encre sympathique qui nous révèle, sous l'action d'une substance déterminée - notre volonté de nous souvenir, un parfum, l'évocation d'un lieu ou d'une personne, une recherche - les fragments enfouis de notre mémoire ?
Et cette encre sympathique, n'est-elle pas celle du stylo-plume de Modiano, qui s'emploie à conserver à la vie "des secrets et des lignes de fuite pour toujours", celle qui nous évite qu'elle (cette vie) "se referme sur vous comme un piège, dans le bruit que font les clés des cellules d'une prison" ?
Modiano puise une nouvelle fois dans l'encrier du passé, toute la matière sensible d'un roman à l'écriture simple et profonde qui recompose un puzzle dont il est possible de rêver : celui du temps retrouvé.
"Je ne reverrai plus le monde" d'Ahmet ALTAN
.
"Chaque œil qui lit les phrases que j'écris, chaque voix qui répète mon nom est comme un petit nuage qui me prend par la main et m'emporte dans le ciel pour survoler les plaines, les sources et les forêts, les rues, les fleuves et les mers."
L'homme qui écrit cette phrase s'appelle Ahmet ALTAN, il est turc et Écrivain. Il lance cet appel du fond de la cellule d'une prison où la justice d'Erdogan l'a enfermé pour avoir critiqué le gouvernement, ce qui aujourd'hui, en Turquie, est assimilé à un acte de "terroriste-putschiste".
Ce petit livre nous parle de la puissance de l'imaginaire car, comme l'écrit Altan : "Vous pouvez me jeter en prison, vous ne m'enfermerez jamais. Car comme tous les écrivains, j'ai un pouvoir magique : je passe sans encombre les murailles."
Mais aussi d'une situation dont nous aurions tort de penser qu'elle ne peut advenir en France. Sommes-nous en effet à l'abri, demain, d'un gouvernement autoritaire décrétant illégitime et criminelle toute position contraire à sa politique ?
Magnifique livre d'espoir, d'humanité et de vigilance
dimanche 6 octobre 2019
"Civilizations" et "La terre invisible"
Voilà deux romans lus coup sur coup et qui m'ont laissé un peu sur ma faim : d'élogieuses critiques pour le premier et une chaude recommandation d'une de mes libraires pour le second.
Laurent Binet avec "Civilizations" a choisi un exercice risqué, celui de refaire l'histoire, celle de l'Europe essentiellement puisque le récit s'y déroule presque exclusivement, mais en inversant les courants, avec des conquistadors sud-américains plutôt que portugais ou espagnols. Nous sommes donc au 16ème siècle et la petite troupe autour de l'Inca qui débarque à Lisbonne le jour du terrible tremblement de terre de 1531 découvre un monde où sévit l'Inquisition, des palais de pierre à l'architecture raffinée, les "feuilles qui parlent" (les livres) écrites par des "tondus" (les moines), les conflits permanents entre les puissants dont ils sauront profiter pour, progressivement, asseoir leur pouvoir, et aussi toutes ces choses qui constituent une civilisation qui, considérées par un regard étranger, se révèlent curieuses, intéressantes, similaires, cruelles, etc. C'est certainement ce regard-là qui est le plus intéressant dans le livre car il m'a été difficile, malgré la richesse des références historiques et une belle écriture, d'adhérer totalement à cette épopée picaresque fondée sur l'ambition de réécrire notre histoire. Dommage.
"Vous verrez, c'est un auteur qui n'utilise pas d'adjectifs ni de tournures comparatives ; c'est une écriture juste, sans fioriture, avec un récit dont on ne comprend le sens qu'à la fin. C'est magnifique."
C'est à peu-près en ces termes que dans une de mes librairies préférées - Chantelivre rue de Sèvres à Paris - on m'a présenté "La Terre invisible" d'Hubert Mingarelli, avec un enthousiasme débridé pour l'auteur que je ne connaissais pas.
Suis-je passé à côté de ce livre qui se lit en quelques heures et pour lequel, au fil des pages, on ne cesse de s'interroger, sur là où l'auteur veut en venir, et si ce road-movie à deux - un chauffeur bidasse et le narrateur photographe - dans la campagne allemande sinistrée de juillet 45, dans la très belle voiture du gouverneur de la région que les alliés ont probablement pendu, a un sens (d'ailleurs le chauffeur pose à plusieurs reprise la question au photographe) voire même une vraisemblance ? La révélation des dernières pages m'a laissé perplexe. Il y a quelques belles phrases, sans fioriture, mais avec des adjectifs quand même. A qui se fier ?
Le livre est dans la liste des 9 romans du Prix Goncourt 2019. Il doit avoir des amateurs. Ceci étant, "Soif" est également dans la "short-list"... et "Avant que j'oublie" a disparu (dommage).
Laurent Binet avec "Civilizations" a choisi un exercice risqué, celui de refaire l'histoire, celle de l'Europe essentiellement puisque le récit s'y déroule presque exclusivement, mais en inversant les courants, avec des conquistadors sud-américains plutôt que portugais ou espagnols. Nous sommes donc au 16ème siècle et la petite troupe autour de l'Inca qui débarque à Lisbonne le jour du terrible tremblement de terre de 1531 découvre un monde où sévit l'Inquisition, des palais de pierre à l'architecture raffinée, les "feuilles qui parlent" (les livres) écrites par des "tondus" (les moines), les conflits permanents entre les puissants dont ils sauront profiter pour, progressivement, asseoir leur pouvoir, et aussi toutes ces choses qui constituent une civilisation qui, considérées par un regard étranger, se révèlent curieuses, intéressantes, similaires, cruelles, etc. C'est certainement ce regard-là qui est le plus intéressant dans le livre car il m'a été difficile, malgré la richesse des références historiques et une belle écriture, d'adhérer totalement à cette épopée picaresque fondée sur l'ambition de réécrire notre histoire. Dommage.
"Vous verrez, c'est un auteur qui n'utilise pas d'adjectifs ni de tournures comparatives ; c'est une écriture juste, sans fioriture, avec un récit dont on ne comprend le sens qu'à la fin. C'est magnifique."
C'est à peu-près en ces termes que dans une de mes librairies préférées - Chantelivre rue de Sèvres à Paris - on m'a présenté "La Terre invisible" d'Hubert Mingarelli, avec un enthousiasme débridé pour l'auteur que je ne connaissais pas.
Suis-je passé à côté de ce livre qui se lit en quelques heures et pour lequel, au fil des pages, on ne cesse de s'interroger, sur là où l'auteur veut en venir, et si ce road-movie à deux - un chauffeur bidasse et le narrateur photographe - dans la campagne allemande sinistrée de juillet 45, dans la très belle voiture du gouverneur de la région que les alliés ont probablement pendu, a un sens (d'ailleurs le chauffeur pose à plusieurs reprise la question au photographe) voire même une vraisemblance ? La révélation des dernières pages m'a laissé perplexe. Il y a quelques belles phrases, sans fioriture, mais avec des adjectifs quand même. A qui se fier ?
Le livre est dans la liste des 9 romans du Prix Goncourt 2019. Il doit avoir des amateurs. Ceci étant, "Soif" est également dans la "short-list"... et "Avant que j'oublie" a disparu (dommage).
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