Une libraire m'a conseillé la lecture de ce petite livre. "Il est bien écrit et émouvant". Je confirme. En moins de 100 pages, ce témoignage d'une des dernières rescapées de l'enfer du camp d'extermination de Birkenau - que l'on associe le plus souvent à Auschwitz - nous touche profondément. Il nous plonge dans le personnage d'une jeune femme de 19 ans, arrêtée par dénonciation avec son père, son frère et son neveu, et déportée depuis Avignon jusqu'au fin-fond de la Pologne, dans un wagon de marchandise, avec la complicité de la police de Vichy.
Ses paroles simples reconstituent pour nous ce dixième cercle d'un enfer que Dante n'a pas imaginé : les ordres haineux des gardes, la puanteur, les humiliations, les coups, les parasites, la peur, la faim, chaque jour, chaque heure, chaque seconde ; et puis la résignation aussi, fatale à tous ceux qui ne sont pas revenus des camps.
Ginette Kolinka a gardé le silence près de 50 ans, conservant par pudeur le secret de son indicible séjour parmi les morts-vivants, "pas par honte, plutôt pour ne pas embêter les gens."
Et puis il y a eu la Liste de Schindler et Steven Spielberg qui recherchait des témoignages. Elle a fini par accepter de parler, ce qui a permis à ce livre, précieux, d'exister. Un livre dont la lecture devrait être encouragée par le Ministère de l'Education Nationale car nous serions stupides et coupables de penser que notre monde, demain, ne peut pas à nouveau basculer dans une telle perte d'humanité.
"La première fois que je me suis réveillée à Birkenau, j'ai vu des tas de chiffons aux coins de la baraque. C'étaient les mortes de la nuit."
"La dernière fois que je suis retournée à Birkenau, c'était au printemps. (...) C'était beau. Comment puis-je employer un mot pareil ? (...)Au loin j'ai vu une silhouette qui remontait le long de la prairie. D'abord, je n'y ai pas cru, je me suis dit "ce n'est pas possible", mais c'était bien ça : une joggeuse. Elle faisait son footing ici. Sur cette terre grasse et méconnaissable qui avait vu tant de morts, dans cet air qui sentait le petit matin frais, la rosée. Elle courait tranquillement. J'en ai eu le souffle coupé. J'ai eu envie d'hurler, de lui crier : "tu es folle ?" L'étais-je moi. Il ne faut pas retourner à Birkenau au printemps. Quand les enfants jouent sur leur toboggan dans les jardins des petites maisons longeant l'ancienne voie ferrée qui menait au camp et à son funeste arrêt, la Judenrampe."
Je crois qu'il faut aller à Birkenau comme aussi à Buchenwald. Les fantômes des victimes et de leurs bourreaux peuplent toujours les baraques désertes ou les ruines des fours crématoires que les nazis avaient fait exploser pour tenter d'effacer toute preuve de leurs crimes. C'est la même chose à la prison S-21 à Phnom Penh : les fantômes sont là ; ils ne peuvent mourir, ils ne doivent pas mourir.
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