Tout ça est parti d'une idée invraisemblable : faire le tour du monde pour visiter des "malls", ces surfaces commerciales hypertrophiées dont la vitalité témoignent de l'addiction d'une partie des habitants de cette planète pour les univers qu'elles proposent. De quels univers s'agit-il ? Et pourquoi parler au pluriel puisque, en définitive, le concept est partout le même : donner l'illusion d'exister par la consommation compulsive de produits de luxe ou de pacotilles, de plats standardisés, de décors en toc ou d'attractions plus ou moins débiles - nager avec des pingouins, skier sous une bulle dans le désert -, dans une atmosphère artificielle propice aux selfies débridés.
Malgré la montée en puissance du commerce en ligne - stade ultime du consumérisme individualiste - ces concentrés de laideur - pas exclusivement architecturale, mais aussi mentale - semblent continuer à proliférer dans certains pays, surfant sur l'ennui ou de nouvelles formes de tourisme générées par les masses nouvelles éligibles au bonheur du piou-piou trépané.
Rinny Gremaud a promené sa solitude et sa curiosité dans ces espaces architecturaux (malgré tout !) jusqu'à la nausée.
C'est un livre d'alerte sur l'une des dérives prises par le convoi humanité. Il est écrit dans un style remarquable de précision, d'ironie mais aussi de tendresse.
"Un monde en toc" a été couronné par le prix spécial du jury du Livre de l'Académie d'architecture, ce qui peut être tout à la fois surprenant et réjouissant.
A lire sans hésitation.
"Les paysages urbains que nous traversons, et tout ce que nos yeux absorbent mécaniquement, les rues dans lesquelles nous promenons nos enfants, tout se sédimente. Et si tout est laid, uniformément laid, si rien n'est jamais possible à moins que ce ne soit laid, alors c'est le champs des audaces qui se rétrécit, en même temps que celui des désirs."
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