mercredi 20 février 2019

Le chat

Je l’appelle, je l’indiffère.
Je m’installe, il vient se blottir contre moi,
Recherchant de mes doigts les caresses,
Me léchant les phalanges avec délectation,
M’interdisant toute infidélité.
Puis il se donne sur le flanc,
S’étire d’une langueur de courtisane,
S’abandonne avec volupté sur le dos
S’offrant sans crainte,
Les yeux fermés par l’extase,
Le ronronnement bourgeois,
Pour subitement déserter
Vers quelques desseins
Dont il garde, jaloux, le mystère.

Jean-Noel SPUARTE, Poète (1913)


dimanche 17 février 2019

Merci Bruno !



Un texte très court que l'un de mes amis m'a transmis pour mon petit-déjeuner ... Il est de Philippe Val, ex Charlie-Hebdo, ex France-Inter.

"Popaul entrait comme une bombe dans la vie des gens. La plupart du temps , la rencontre était sans lendemain.
Il séduisait trop pour être fidèle. Il ne gardait dans ses filets que ce qu’il jugeait le meilleur . C’est-à-dire , pour résumer les artistes.
Pas forcément ceux qui faisaient profession d’être artistes- il était revenu de beaucoup de ceux-ci -, mais ceux qui avaient une relation d’artiste avec la réalité. C’est à dire ceux qui, par leur comportement , leur conversation, leurs idées et leurs actes ajoutaient à la réalité quelque chose qui en changeait la nature et la perception. Ceux qui, plutôt que noter ce qu’il faut penser des choses , préfèrent noter la nature des choses. L’étonné, plutôt que le juge. Le curieux, plutôt que l’ordonnateur. Celui qui face à la forme singulière de la réalité, avait une réaction personnelle , ni morale, ni idéologique , mais sensible."

samedi 16 février 2019

Hommage à Antonio Lobo Antunes

Lire la désespérance des phrases d’Antonio Lobo Antunes dans le Tram T2 longeant les méandres de la Seine comme un serpent insidieux dont l’estomac serait repu d’une foule de travailleurs dociles, le pif collé à l’écran multicolore de leur smartphone élevé au rang de directeur de consciences, les embouchures des oreilles équipées de dispositifs en plastique dénommés écouteurs aptes à handicaper leurs trompes d’Eustache d’une manière irréversible tout en garnissant de profits juteux les comptes en banque cupides des actionnaires béats des multinationales fabricant ces instruments de destruction massive des organes auditifs de l’humanité, se régaler, dans une promiscuité chahutée par les hoquets de la rame, baignant dans les effluves contradictoires des parfums bon marché et des sécrétions animales qu’une promiscuité digne d’une migration de gnous s’emploie à diffuser avec une générosité philanthropique, se régaler donc de la méchanceté avec laquelle l’auteur portugais torture les mots comme un inquisiteur la chair de ses suppliciés afin de leur faire rendre, par la seule force de son talent d’écriture, la douloureuse vérité du monde, comme si le lecteur parcourait un tableau de Jérôme Bosh ou les maquettes cauchemardesques des frères Chapman.

mardi 12 février 2019

"Sarkhozi Kadhafi, des billets et des bombes"

C'est une BD dont les auteurs sont 5 journalistes et un illustrateur ; B comme bombe et D comme Désespérant ?
Résultat de recherche d'images pour "sarkozy kadhafi des billets et des bombes"Tout y est - corruption, barbouzes, argent sale, réseaux, etc. - dans ce roman-feuilleton dont on pourrait rire s'il s'agissait seulement d'une histoire "abracadabrantesque" et si les conséquences d'agissements cyniques au plus haut sommet d'une démocratie comme la France n’entraînaient pas un cortège de morts et une autre bombe - celle-ci à retardement - la généralisation du populisme.
Car le D de BD pourrait effectivement, ici, signifier "Désespérance". Comment en effet ne pas céder à la tentation, après avoir fini la lecture de cet ouvrage, de conclure au "Tous pourris" dont on sait qu'il est le slogan du renoncement à l'idée de démocratie ?
Et comment ne pas imaginer que le vide abyssal que les 30 ou 40 dernières années ont creusé avec acharnement dans la vie politique ne soit brusquement rempli par les forces de la haine ?
A lire impérativement pour se ressaisir ?

lundi 11 février 2019

"La Transparence du temps" de Léonardo PADURA

Résultat de recherche d'images pour "la transparence du temps"Dans "La transparence du temps", son dernier roman, l'auteur cubain, Leonardo Padura, reprend avec bonheur le procédé déjà utilisé dans un de ses précédents livres, "Hérétiques", du parcours dans le temps et l'espace d'un objet mystérieux à partir duquel il développe le récit sous la forme d'allers et retours entre les événements historiques et l'enquête menée par l'ex-policier Mario Condé dans le Cuba d'aujourd'hui.
Dans "Hérétiques", il s'agissait d'un tableau de Rembrandt représentant le portrait d'un jeune juif et le lecteur voyageait de l'atelier du maître dans l'Amsterdam du 17ème siècle, jusqu'à la Havane d'aujourd'hui, en passant par la fin des années 30 et le tragique périple du Saint-Louis.
Résultat de recherche d'images pour "padura"Dans "La transparence du temps", c'est une statuette en bois d'une vierge noire à l'enfant, à l'origine mystérieuse, qui nous porte depuis la chute de Saint-Jean-d'Acre et les Templiers, jusqu'aux eaux troubles du milieu actuel des marchands d'art cubains, en passant par la Guerre d'Espagne, la Catalogne et le Roussillon.
Ce petit pavé de plus de 400 pages se lit avec une vraie jubilation tant Padura parvient à concilier avec brio le polar et le roman introspectif (sur Condé/Padura et sur le monde en général) dans une sorte de roman picaresque, servi par un style remarquable.