Lire la désespérance des phrases d’Antonio Lobo Antunes dans le Tram T2 longeant les méandres de la Seine comme un serpent insidieux dont l’estomac serait repu d’une foule de travailleurs dociles, le pif collé à l’écran multicolore de leur smartphone élevé au rang de directeur de consciences, les embouchures des oreilles équipées de dispositifs en plastique dénommés écouteurs aptes à handicaper leurs trompes d’Eustache d’une manière irréversible tout en garnissant de profits juteux les comptes en banque cupides des actionnaires béats des multinationales fabricant ces instruments de destruction massive des organes auditifs de l’humanité, se régaler, dans une promiscuité chahutée par les hoquets de la rame, baignant dans les effluves contradictoires des parfums bon marché et des sécrétions animales qu’une promiscuité digne d’une migration de gnous s’emploie à diffuser avec une générosité philanthropique, se régaler donc de la méchanceté avec laquelle l’auteur portugais torture les mots comme un inquisiteur la chair de ses suppliciés afin de leur faire rendre, par la seule force de son talent d’écriture, la douloureuse vérité du monde, comme si le lecteur parcourait un tableau de Jérôme Bosh ou les maquettes cauchemardesques des frères Chapman.
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