(Chronique Février-Mars 2017 ArchiSTORM)
Il faudrait être aveugle et sourd pour avoir échappé à cette « épidémie », ainsi que Margaux Darrieus[1] la dénomme dans une récente chronique ; cette fièvre qui s’est emparée du microcosme francilien depuis le lancement de « Réinventer Paris » en novembre 2014, et agite depuis toute consultation en « offre globale » et autres « AMI[2] ».
Mais cette injonction à l’innovation tous azimuts (« les axes d’innovation pourront être techniques, technologiques, architecturaux et constructifs, sociaux, serviciels et programmatiques », affirme Jean-Louis Missika[3]) n’aurait pas étonné le grand Oscar Niemeyer qui déclarait que « l’architecture, c’est de l’invention ».
Pas davantage du côté du regretté Peter Rice pour lequel « Toute solution implique une pensée originale, une contribution spécifique qu’il faut bien appeler une innovation. Le résultat n’a pas besoin d’être spectaculaire : il suffit que ce soit inédit ou même seulement original.[4] »
Tout un chacun pris dans l’urgence du quotidien n’a pas forcément le loisir d’avoir la hauteur de vue de ces deux figures du monde de la conception, et il est bon que nos édiles, dont il est d’usage aujourd’hui de s’interroger sur l’utilité de leurs fonctions, soient les initiateurs de ce remue-ménage – pour ne pas dire, remue-méninges. Car, comme l’affirme Philippe Aghion, Professeur au Collège de France[5], « les entreprises, comme les gens ont tendance à innover mais dans leur domaine d'expertise, dans un phénomène de dépendance au passé qui nécessite une intervention de l'Etat. »
Le projet : une communauté d’intérêts partagés
Ayant eu moi-même l’occasion de participer à un certain nombre de ces AMI(s) et la chance d’avoir pu poursuivre dans l’épreuve du concours, j’aimerais apporter le regard d’un représentant du monde de l’ingénierie et de la technique vis-à-vis de ces consultations d’un nouveau style.
Je ne dois pas cacher que je suis d’ordinaire plutôt partisan du dialogue intime entre l’architecte et l’ingénieur, tout du moins jusqu’à un certain stade de la conception ; on va dire, jusqu’à l’APD compris, au minimum. Pour savoir ce que les services techniques et méthodes d’une entreprise peuvent apporter au projet, je suis en revanche favorable à l’élargissement de ce dialogue avec les constructeurs et les industriels dès que la faisabilité économique des scénarios de conception l’exige. J’ajouterais : sous réserve que ce dialogue soit équilibré et que l’ensemble des acteurs soit mobilisé pour la réussite du projet entendu au sens de « communauté d’intérêts partagés ». Je voudrais être convaincu que l'évolution de nos métiers, sous les aiguillons du BIM et de la responsabilité sociétale liée au développement durable, conduira les générations futures à œuvrer dans cette direction.