samedi 10 septembre 2011

La question du style à travers trois exemples d'architectures contemporaines

Il est probable qu'il sera plus difficile aux générations futures - disons d'ici 40 à 50 ans - de dater avec certitude l'époque de certains bâtiments qui se réalisent actuellement. Mais peut-être que la très grande difficulté de dater avec une certaine précision le bâtiment qu'ils auront sous les yeux correspondra au critère déterminant pour affirmer : "c'est un bâtiment des années 2000 - 2010".
Cette modeste introduction (pardon également pour le titre pompeux !) pour vous faire partager ma réflexion suite à l'observation récente de trois bâtiments parisiens contemporains (le siège de la Banque Postale a été livré au printemps, les hôpitaux Necker et Cochin seront livrés dans quelques mois). Trois bâtiments dont on a envie de dire qu'ils n'ont, a priori, rien à voir entre eux ...
Le premier, situé 115, rue de Sèvres dans le 6ème, est l’œuvre de l'agence Chaix et Morel qui fit son entrée sur la scène architecturale avec le Zénith de la Villette, et qui poursuit une carrière très honorable, variant les plaisirs entre des rénovations de monuments historiques (le Petit Palais), des sièges sociaux, des établissements culturels (théâtre de Sénart), ou des bâtiments de recherche (celui de Michelin à Clermont-Ferrand, en cours). Il manque au tableau de chasse une tour (trophée suprême), et une distinction du niveau de l’Équerre d'Argent (autre trophée suprême), pour en faire définitivement une agence établie dans le gratin architectural (du microcosme français).

Les architectes ont imposé rue de Sèvres un curieux volume à la silhouette blanche, au gabarit de l'univers haussmannien dans lequel il est immergé, et auquel ils sont parvenus à donner une certaine grâce. La couleur uniforme, d'un blanc laqué sans concession, le dessin des façades - parfaitement lisses - en bandes verticales alternant les opaques et les vitrés selon une composition habile, les lames bien apparentes des stores intégrés qui ajoutent encore de la finesse, et cet immense attique qui part à mi-hauteur avec un léger fruit, constituent les quatre éléments majeurs du charme iconoclaste de ce bâtiment.

A quelques centaines de mètres, le registre est totalement différent. Le bâtiment qui forme l'angle du Boulevard du Montparnasse et de la rue de Sèvres, affiche en opposition une double façade entièrement vitrée, très expressive - sinon radicale -, dont l'ingénierie géométrique autant que métallique est clairement assumée. Il y a un faux-air d'années soixante dans cette maille géante.

Philippe Gazeau, dont on connait le goût pour la radicalité, et le talent pour en exprimer la subtilité, affrontait ici son premier galop hospitalier, sur un site particulièrement sensible. Ce type d'aventure tient le plus souvent du steeple-chase que d'une course de plat ; celle-ci ne fit pas exception, semble-t-il. Au bilan, l’Équerre d'Argent 2000 s'en tire plutôt bien ! Il ne faudrait pas repartir sans jeter un coup d’œil à d'autres façades, celles qui s'inscrivent dans le perspective de la rue de Sèvres et perpendiculairement à cette rue. Libéré des contraintes acoustiques du carrefour de Duroc, et dans un souci d'inertie thermique, l'architecte a conçu une façade plus classique et plus fermée, qu'il vient recouvrir partiellement d'une vêture de panneaux de verre translucide. Par le simple jeu des contrastes entre l'absence de panneau, un panneau placé devant une partie pleine ou bien un autre filant sur un élément de vitrage, Philippe Gazeau réussit à créer une remarquable composition abstraite d'une très grande élégance.

Poussant un peu plus haut, aux confins de la Closerie des Lilas et de Port Royal, nous voici sur d'autres terres hospitalières (!...). Patrick Berger, désormais moins inconnu depuis que son projet de "Canopée" a été retenu pour tenter une métamorphose du Quartier des Halles (que n'avons-nous pas laissé Baltard en paix ?), officie en tant que concepteur du nouvel hôpital Cochin.

Faut-il avouer tout de suite une immense déception ? Le Grand Prix National d'Architecture 2004, professeur à l'EPFL de Zurich, nous sert un bâtiment daté, qui parvient à réaliser une performance : celle d'être plus triste encore que les bâtiments industrialisés des années 70 présents sur le site ! Les allèges en béton jaunâtre sont traitées comme des coffres patauds (ah, la sous-face en béton !). Le calepinage ne semble pas avoir fait l'objet d'une véritable réflexion. Les 300 m de façade sont ennuyeux, juste ponctués par deux failles verticales composées d'immenses baies vitrées, carrées (fenêtres urbaines ?). Pourquoi ne pas avoir décliné sur tous les côtés l'élégance de la façade sur le boulevard de Port Royal ? Celle-ci démontre, sur une petite cinquantaine de mètres tout le talent de Patrick Berger, dans une sorte de manifeste, un concentré du meilleur de son architecture : retenu, élégance discrète, soin apporté au dessin du détail, sérénité, ... Il faut donc oublier les autres façades et se laisser pénétrer par la justesse de ce corps de bâtiment de quatre niveaux, légèrement enfoncé dans le sol, et parachevé par un balcon d'une pureté admirable ; distinguer ensuite la précision du dessin du capotage des nez de dalle ; découvrir l'alternance subtile des trames ; toute chose qui participe pleinement à l'impression générale d'être devant un objet remarquable de l'architecture contemporaine.

3 commentaires:

  1. Très modestement, je partage ton point de vue sur le troisième bâtiment qui est d'une laideur franche.
    Gérard

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  2. A vrai dire en y regardant de plus pres les allèges sont en pierre calcaire type comblanchien...

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