samedi 18 juin 2011

Ce salaud n'a pas hésité à me flinguer


Premières phrases d'un roman avorté...

Je suis assis au centre de la pièce, juste sous une ampoule pendue au bout d’un bricolage de fils électriques. Un abat-jour en métal émaillé, un peu jaune avec un liseret bleu pâle, complète ce dispositif minable. Oscillations lentes, balayant le sol et les murs d’auréoles lancinantes.
Je vois très bien la silhouette de mon corps recroquevillé sur la chaise de Formica. Son ombre s’enfle et se rétracte, se déforme à nouveau, au rythme du dispositif d’éclairage.
C'est un sol vaguement médical. Les carreaux de faïence sont mal ajustés. La combinaison des taches et des joints forme des profils stupéfiants que mon regard devine un instant, puis perd, puis recompose, devine à nouveau : une carmélite, un chevalier dont la visière du heaume serait levée, un nain de jardin et sa pioche, une tête d’aigle-pêcheur, un vieillard vociférant, un fumeur de cigare, un militaire le képi en arrière, …
Bientôt ce n’est plus qu’une affaire de géographie, et la presqu’île du Cotentin apparaît, évidente, telle l’extrémité d’une trompe pachydermique. La bouche de la Gironde avance une lippe exagérément boudeuse. La bottine italienne s’affine à s’en rendre précieuse, affublée d’une boucle grotesque aux allures de Sardaigne.
Mais une douleur brûlante au côté droit me lance. Elle vient interrompre brutalement mes divagations. Je glisse une main derrière la poche droite de mon pardessus, juste au-dessus de la ceinture, là où je sens comme une tige d’acier plantée dans ma chair. Je soulève avec précaution ma chemise, et la paume de ma main vient frôler l’endroit précis où la douleur me lance. Je sens que c’est visqueux et un peu tiède. Après quelques secondes, j’extirpe une main couverte de sang mal coagulé. J’en conclu que le salaud n’a pas hésité à me flinguer.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire