lundi 18 juillet 2022

Les secrets de Ciempozuelos (La madre de Frankenstein)


 Voici un roman dont la lecture m'a été conseillé lors de mon dernier passage dans la remarquable librairie Tonnet de Pau et que je placerai certainement comme l'un des livres les plus fascinants que j'aurai lu cette année.

Le récit fourmille de personnages, pour certains de fiction et pour d'autres historiques. Parmi ces derniers, le principal est Aurora Rodrigues Carballera, une mère paranoïaque qui tua sa fille prodige à 18 ans, considérant qu'elle lui appartenait au même titre qu'une œuvre appartient à son créateur et que, considérant qu'elle était imparfaite (sa fille, par ses engagements politiques, ses écrits et les célébrités qu'elle fréquentait lui "échappait"), elle avait toute légitimité pour la supprimer. Aurora Rodrigues Carballera, considérée comme la pire criminelle espagnole, fut condamnée et incarcérée durant 22 ans à l'asile de Ciempozuelos jusqu'à sa mort en 1955 à l'âge de 76 ans.

Le second personnage principal du roman est un jeune psychiatre, German Velasquez. Après avoir été exfiltré d'Espagne en 1939 par son père, sympathisant républicain pressentant la répression et la chape de plomb franquiste des années à venir, il a séjourné en Suisse dans la famille Goldstein, et y a effectué un brillant début de carrière. 

Le troisième personnage central - les trois ont successivement la parole dans le roman - est Maria, une aide-soignante à l'asile pour femme de Ciempozuelos où German accepte un poste, après 15 ans d'exil, dans lequel on lui promet qu'il pourra appliquer son programme de soins à base d'un médicament "miracle", la chloropromazine. Maria, la fille du jardinier de l'asile, est très proche d'Aurora qui lui a appris à lire et écrire quand elle était toute jeune. 

Maria est farouche, sa vie est complexe, mais elle va se confier petit à petit à German, lequel n'est pas insensible au charme de la jeune femme.

 Almuneda Grandes, qui est morte en novembre 2021 à l'âge de 61 ans, dresse, dans ce qui sera son dernier roman, un portrait sombre de l'Espagne franquiste, en particulier du sort réservé aux femmes, et de la connivence entre l'Eglise et le pouvoir.

On dénigre souvent le "roman historique". "Les secrets de Clempozuelos" revendique cette appellation mais parvient, grâce à une écriture fluide, des dialogues justes, à tisser des liens profonds et crédibles entre le vécu historique et la fiction, multipliant les récits dans des allers et retours entre passé et présent (les années 30 et les années 50).



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