Charlotte, c'est Charlotte Salomon, une jeune femme juive-allemande, une artiste que certains ont qualifié de "génie", et qui a été assassinée par les nazis en octobre 1943 au camp d'extermination d'Auschwitz, alors qu'elle n'avait que 26 ans et qu'elle était enceinte. Charlotte qui était parvenue à se réfugier en France, à Villefranche-sur-Mer, dans la propriété d'une riche américaine, fut dénoncée par un appel anonyme au criminel de guerre nazi, Aloïs Brunner, qui dirigeait les opérations de chasse aux juifs sur la Côte d'Azur depuis l'hôtel Excelsior de Nice. Brunner parvint à échapper à la justice pour les crimes qu'il a commis (130 à 150.000 juifs exécutés à son actif) en se faisant passer pour mort à la fin de la guerre. Les services secrets israéliens retrouvèrent sa trace en Syrie où il était le protégé d'Hafez el Assad, mais ne parvinrent pas à l'exfiltrer comme Eichmann, son patron. Il mourut en 2001, terré comme un rat, dans le sous-sol d'une maison à Damas.
David Foenkinos a écrit un livre dont il est difficile de s'extraire et que l'on referme à la dernière page avec une émotion très forte. Il utilise par ailleurs une forme d'écriture par phrases courtes et assemblées comme un poème, les unes à la suite des autres. Loin d'être déroutant, ce procédé stylistique apporte à la narration à la fois légèreté et profondeur. Chaque mot prend sa place et résonne au plus près du drame qui se joue autour de cette jeune femme accablée par le destin.
L'auteur nous fait part également de sa fascination pour son héroïne jusqu'à aller sur les traces des lieux qu'ils l'ont accueillie en Allemagne ou sur la Côte d'Azur, interroger des témoins, tenter de forcer le mur d'enceinte du site de l'ancienne villa l'Hermitage où elle fut arrêtée, transformé en une opération immobilière "haut de gamme" pour adeptes probables de "gated communities".
La version "de luxe", illustrée par une cinquantaine de reproduction d’œuvres de l'artiste, confère un supplément de sens au roman.
"La grand-mère et la petite fille se comprennent.
Leur cœur bat de la même façon.
Comme s'il était enroulé dans une étoffe.
Il se débat en sourdine, sans faire de bruits dans le corps.
A la manière coupable dont les survivants respirent."
p 157
"Sur le quai, elle observe certains hommes.
Ils sont habillés comme pour un mariage.
Ils sont élégants, se tiennent droits, avec leur valise en main.
Portent des chapeaux qu'ils pourraient ôter au passage d'une femme.
On ne perçoit pas la moindre hystérie.
C'est une forme de politesse dans la déchéance.
Ne surtout pas montrer à l'ennemi le ravage intérieur.
Ne pas lui offrir le plaisir d'un visage supplicié."
p 227
Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
samedi 21 mars 2020
jeudi 12 mars 2020
"L'économie contre l'écologie ?" revue Esprit Février 2020
A lire pour tenter de comprendre comment il devrait être possible de réorienter notre société de croissance néo-libérale vers une société de raison solidaire. Oui, une certaine dérive de l'économie, celle qui produit de la spéculation, est nocive à l'avenir de l'humanité car elle créé de la valeur individuelle au détriment du collectif ; et à ce titre est contre l'écologie.
J'ai toujours pensé que la citation apocryphe de Lavoisier : "rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme", s'appliquait également pour les richesses et que la richesse qui se crée quelque part a été "transféré" d'ailleurs. "Un peu" pris à "beaucoup" de personnes devient "beaucoup" pour ce "peu" de personnes. Le problème est que le "beaucoup" est souvent pauvre quand le "peu" est déjà très riche. L'écologie est aujourd'hui (enfin) reconnue comme éminemment politique, c'est à dire qu'il ne s'agit plus de défendre que les oiseaux et les coquelicots (comme l'écologie a pu être caricaturée), mais une certaine relation avec le vivant que nos stratégies de croissance, dans le modèle qui est le nôtre aujourd'hui, détruisent irrémédiablement.
J'ai toujours pensé que la citation apocryphe de Lavoisier : "rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme", s'appliquait également pour les richesses et que la richesse qui se crée quelque part a été "transféré" d'ailleurs. "Un peu" pris à "beaucoup" de personnes devient "beaucoup" pour ce "peu" de personnes. Le problème est que le "beaucoup" est souvent pauvre quand le "peu" est déjà très riche. L'écologie est aujourd'hui (enfin) reconnue comme éminemment politique, c'est à dire qu'il ne s'agit plus de défendre que les oiseaux et les coquelicots (comme l'écologie a pu être caricaturée), mais une certaine relation avec le vivant que nos stratégies de croissance, dans le modèle qui est le nôtre aujourd'hui, détruisent irrémédiablement.
"L'écologie du XXIe siècle - Entretiens avec celles et ceux qui vont changer le monde"
Il faut lire ce recueil d'entretiens d'activistes engagés dans le changement de paradigme de notre société. On en parle beaucoup de ce "changement de paradigme", on s'accorde à penser que c'est une nécessité, on peut en rêver même ; mais eux, ils le font !
Apôtres de la non violence, défenseur de la désobéissance civile, manifestants violents assumés, chacun à leur manière, ils ou elles s'engagent pour mettre un terme à la situation ubuesque d'une société consciente de l'impasse dans laquelle elle se fourvoie si elle poursuit son développement mortifère, mais qui refuse de prendre les dispositions indispensables à sa survie, comme un malade à qui l'on prédirait le stade terminal à moyenne échéance et qui refuserait de subir la thérapie douloureuse qui serait sa seule chance d'éviter une issue fatale.
Apôtres de la non violence, défenseur de la désobéissance civile, manifestants violents assumés, chacun à leur manière, ils ou elles s'engagent pour mettre un terme à la situation ubuesque d'une société consciente de l'impasse dans laquelle elle se fourvoie si elle poursuit son développement mortifère, mais qui refuse de prendre les dispositions indispensables à sa survie, comme un malade à qui l'on prédirait le stade terminal à moyenne échéance et qui refuserait de subir la thérapie douloureuse qui serait sa seule chance d'éviter une issue fatale.
mercredi 4 mars 2020
"La plus précieuse des marchandises - Un conte" de Jean-Claude Grumberg
Les contes, ce n'est pas que pour les enfants ; c'est aussi pour les grands enfants, et celui-ci, tout particulièrement.
L'histoire commence par "il était une fois" et elle s'achève par "l'amour qui fait que la vie continue". Entre ces mots, il y a des convois de wagons qui traversent une forêt, et dans l'un d'entre eux, un père qui tente l'impossible pour sauver un de ses enfants ; une pauvre femme qui habite dans cette forêt, qui découvre ce bébé emmitouflé dans un châle précieux ; un don du ciel pour cette mère sans enfant prête à tout pour le sauver de la barbarie ; il y a aussi des hommes, ils sont peu nombreux, des hommes rugueux dont le cœur n'a pas été totalement contaminé par la haine de l'autre ; et puis un père parvenu à survivre, seul, au cauchemar et dont la force de vivre est entretenue par une infime lueur d'espoir : que son enfant est survécu.
Jean-Claude Grumberg, auteur d'une trentaine de pièces de théâtre, livre dans ce "conte" quelque chose de précieux, d'une beauté profonde, avec des mots simples et une formule apparemment naïve ; un conte pour tous, pour la mémoire, c'est à dire pour la vie.
L'histoire commence par "il était une fois" et elle s'achève par "l'amour qui fait que la vie continue". Entre ces mots, il y a des convois de wagons qui traversent une forêt, et dans l'un d'entre eux, un père qui tente l'impossible pour sauver un de ses enfants ; une pauvre femme qui habite dans cette forêt, qui découvre ce bébé emmitouflé dans un châle précieux ; un don du ciel pour cette mère sans enfant prête à tout pour le sauver de la barbarie ; il y a aussi des hommes, ils sont peu nombreux, des hommes rugueux dont le cœur n'a pas été totalement contaminé par la haine de l'autre ; et puis un père parvenu à survivre, seul, au cauchemar et dont la force de vivre est entretenue par une infime lueur d'espoir : que son enfant est survécu.
Jean-Claude Grumberg, auteur d'une trentaine de pièces de théâtre, livre dans ce "conte" quelque chose de précieux, d'une beauté profonde, avec des mots simples et une formule apparemment naïve ; un conte pour tous, pour la mémoire, c'est à dire pour la vie.
mardi 3 mars 2020
"Le monde selon Amazon" de Benoit Berthelot
3 ans d'enquête par Benoit Berthelot, journaliste à "Capital" (un magazine pas explicitement gauchiste) ont permis d'accoucher d'un livre qui révèle le monde que nous concocte un dénommé Jeff Bezos (un nom prédestiné ?), multimilliardaire de son état, l'homme le plus riche du monde, créateur de la plus formidable machine à cash, mais aussi du plus extraordinaire rouleau compresseur liberticide jamais créés ; extraordinaire car nous l'alimentons tous avec un degré de servitude plus ou moins conscient, liberticide car bientôt, si nous ne réagissons pas, non seulement nous ne disposerons de plus aucune intimité, mais nous n'aurons plus le choix de vivre autrement.
C'est "1984" puissance x que nous propose Amazon : la novlangue est bien rodée, les antennes de Big Brother pénètrent les foyers (plus de 20 millions d'assistants domestiques Amazon Echo ont été vendus dans le monde), la connaissance est formatée, le néo-esclavage est de rigueur dans les gigantesques entrepôts de la compagnie (provisoirement car les robots remplaceront bientôt les manutentionnaires), etc.
Livre à ne manquer sous aucun prétexte car Amazon, lui ou elle, ne vous manquera pas !
C'est "1984" puissance x que nous propose Amazon : la novlangue est bien rodée, les antennes de Big Brother pénètrent les foyers (plus de 20 millions d'assistants domestiques Amazon Echo ont été vendus dans le monde), la connaissance est formatée, le néo-esclavage est de rigueur dans les gigantesques entrepôts de la compagnie (provisoirement car les robots remplaceront bientôt les manutentionnaires), etc.
Livre à ne manquer sous aucun prétexte car Amazon, lui ou elle, ne vous manquera pas !
"Une vie de passions formidables" de Luis Sepulveda
Luis Sepulveda est un écrivain chilien de nationalité allemande. Sa nationalité d'origine lui a été retirée par la dictature qui a renversé Salvador Allende en 2011. C'est un écrivain engagé contre toutes les formes d'injustice et d'intolérance. Dans ce recueil de 27 textes courts il nous parle de ceux qu'il admire : Garcia Marquez avec lequel il a partagé un repas d'ormeaux troublé par un homme persuadé que Marquez n'était qu'un sosie de l'auteur de "Cent ans de solitude", le très grand scénariste Tonino Guerra, Salvadore Allende dont il fut proche, ou cette française, Michelle Manassé, qui tenait un petit restaurant, à Dichato, un petit port qui fut ravagé par le tsunami de mars 2010. Il témoigne aussi de son engagement à gauche et de sa révolte contre une autre dictature, celle du "marché" et celle du "1% qui possède 99% de la richesse mondiale". La solidarité, l'amitié, l'attention, l'amour de ses proches sont des sentiments imbéciles pour les cyniques ; Sepulveda est le contraire d'un cynique, c'est un homme révolté et tendre à la fois ; un homme qui aime la poésie et croit que l'écriture est une arme contre l'oubli.
Merveilleux petit livre qui donne du courage pour éviter de se soumettre à la doxa de l'"évidence".
Merveilleux petit livre qui donne du courage pour éviter de se soumettre à la doxa de l'"évidence".
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