Amoureux de Venise, ne pas s'abstenir ... de lire le dernier livre de l'auteur de "Remonter la Marne" ! L'entreprise dans laquelle Jean-Paul Kauffmann s'est aventurée - visiter des églises fermées de Venise - peut paraître dérisoire (à quoi cela peut-il servir, il y a déjà tant d'églises ouvertes qui recèlent des trésors qu'une vie entière ne parviendrait pas à découvrir ?) ou prétentieuse (se ranger dans la catégorie des élites détentrices de la connaissance de lieux secrets quand le gros du troupeau n'accède qu'au tout-venant que les guides touristiques lui livrent en pâture).
Je ne connais pas personnellement ce Monsieur autrement que par les deux récits que j'ai lus et les informations que j'avais suivies durant les deux années de sa prise d'otage au Liban, mais je suis persuadé que sa quête n'est ni dérisoire ni emprunte de vanité. Jean-Paul Kauffmann cherche, et cette curiosité qui semble insatiable tout en étant loin d'une frénésie quelconque, constitue sa manière à lui de goûter chaque jour à la vie avec cette connaissance particulière (cet appétit ?) que doivent avoir ceux qui ont éprouvé un jour, dans leur corps et dans leur esprit, l'absence de liberté.
Les découvertes qu'il fera dans cette traversée de Venise un peu particulière sont d'abord humaines au travers de plusieurs personnages qui seront des appuis précieux (des complices ?), des passionnés, voire même des sorte de satrapes ou gardien d'un temple bien décati. Il nous fait partager ces rencontres avec un regard sensible. Il convoque également la mémoire d'autres observateurs de Venise comme Sartre ou Lacan qu'il trouve plus pertinent que Morand, souvent considéré comme la référence auprès des amoureux de Venise.
Mais ce que Kauffmann trouve au terme de ses quêtes - le plus souvent infructueuses - ce n'est pas un espace incroyable chargé de mystères enfouis depuis parfois des décennies qui se révèlent enfin à lui, visiteur privilégié ; c'est l'absence, le vide, une sorte de désolation ; peut-être quelque chose qui pourrait faire penser à ce qu'expriment les "vanités" en peinture : à la fois le dérisoire de la vie et son importance suprême.
C'est à une leçon de philosophie que nous invite l'auteur quand, lecteur, nous lui emboîtons le pas. Il nous donne accès, par la grâce de ses mots, la beauté simple de ses descriptions, ses citations, son érudition, à une félicité rare ; celle que, seule, une grande oeuvre peut nous offrir ... pour seulement 22 Euros.
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