Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
mardi 26 mars 2019
Au-delà des frontières d'Andreï Makine
Faut-il recommander le dernier roman de Makine "Au-delà des frontières" ? Probablement non.
Si l'écriture reste globalement remarquable (en dehors de passages totalement nuls comme l'histoire de Sarkozy et de sa boutique de Rolex), servie par des accents poétiques qui se conjuguent assez bien au récit flirtant avec un millénarisme new-wave post apocalyptique, sur fond de dénonciation de la mollesse décadente du monde occidental, cet immortel poursuit avec ferveur une radicalisation qui donne des frissons. Au-delà du récit romanesque, Makine affiche un double engagement : celui d'un réactionnaire décomplexé, au sens d’une opposition (une dénonciation ?) à l’idée qu’une certaine frange de la société - plutôt instruite, plutôt de gauche, définitivement déconsidérée aux yeux de Makine-Osmonde par ses accointances passées avec le marxisme - s’était faite du progrès social, et un autre, dangereusement idéaliste, par cette voie de « l’Alternaissance », seule planche de salut selon l'auteur pour une humanité qui ne cesse de se mentir à elle-même, embarquée dans un aveuglement coupable vers sa perte imminente.
Pourquoi dangereusement idéaliste ? Parce que ces « diggers » que Makine présente comme les seuls à avoir trouvé le chemin de la sérénité et du bonheur simple (frugal ?), les seuls conscients de l’inéluctable malheur de l’humanité, ne sont en réalité qu’une secte d’illuminés rétrogrades, revenus de tout engagement solidaire - lesquels sont réduits au besoin d’assouvir des pulsions sexuelles ou névrotiques - et tentés par les thèses de l’ultra-droite.
L'immortel poutiniste revendiqué va conforter le flot des fachos de tout poils et peut-être même convertir quelques naïfs. Terrible.
A écouter, la critique du « Masque et la plume ». Quand est-ce qu’ils m’invitent ?
https://www.franceinter.fr/emissions/le-masque-et-la-plume/le-masque-et-la-plume-03-mars-2019
mardi 19 mars 2019
Le Grand Debat
J’ai fait l’exercice du questionnaire du « Grand débat » (c’est étrange comme dans ce petit pays il faut tout qualifier de « grand » : le TGV, la Grande Bibliothèque, le Grand Paris, le Grand Débat, etc...). Je l’ai fait sans illusion, et surtout pas celle de la manipulation (il suffit de voir comment sont posées les questions et d’écouter Mr Macron proclamer les résultats (on ne change pas de cap !). Je l’ai fait comme je mets mon bulletin dans l’urne, sans grand espoir mais avec la conscience d’un certain devoir démocratique accompli. Les cyniques riront, et c’est normal : ils ont renoncé à toute utopie. Peut-être ont-ils raison dans leur désespérance. Dans ce questionnaire, il y avait une illusion de liberté représentée par une case à la fin de chaque question « Autre ». Pour ma part, je considère cette case comme la plus importante mais je doute que les algorithmes susceptibles de nous dépouiller (belle formule ?) soient en mesure de parfaitement comprendre ce que j’ai voulu y mettre. Alors, et bien que vous soyez plus forts que ces algorithmes, je vais vous dire ce que j’y ai mis : l’éducation publique est la clé de tout, « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », solidarité-tolérance-responsabilité pourraient donner le change à Liberté-Egalité-Fraternité, culture populaire (pour le peuple et non pas vulgaire), réduction des écarts salariaux indus, service public même s’il faut que nous (les privilégiés) payons davantage d’impôts, accueil des migrants, tolérance, poésie au quotidien, ...
Vous croyez que les algorithmes vont s’emparer de tout ça ?
"Venise à double tour" de Jean-Paul Kauffmann
Amoureux de Venise, ne pas s'abstenir ... de lire le dernier livre de l'auteur de "Remonter la Marne" ! L'entreprise dans laquelle Jean-Paul Kauffmann s'est aventurée - visiter des églises fermées de Venise - peut paraître dérisoire (à quoi cela peut-il servir, il y a déjà tant d'églises ouvertes qui recèlent des trésors qu'une vie entière ne parviendrait pas à découvrir ?) ou prétentieuse (se ranger dans la catégorie des élites détentrices de la connaissance de lieux secrets quand le gros du troupeau n'accède qu'au tout-venant que les guides touristiques lui livrent en pâture).
Je ne connais pas personnellement ce Monsieur autrement que par les deux récits que j'ai lus et les informations que j'avais suivies durant les deux années de sa prise d'otage au Liban, mais je suis persuadé que sa quête n'est ni dérisoire ni emprunte de vanité. Jean-Paul Kauffmann cherche, et cette curiosité qui semble insatiable tout en étant loin d'une frénésie quelconque, constitue sa manière à lui de goûter chaque jour à la vie avec cette connaissance particulière (cet appétit ?) que doivent avoir ceux qui ont éprouvé un jour, dans leur corps et dans leur esprit, l'absence de liberté.
Les découvertes qu'il fera dans cette traversée de Venise un peu particulière sont d'abord humaines au travers de plusieurs personnages qui seront des appuis précieux (des complices ?), des passionnés, voire même des sorte de satrapes ou gardien d'un temple bien décati. Il nous fait partager ces rencontres avec un regard sensible. Il convoque également la mémoire d'autres observateurs de Venise comme Sartre ou Lacan qu'il trouve plus pertinent que Morand, souvent considéré comme la référence auprès des amoureux de Venise.
Mais ce que Kauffmann trouve au terme de ses quêtes - le plus souvent infructueuses - ce n'est pas un espace incroyable chargé de mystères enfouis depuis parfois des décennies qui se révèlent enfin à lui, visiteur privilégié ; c'est l'absence, le vide, une sorte de désolation ; peut-être quelque chose qui pourrait faire penser à ce qu'expriment les "vanités" en peinture : à la fois le dérisoire de la vie et son importance suprême.
C'est à une leçon de philosophie que nous invite l'auteur quand, lecteur, nous lui emboîtons le pas. Il nous donne accès, par la grâce de ses mots, la beauté simple de ses descriptions, ses citations, son érudition, à une félicité rare ; celle que, seule, une grande oeuvre peut nous offrir ... pour seulement 22 Euros.
Je ne connais pas personnellement ce Monsieur autrement que par les deux récits que j'ai lus et les informations que j'avais suivies durant les deux années de sa prise d'otage au Liban, mais je suis persuadé que sa quête n'est ni dérisoire ni emprunte de vanité. Jean-Paul Kauffmann cherche, et cette curiosité qui semble insatiable tout en étant loin d'une frénésie quelconque, constitue sa manière à lui de goûter chaque jour à la vie avec cette connaissance particulière (cet appétit ?) que doivent avoir ceux qui ont éprouvé un jour, dans leur corps et dans leur esprit, l'absence de liberté.
Les découvertes qu'il fera dans cette traversée de Venise un peu particulière sont d'abord humaines au travers de plusieurs personnages qui seront des appuis précieux (des complices ?), des passionnés, voire même des sorte de satrapes ou gardien d'un temple bien décati. Il nous fait partager ces rencontres avec un regard sensible. Il convoque également la mémoire d'autres observateurs de Venise comme Sartre ou Lacan qu'il trouve plus pertinent que Morand, souvent considéré comme la référence auprès des amoureux de Venise.
Mais ce que Kauffmann trouve au terme de ses quêtes - le plus souvent infructueuses - ce n'est pas un espace incroyable chargé de mystères enfouis depuis parfois des décennies qui se révèlent enfin à lui, visiteur privilégié ; c'est l'absence, le vide, une sorte de désolation ; peut-être quelque chose qui pourrait faire penser à ce qu'expriment les "vanités" en peinture : à la fois le dérisoire de la vie et son importance suprême.
C'est à une leçon de philosophie que nous invite l'auteur quand, lecteur, nous lui emboîtons le pas. Il nous donne accès, par la grâce de ses mots, la beauté simple de ses descriptions, ses citations, son érudition, à une félicité rare ; celle que, seule, une grande oeuvre peut nous offrir ... pour seulement 22 Euros.
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