Quand Jack London écrit "Martin Eden" il n'a que 33 ans et le récit sonne pourtant comme une autobiographie ; de celle qu'un écrivain peut écrire au soir de sa vie. 7 ans plus tard, le 22 novembre 1916, Jack London qui était atteint de plusieurs maladies (dysenterie, urémie, mais surtout alcoolisme) meurt d'avoir trop vécu. Suicide ? Empoisonnement par négligence du fait d'une automédication ? Le doute entretient encore davantage le "mystère" Jack London, écrivain de la race des Rimbaud, Hemingway, ou autres Kerouac ; celle des "perdants magnifiques" ?
Personnage de roman lui-même (enfance difficile, génie autodidacte, bagarreur, marin, ouvrier, chercheur d'or, photographe*, écrivain à succès, etc.), il met en scène dans "Martin Eden" son double, d'abord un jeune homme un peu rustre mais qui ne manque pas de sensibilité, fasciné par la classe des gens instruits, submergé par une passion pour Ruth, une très belle jeune femme de cette bourgeoisie à laquelle il croit pouvoir accéder par l'apprentissage du savoir. Mais tout se révèle en définitive faux et illusoire, sauf certaines amitiés construites sur le partage de l'adversité ou d'une certaine notion de la beauté. L'étude compulsive des livres et son sens aigu de l'observation font rapidement de Martin Eden un révolté ; en particulier contre une société confite dans ses "valeurs établies", conduite par des sots dont le pouvoir ne repose que sur des diplômes obtenus sans intelligence, la flatterie ou une situation sociale privilégiée. Il se débat jusqu'à l'épuisement car personne (sauf Brissenden, le grand poète, l'esthète anarchiste qui meurt trop rapidement) ne veut reconnaître ce pour quoi il est réellement fait : écrire. Et quand la gloire arrive enfin, le spectacle de l'hypocrisie humaine finit de l'accabler. "C'étaient les bourgeois qui achetaient ses livres et remplissaient sa bourse ; or, d'après le peu qu'il savait d'eux, il lui semblait impensable qu'ils pussent apprécier ou seulement comprendre ce qu'il écrivait."
Personnage de roman lui-même (enfance difficile, génie autodidacte, bagarreur, marin, ouvrier, chercheur d'or, photographe*, écrivain à succès, etc.), il met en scène dans "Martin Eden" son double, d'abord un jeune homme un peu rustre mais qui ne manque pas de sensibilité, fasciné par la classe des gens instruits, submergé par une passion pour Ruth, une très belle jeune femme de cette bourgeoisie à laquelle il croit pouvoir accéder par l'apprentissage du savoir. Mais tout se révèle en définitive faux et illusoire, sauf certaines amitiés construites sur le partage de l'adversité ou d'une certaine notion de la beauté. L'étude compulsive des livres et son sens aigu de l'observation font rapidement de Martin Eden un révolté ; en particulier contre une société confite dans ses "valeurs établies", conduite par des sots dont le pouvoir ne repose que sur des diplômes obtenus sans intelligence, la flatterie ou une situation sociale privilégiée. Il se débat jusqu'à l'épuisement car personne (sauf Brissenden, le grand poète, l'esthète anarchiste qui meurt trop rapidement) ne veut reconnaître ce pour quoi il est réellement fait : écrire. Et quand la gloire arrive enfin, le spectacle de l'hypocrisie humaine finit de l'accabler. "C'étaient les bourgeois qui achetaient ses livres et remplissaient sa bourse ; or, d'après le peu qu'il savait d'eux, il lui semblait impensable qu'ils pussent apprécier ou seulement comprendre ce qu'il écrivait."
Martin Eden est le livre de toutes les désillusions, jusque (et surtout) vis-à-vis de l'amour, de la gloire, et même de l'écriture ; ce qui signifie en définitive, pour cet homme animé par une rage de vivre incroyable, la désillusion de la vie. Alors que Ruth revient pour le reconquérir, il ne peut lui dire que ces paroles : "Je suis un homme malade (...) Oh, pas dans mon corps. Dans mon âme, dans ma cervelle. je ne crois plus en rien. Je me moque de tout." ; et plus loin, "Je suis vidé de tout désir. S'il restait de la place dans mon cœur, je pourrais encore vouloir de vous, même aujourd'hui. Vous voyez comme je suis malade."
"Martin Eden" est un livre immense qui devrait être, obligatoirement, au programme des lycées. Malgré son côté noir et cynique, il parle aussi de choses comme la beauté, la sensibilité, l'émotion, l'attention, la générosité, l'engagement ou le désintéressement ; autant d'antidotes possibles à la société du spectacle de Facebook et de la téléréalité.
* Un livre superbe vient de sortir au éditions Phébus : Jack London photographe.
* Un livre superbe vient de sortir au éditions Phébus : Jack London photographe.
Je suis tout à fait d'accord avec ta dernière proposition.
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