lundi 31 décembre 2012

La Déesse des petites victoires


Est-ce un livre sur Kurt Gödel, ce génie des mathématiques, contemporain et ami d’Albert Einstein, qui vécut exclusivement dans cet univers de la logique la plus hermétique - mais dont le développement permis des découvertes majeures, notamment en informatique – , fuyant les mondanités et les honneurs, et achevant sa vie de façon pitoyable, hypocondriaque, paranoïaque, misanthrope, d’une maigreur extrême et persuadé d’être parvenu à prouver, logiquement, l’existence de Dieu ?
Est-ce plutôt un livre sur son épouse, Adèle, qui s’est mise cinquante années durant au service de son mari, dans l’ombre du « phénomène », sacrifiant tout ce qu’une vie peut apporter d’agréable sans même l’ombre d’une reconnaissance tant Kurt Gödel était exclusif  en faveur de son travail, et avec une lucidité qui confine au masochisme ?
Kurt Gödel et Abert Einstein à Princeton
Est-ce enfin un livre sur Anna, personnage de fiction, documentaliste au département scientifique de l’Université de Princeton et chargée de récupérer auprès d’une Adèle, devenue une vieille femme irascible,  les archives de son époux qu’elle semble ne pas vouloir céder, et qui sont pourtant d’une valeur capitale pour l’histoire de la recherche mathématique ?
A ces questions, la réponse est bien entendu évidente : c’est un livre sur tous ces personnages, et plus encore, puisque l’auteur nous plonge au cœur de l’une des universités les plus prestigieuses au monde, Princeton, dans un univers fréquenté par les plus grands hommes de science du 20ème siècle : Albert Einstein bien sûr, vieillissant, cabotin et parfois même scabreux, John Von Neumann et Robert Oppenheimer, pères de la bombe atomique, Wolfgang Ernst Pauli, éminent physicien Prix Nobel, Dirac, Prix Nobel  de Physique également pour ces travaux sur l’atome, plusieurs Médaille Fields, tous familiers, voire très proches pour certains, de la famille Gödel.
Yannick Grannec
Mais Yannick Grannec, dont « La Deesse des petites victoires » est le premier roman, n’a pas écrit juste une biographie romancée sur un personnage particulièrement « bizarre » ; elle réussit, dans un style de très grande qualité, à profiter de ce récit qui alterne entre le passé (au travers des souvenirs d’Adèle) et le présent (les rencontres entre Anna et Adèle, et la vie elle-même d’Anna) pour donner à réfléchir sur le sens de la vie, le rapport à l’autre, la question de la vieillesse (et de son « irréparable outrage » ?), l’élégance et la poésie des mathématiques.

C’est une très belle découverte littéraire, et plus encore, car qu’elle émane d’amis très chers qui se reconnaitront, bien entendu, s’ils parviennent jusqu’ici…

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