dimanche 27 novembre 2011

Neues Museum de David Chipperfield à Berlin


Certains bâtiments connaissent plusieurs vies. C'est le cas du Neues Museum de Berlin ouvert en 1855 dans l'île aux Musées, et qui fut laissé au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, et pendant 70 ans, dans un état de quasi-ruine. Dans les années 90, les deux Allemagne s'étant réunifiées, le projet de le reconstruire fut adopté. Et c'est en 2009 que le "nouveau" Neues Museum, rénové par l'architecte britannique David Chipperfield, pu offrir à nouveau la contemplation de sa magnifique collection égyptienne dont la pièce maîtresse est le célèbre buste de la reine Néfertiti, épouse d'Akhétanon, vieux de plus de 3.300 ans, dont le modelé, le rendu de la peau, le port de la tête sont d'une telle perfection que si le visage s'animait subitement, nous n'en serions peut-être pas surpris.

Le choix de Chipperfield n'a semble-t-il pas été simple. De nombreuses "autorités" ont milité pour une reconstruction à l'identique du musée ; aspect extérieur, mais également restitution des salles dans leur état originel, c'est à dire chargées de toute la décoration "historiciste" en vogue dans la seconde moitié du 19ème siècle. Une autre école, à laquelle appartenaient le directeur du Staatlich Museum et tous les directeurs du Neues Museum, défendait le projet de Franck Gehry, sans doute plus radical, avec l'espoir d'une répétition du désormais fameux "Syndrome de Bilbao".

L'approche de Chipperfield a consisté à ne pas opposer patrimoine et modernité, et à développer le concept du palimpseste appliqué à l'architecture. Il s'est attaché dans son projet à composer avec la mémoire du lieu, les absences, les vides, les blessures du temps. Il a cherché à remettre au coeur du projet les oeuvres elles-même - servies par une muséographie d'une très grande délicatesse - davantage que le spectacle des espaces qui les accueille.

Il justifie l'ensemble de son travail pour le Neues Museum en prenant l'image d'un vase antique dont il ne reste que quelques fragments, qui seront reliés par une pâte de plâtre (neutre) sans volonté de réinterpréter, ou pire, de répliquer l'oeuvre, mais juste avec l'intention de donner à imaginer la substance et la beauté originelle de celle-ci.
La "pâte de plâtre" est ici un béton bouchardé (ou polymérisé ?) d'une couleur sable assez claire, qu'il décline également pour les parties structurelles neuves composées d'éléments préfabriqués (poteaux, poutres et dalles de plancher). Dans ces dernières, on retrouve la rectitude de l'écriture de Chipperfield ; laquelle s'exprime pleinement dans le nouvel aspect du hall central dont la composition géométrique d'origine, assez raide, a été conservée, livrant un espace d'une très grande sobriété - qui peut confiner au dépouillement -, et dans lequel la seule concession à une modernité affichée correspond au plafond, composé d'un assemblage orthonormé de très grandes poutres en bois, inspiré des charpentes de certains temples japonais du 12ème siècle.

L'expression de Renzo Piano considérant que "l'architecture est un art contaminé" prend toute sa pertinence dans le Neues Museum de son confrère Chipperfield.
Pour les architectes soucieux d'approfondir leurs connaissances en stratégie de concours, ils peuvent aller consulter l'article de "The Independant" en date du 13 novembre 1997 de la journaliste Nonie Niesewand : une leçon !

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