mardi 1 juillet 2025

Mais qu’est-ce qu’il m’arrive (à être aussi critique avec l’architecture contemporaine) ? Piano, Niemeyer, Siza, Isozaki, Calatrava.

D’un récent voyage dans le nord-ouest de l’Espagne, depuis la Biscaye jusqu’en Galice, en passant bien sûr par la Cantabrie et les Asturies, je n’ai tiré, à une ou deux exceptions près, que des déceptions des bâtiments contemporains que j’ai pu voir. D'où le titre "Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?" 

Je ne vais pas évoquer le Guggenheim de Bilbao où je suis allé cinq ou six fois, peut-être davantage, dont la force extravagante me fascine toujours - cette manière insolente de partir à l’assaut du Ponte de la Salve, cette allure de créature sortie des âges, au repos sur les berges de la Nerbioi Ibaia. Je l’ai laissé cette fois de côté pour lui préférer le pont-transbordeur de Guecho dans la banlieue de Bilbao, le plus ancien au monde encore opérationnel (1893). 

A Santander, mon impatience à découvrir l’une des œuvres récentes de Renzo Piano s’est soldée par une première déception. 
J’ai abordé la Fondation Botin par le coté, c’est à dire depuis un angle où elle ressemble à une sorte d’immense soucoupe volante posée sur de rares appuis visibles. Cette impression de lévitation de la masse du bâtiment s’opère par la dissimulation de certains poteaux dans l’espace vitré d’un rez-de-chaussée habité par une cafétéria-librairie, et par les porte-à-faux des extrémités, surtout celui au-dessus de l’eau sous lequel se glisse le Paseo maritimo

Quelques secondes après cette découverte insolite, un détail de l’enveloppe - que je savais constituée de milliers de disques de céramique blancs - m’a intrigué : un quadrillage de grande dimension dont les lignes n’étaient pas très régulières, que j’ai pris dans un premier temps pour des joints (absents des photos de la Fondation vues dans les magazines), s’est révélé être constitué des câbles principaux d’un filet qui enveloppait la totalité des façades… Stupeur et tremblements !

 

J’ai entrepris de faire le tour de l’édifice afin de tenter d’en appréhender la totalité. Peine perdue : impossible de percevoir le bâtiment dans sa globalité, aucune perspective évitant l’amputation de l’un ou l’autre des deux satellites qui composent le bâtiment, tels les deux moitiés d’un jouet futuriste articulé.

J’ai ensuite emprunté un escalier métallique pour accéder au musée situé au premier étage. Avant de pénétrer dans l’espace muséal, je me suis retrouvé dans un entre-deux (les deux coques de la soucoupe volante) saturé de dispositifs métalliques - escaliers, passerelles, verrières, marquises - parfaitement bien dessinés (comme toujours chez Piano), mais dont l’abondance exprimait une sorte d’éloge  techniciste au détriment d’une poétique de l’espace qui aurait fait écho à la beauté marine du site et à la vocation sociale et culturelle de la Fondation. 




Un zeste de réconciliation me fut apporté par un détour sur les passerelles en porte-à-faux au-dessus de l’eau et un autre par le belvédère aménagé sur le toit de l’une des coques : vues remarquables sur l’horizon maritime et les quartiers anciens de Santander ; dito pour l’espace d’exposition d’une très grande clarté qui s’ouvre sur une vue saisissante sur la baie.

Bilan mitigé, alors qu’il ne devrait y avoir que de l’enthousiasme...


Aviles est une belle petite ville des Asturies logée au fond de l’une de ces rias qui ponctuent la côte, avec son centre ancien aux rues bordées de maisons portées par de solides piliers de pierre ou de bois, ménageant des galeries comme autant de circulations à l’abri du soleil et de la pluie, et sa vaste place du marché ceinte de hautes façades entièrement tapissées de bow-window. 

C’est dans le bas de la ville, là où jadis venait s’amarrer une noria de bateaux de pêche, que surgit la dernière œuvre du maître centenaire brésilien, Oscar Niemeyer ; un centre culturel éponyme qui veut témoigner du renouveau post-industriel de la ville. 


Quatre objets architecturaux distincts - une grande salle de spectacle, le « volcan », pour des expositions, une tour-belvédère avec restaurant sommital et un bâtiment polyvalent -, auxquels il convient d’ajouter une galerie, long ruban sinueux qui relie le « volcan » à la salle de spectacle, composent ce qui constitue aujourd’hui l’attraction touristique de la ville - un « effet Aviles » comme il y a un « effet Bilbao », mais en plus modeste. 
On retrouve dans le dessin, la matérialité et la couleur uniformément blanche des bâtiments, le style Niemeyer, mais sans la force de certaines de ses œuvres antérieures : la tour-belvédère n’est pas le musée Niteroi de Rio, le « volcan » et le ruban sinueux copient avec moins de grâce ceux du Havre, l’auditorium présente une lourdeur inattendue du maître du rythme et de la volupté architecturale. Nouvelle petite déception, mais pas la plus grande.









On ne présente pas - ou plus - Saint-Jacques-de-Compostelle, tout du moins sa cathédrale et la place de l’Obradorio, point de convergence d’un engouement qui enfle d’année en année pour cet exercice d’endurance qui, pour certains, constitue une sorte de certificat d’auto-valorisation ou une case cochée au tableau de chasse des incontournables trophées touristiques labellisés par les tour-operators et les DRH des compagnies "hype".

Quoi qu’il en soit et si l’on fait abstraction des hordes de touristes/pélerins, la ville ancienne, toute de pierres et de religiosités, est magnifique.

Deux œuvres contemporaines figuraient dans ma liste des choses à voir : le musée d’art contemporain d’Alvaro Siza et le Centre de la culture de Galice d’Eisenmann. 
Concernant le premier, l’état de sa façade en dalles minérales noircies (faute probablement d’entretien) me dissuadait - sans doute à tort - de pousser plus loin mes investigations (il semblerait que les espaces intérieurs et le jardin sont remarquables, m'a-t-on dit). Mais il en va des bâtiments comme des humains : une mauvaise apparence peut être dissuasive pour engager plus avant un dialogue.





Concernant le Centre de la culture de Galice, placé en retrait de la ville et lui faisant front, son gigantisme interroge autant que ses volumes métaphoriques suggérant le littoral galicien : rias et massifs rocheux découpés (c'est mon interprétation ou peut-être l'ai-je lu quelque part).
Impossible d’en avoir une vision globale (ici encore) sauf à affréter un hélicoptère. 
La métaphore (supposée) est poussée jusque dans la couverture des toitures en pente et d’une partie des surfaces des « parois », par le biais d’un revêtement en dalles de pierre rugueuse de couleur ocre et rouille ; un choix de matérialité qui m’a paru plutôt judicieux.
Le langage structurel verse dans le registre déconstructiviste, mais avec une dyslexie qu’on imagine parfaitement compatible avec une fantaisie de promoteur immobilier. 


L’exercice métaphorique qui a multiplié par quatre le prix initial (hémorragie stoppée avant la fin du projet) aurait pu aboutir à quelque chose de pire : la métaphore en architecture s’avérant un choix à risques, dont le résultat est le plus souvent banal ou catastrophique.


La Corogne, à l’extrémité ouest de la Galice, dispose d’un site exceptionnel confronté à un océan le plus souvent agité. Les romains, qui ont édifié au IIème siècle de notre ère un phare dénommé la Tour d’Hercule, ne se sont pas trompés quant à la beauté du site et la dangerosité des côtes. Cet édifice, recustomisé au 17éme dans un style classique, est le plus ancien phare du monde encore en service.
Le reste du front de mer de La Corogne s’inscrit dans la longue liste des littoraux espagnols vilainement bétonnés, où les architectes semblent avoir renoncés à toute velléité fantaisiste. 
Dans ce contexte, le Musée Domus-Maison de l’homme de l’architecte japonais Arata Isozaki, aurait pu apporter une note un peu différente, mais cette voile d’écailles d’ardoise - elle aussi sous filet ! - ne met en évidence qu’un rectangle aveugle qui n’invite pas au détour.


Oviedo, dans les Asturies, au sud de Gijon et au pied de la Cordilliere de Cantabrique et ses très beaux Picos de Europa, est une ville dynamique, animée par une vie étudiante trépidante, agrémentée de remarquables édifices et d’une « rue de la soif » où les cidrerias, alignées comme à la parade, accueillent dès le jeudi soir une foule d’assoiffés, touristes et locaux confondus.


Dans les nouveaux quartiers des faubourgs d’Oviedo, Santiago Calatrava a livré un spectaculaire Palais des Congrès dans la veine d’un expressionnisme structurel démesuré, déjà exercé sur la gare de Liège ou celle du WTC à New-York. On est ici, à nouveau, très loin de la délicatesse et de la pureté de ses premières passerelles et de la ligne de son chais dans la Rioja. Se confronter aujourd’hui à ce type d’œuvres produit une impression d’anachronisme édifiant.










Deux œuvres en revanche méritent à mon sens d’être signalées pour leur qualité architecturale : le parador de Muxia, un ensemble entièrement neuf datant de 2020 et celui de Santo Estevo, près d’Ourense, qui a fait l’objet d’une remarquable rénovation., dans une abbaye de toute beauté.
A Muxia, l’architecte galicien Alfonso Penela, a conçu un dialogue subtile avec son environnement en inscrivant les chambres dans la pente escarpée qui dévale jusqu’au rivage sauvage de cette Costa da Morte. Les émergences - accueil, restaurant, salles de conférence et réunions - adoptent des formes origamiques sages et une belle matérialité qui augurent d’une voluptueuse quiétude. 


Celle-ci règne également au parador Santo Estevo grâce à la très belle rénovation de cette ancienne abbaye bénédictine au cœur de la Ribeira Sacra, l’un des meilleurs vignobles de Galice, sur les coteaux de la magnifique vallée du Sil. Dans le plus grand des trois cloîtres - le roman-, la façade vitrée que les architectes ont proposé pour l’aile nord dont il n’était pas possible de relever les ruines, inscrit sa modénature contemporaine avec justesse dans l’écrin du roman galicien du XIIème siècle.

mardi 13 mai 2025

Ce matin au kiosque, la centième : Cadillac, robot androïde, tourisme de masse et Florence

Toutes les bonnes choses ont une fin. Voici la centième. J’ignore si ces chroniques sont une « bonne chose » ni s’il est utile de les rassembler pour en faire un petit ouvrage dont l’intérêt sera davantage d’exister en format livresque, modestement - et on peut s’interroger sur l’utilité d’exister autrement que modestement -, plutôt que de générer un lectorat autre que confidentiel.

Il fait doux ce matin dans les rues silencieuses de Bécon ; un havre de paix, en quelque sorte. En selle sur mon vélo, l’air chargé d’effluves de rosiers, de pittosporums et de seringats, glisse comme une caresse sur mon visage. Un vent de félicité… 

Gilles est seul, assis à l’une des trois tables du parvis judicieusement exposée aux premiers rayons du soleil, à se faire dorer la pilule. 

Les deux jeunes arbres de la place - des érables probablement, il faudra que je vérifie - affichent un houppier printanier dense et la promesse d’une ombre accorte pour les (très) chaudes journées d’été qui ne manqueront pas de nous accabler encore cette année. « Drill, drill, drill, baby drill ! » vocifère le Père Ubu de l’autre côté de l’Atlantique ; un appel au chaos ordinaire, sans doute applaudi par cette femme qui affiche fièrement une poitrine de competition sous un T-shirt siglé « Trump girl » dans le générique de « L’heure américaine » de la chaîne France Info.

Gilles, lui, ne fore pas. Il a enfourché sa Royal Enfield et s’est rendu hier à Suresnes pour contempler les voitures de collection qui s’exposent tous les deuxièmes dimanches du mois sur les pentes du Mont-Valérien. Aston-Martins, Jaguars, Rolls, et autres Austin-Healey font ici admirer leurs chromes entretenus avec un soin maniaque par leurs (riches) propriétaires ; des types qui peuvent avoir deux, trois ou quatre bagnoles à 100 000 balles ! soupire Gilles, en s’interrogeant sur l’origine de toute cette « oseille ». Mais son regard s’est aussi porté sur une estafette Renault état concours et une Juvaquatre qui lui ont rappelé son enfance beconaise. Nous embrayons (forcément) sur la nostalgie des formes sensuelles des voitures des années 60. Il me parle d’une Daimler qu’il détenait comme un trésor, de tablettes arrière et de tableaux de bord en ronce de noyer, de la parade de compteurs ronds et de manettes chromées, du cuir cousu mains des sièges, … Et puis le parfum subtile que ces intérieurs généraient, et ce moteur qu’il avait poussé jusqu’à 240 km/h. 

Il avait possédé, jeune, une Cadillac aux ailes triomphantes et aux phares avant généreux comme une superbe poitrine (il me fait le geste des deux bras pour que je prenne la mesure de la volupté en question). 

Mon père, lui, avait une 403 et jalousait un boucher de sa connaissance qui roulait en 404, lequel, équipé d’un ventre satisfait, prenait un malin plaisir, pour peu qu’il croisât mon père alors qu’il astiquait sa 404, à caresser avec tendresse le galbe aigu des ailes de son véhicule, comme il devait caresser la croupe de la bête qu’il avait sélectionnée chez un éleveur, imaginant déjà le train de côtes de bœuf ou le morceau de bavette qu’il allait en extraire. Mon père troqua sa 403 aux ailes pataudes contre une Volvo 121 bleu ciel, intérieur cuir et toit ouvrant, m’invitant, à chacun de nos trajets, à « écouter le silence du moteur ».

Christiane nous demande l’autorisation de s’asseoir à notre table. Autorisation accordée ; nous cessons subito nos « discussions de mec ». Que nous raconte Christiane ? Elle va plutôt bien, elle n’a pas entendu l’orage de cette nuit mais c’est certainement parce qu’elle regardait un western à la télé et que ça canardait de partout. Nous déplorons avec elle le tourisme de masse qui contamine toutes les belles capitales. Poutine ne se déplacera certainement pas à Istanbul nous confit-elle. Genevieve nous rejoint à son tour, café et croissant en mains. Son infirmière avait du retard ce matin. Des avions à Roissy ont été détournés. C’est le bordel avec les travaux du Grand Paris Express et les issues de secours qu’ils sont en train de creuser boulevard de la Paix, nous dit Gilles. 

J’évoque le robot androïde vu à la Biennale d’architecture de Venise où je viens de passer trois jours la semaine dernière ; un robot que les visiteurs pouvaient interroger. Impression mélangée de curiosité et de crainte en observant les traits de son visage en silicone capables d’exprimer des sentiments, ses lèvres qui accompagnaient presque parfaitement ses réponses générées par l’intelligence artificielle. Glacial.

Robert qui nous a rejoint à son tour saisit le sujet « robot » pour rechercher le nom de ce feuilleton télévisée de science-fiction des années 60 avec ces extra-terrestres et leur petit doigt qui les dénonçait.

Genevieve se souvient du nom : « Les envahisseurs » avec David Vincent, cet architecte américain qui, témoin de l’atterrissage d’une soucoupe volante, veut convaincre ses semblables que les extra-terrestres ont débarqué et veulent coloniser la Terre.

Les envahisseurs que l’on identifiait effectivement à leur auriculaire qu’ils ne pouvaient replier et qui, quand ils mouraient se consumaient dans un halo rougeâtre laissant un petit tas de cellulose. 

Lui non plus n’a aucune bonne nouvelle à nous communiquer. « Le monde est fou », nous dit-il. Mais ce n’est pas vraiment une bonne nouvelle. Son beau-frère s’est bousillé le dos en jouant beaucoup trop au golf. Les gens ne savent pas être raisonnables. Il faut connaître ses limites et les accepter. Il y a des choses que l’on ne peut plus faire, arrivé à un certain âge. 

La croissance exponentielle de l’IA est liée à cet appétit toujours plus délirant de consommer davantage. Gagner du temps, encore et toujours. Et ce temps « gagné » est comme un ogre jamais repu. 

Genevieve nous parle d’un jour où, pour procréer, il n’y aura plus besoin d’un contact physique entre un homme et une femme. 

Les bateaux-immeubles de croisière sont totalement délirants. Un jour à Santorin, Robert a préféré laisser sa femme visiter en meute la ville pendant qu’il s’installait peinard, avec son journal, à une terrasse de café. 

Les EPHAD peuvent coûter une fortune ; jusqu’à 7000€ par mois. 

Mais où est Jean-Michel pour cette dernière ? À Florence, fantasmant (probablement) sur la naissance de Vénus à la Galerie des Offices ou sur le corps de danseur exotique du David de Michel-Ange et ses 5,17m de haut de la Galerie de l’Academie.

Statistiques sur les 7 derniers jours: c’est Singapour qui remporte - et de loin - la palme des consultations du blog : 332 ! Deuxième, Hong-Kong, avec juste une vingtaine. Mais, diable, qu’est-ce qui peut bien les intéresser ici ?

C’est ainsi que les hommes vivent.

mercredi 9 avril 2025

Ce matin au kiosque 99 : chronique moins une !

Toujours beau, toujours frais, ce quartier de Bécon ; comme un jeune premier !

Présents au GVPKBB ce matin : Martine, Anne-Marie, Pascal, Philippe, puis Monique, Gérard, Gilberte et Roland (et Utah).

Les premiers débats portent sur les dernières déclarations de l’Ubu américain concernant les taxes à 104% pour les produits chinois. Comment vont-ils réagir ? Faut-il boycotter les produits US (chacun regarde comment il est habillé ; New Balance : c’est américain ? Et Timberland ? Et mon jean ?). Un conseil : Exit Waze, FaceBook, Instagram, Netflix, et autres chaînes US, X (à remplacer par Mastodon), ChatGPT (à remplacer par Mistral) et Safari (à remplacer par Quant). Ne garder au mieux que WhatsApp.

D’autres échanges ? Les terres rares que les chinois vont garder chez eux. Plus de téléphone ? De l’avis unanime : on soufflera !

Dîner chez des amis à Montreuil hier soir. Arrivée par Vincennes. Contraste saisissant entre la ville bobo et la ville bourgeoise. 

Lu en 2h, le nouvel opus de Giuliano dei Empoli, « L’heure des prédateurs », est écrit dans une veine très sombre mais de façon brillante (ce qui peut paraître paradoxal, mais le lecteur aura compris). Au terme du bouquin, on peut s’imaginer dans la position de l’estivant sur la plage qui voit arriver la vague d’un tsunami. Pas moins.

Je gratifie l’exemplaire en vitrine du magasin de presse d’un post-it soulignant en majuscule le caractère INDISPENSABLE de sa lecture pour se donner la force d’entrer en résistance. Bilan : je décerne au Relay H de la gare de Bécon les Bruyères le titre de Relay H le plus gaucho-wokiste de la terre. 

(Mister Bollo, je revendique l’entière responsabilité de cette nomination).

Notre JM est souffrant, redoute le (ou la) Covid, mais il est toujours à son poste. Dans un râle de mourant, il me confie qu’il va refaire dans les jours qui viennent un poulet Tikka. 

Je suis arrivé trop tard pour conseiller un Abuelo à une lectrice potentielle, laquelle semblait chercher désespérément un livre inoubliable. La pauvre est repartie sans rien ! 

Une vieille dame est passée sur le pavé du parvis à pas mesurés arborant un masque avec une gueule de chien. L’effet était saisissant, mordant même. Mais comme ce spectacle s’est produit alors que dans le même temps trottait une jolie jeune femme en jupette, l’attention de ces messieurs du GVPKBB s’est concentrée sur la paire de gambettes. 

La parole du jour de Donald Ubu-Trump : « dans mon cas, j’aime prendre une bonne douche qui prend soin de mes cheveux magnifiques ».

C’est ainsi que les hommes vivent.

mardi 8 avril 2025

Ce matin au kiosque 98 : Quoi de neuf ? Le poulet Tikka façon JM !

Bulletin météo (version simplifiée) : Matin printanier non exempt d’une certaine fraîcheur. On peut même dire qu’on se les caillait. J’aurais bien ajouter le qualificatif « velu » à cailler - on se les caillait velu - afin de bien signifier qu’il faisait frisquet, mais ce terme aurait sans doute dérouté le lecteur, sachant qu’il n’est pas vraiment usuel et que je l’extrais du « Lexical » - ouvrage remarquable, injustement inconnu du grand public et dont l’auteur de ces chroniques fut l’un des artisans les plus engagés - sachant que son antonyme, vous l’aurez deviné, ne saurait être qu’imberbe. Exemple : un adhérent du RN pourra dire de Marine Le Pen qu’elle est « velue » (pour dire qu’elle est vraiment bien) et un wokiste que JD Vance est « imberbe » (pour dire qu’il est nul). Facile.

Je suis le premier au kiosque. Les chaises et les tables sont en conversation silencieuse avant de devoir céder la parole, dans un proche avenir, aux membres éminents du groupuscule de vétérans du parvis du kiosque de la gare de Bécon les Bruyères, mieux connus sous l’acronyme : VPKGBB.

JM, qui est en quelque sorte l’inspirateur, le fédérateur, l’homme-clé du VPKGBB, est ce matin en verve : il a déjeuné dans son jardin samedi et dimanche. Et ça lui suffit à JM pour avoir la pêche des grands jours : se taper la cloche dans le gazon (fraîchement tondu). 

Je l’interroge sur son absence subodorée Place de la République au meeting contre l’extrême-droite. Ben, gros bêta : j’étais Place Vauban, répond-il en souriant. 

Sur ces entrefaites, Pascal le Biker arrive au volant d’Utah (je veux dire : tenant Utah en laisse). JM embraye sur son poulet Tikka qu’il a concocté pour ses femmes ce week-end. N’allez pas croire pour autant que le jeune homme est polygame. Seulement, voilà, JM était ce week-end, dans son jardin, le seul représentant de la gent masculine.

Il ne sera pas dit que ces chroniques n’abriteront pas un couplet sur la bouffe et, en particulier, sur la recette du Tikka.

Donc, recette du Tikka de JM. A vos casseroles !

Ingrédients

  • 4Blancs de poulet
  • 150g Yaourt
  • 10cl Lait de coco
  • 1 Oignon
  • 1 gousse d’Ail
  • 1 cuil. à café Cumin
  • 1 cuil. à café Curcuma
  • 1 cuil. à café Garam masala
  • 1 petit morceau de gingembre frais
  • 1 cuil. à café Concentré de tomates
  • 1 Tomate
  • 1 Jus de citron vert
  • 2 cuil. à soupe Huile (d’olive)
  • 1 Piment rouge
  • Sel 
  • Poivre
  • Quelques feuilles de coriandre


Préparation


  • Avant de commencer la recette, allez aux toilettes parce que ça va être un peu long et peut-être qu’à votre âge…
  • 1) Commencez par couper les blancs de poulet (de Loué exclusivement) en morceaux (cubes de 13,5 mm de coté) et déposez-les dans un saladier (si vous n’avez pas de saladier : arrêtez tout de suite !)
  • 2) Saupoudrez de cumin, de curcuma et de garam massala, puis ajoutez le gingembre pelé et râpé (notre conseil : augmentez la dose de gingembre prescrite afin de vous assurer après le repas une transition coquine). Versez le jus de citron, mélangez et laissez mariner 1 h au frais (si le poulet râle, laissez-le mariner 1h de plus).
  1. Faites chauffer l’huile dans une sauteuse et faites suer (sans transpirer) l’oignon pelé et émincé (en lanières de 3,2 cm de longueur et d’environ 2,6 mm d’épaisseur).
  2. Ajoutez ensuite les morceaux de poulet et faites-les dorer (sans ajouter d’auto bronzant). Incorporez le piment émincé, l’ail, versez le yaourt (de vache), le lait communiste (de coco) et le concentré de tomate.
  3. Salez (modérément), mélangez (doucement) et laissez mijoter entre 25 et 26 minutes (pas une de plus).
  4. saisissez la coriandre à pleines mains et parsemez le plat avec.
  5. Ne servez que si vos amis ne font pas la gueule.

Remarque : ce plat est délicieux servi le jour même, mais peut être réchauffé pendant 15 jours, il n’en sera que meilleur.


Après cet intermède gastronomique à faire pâlir de jalousie FRG (Francois-Regis Gaudry), que rajouter ?

Que je me suis entretenu dans un long tête à tête avec Pascal le Biker (lunettes de soleil stylée, casquette de chasse Jack Pike (ou similaire), blouson en cuir siglé « Union Jack ») sur les voitures de collection suite à un rassemblement face au Château de Versailles. Accord total sur la nostalgie des belles carrosseries des années 50 et 60.

J’ai réussi à placer mon anecdote de mécano amateur sur la piste entre Lomé et Ouagadougou. A l’instant où je lui racontais comment j’avais enroulé les cosses de la batterie de papier journal car j’avais vu une étincelle y jaillir en mettant le contact, le Marseillais est arrivé. J’ai remarqué qu’il n’avait toujours pas de bretelles et me suis brièvement interrogé sur les raisons qui font qu’un homme qui arbore au quotidien des bretelles comme un accessoire indispensable, un jour subitement, définitivement, s’en sépare. A-t-il prononcé un vœu ? Quelqu’un lui a-t-il dit que sa paire de bretelles soulignaient son embonpoint ? Les bretelles ont-elles finis par céder car il s’agissait de bretelles qu’il portait jour et nuit depuis une vingtaine d’années ? Il avait saisi les derniers mots de mon histoire et il a eu l’air étonné qu’un type comme moi à la bourgeoisie banale puisse avoir bricolé un moteur de 404 une nuit, perdu sur une piste en latérite entre Lomé et Ouagadougou. La surprise passée, il nous a parlé de ses petits soucis dans l’intérieur de la cuisse et aux avants-bras. En chœur et spontanément, nous lui avons recommandé de consulter un médecin. Pascal a embrayé (Pascal n’aime pas les conduites automatiques) sur ses multiples fractures dans à peu près toutes les régions du corps, lesquelles, après une scintigraphie osseuse, étaient parvenues à épater le médecin militaire qui le consultait (et qui en avait vu d’autres comme il s’en était vanté).

Sur ce, Pascal s’en est grillé une petite. Alors, comme j’aime bien Pascal, je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire comment j’étais parvenu à arrêter de fumer du jour au lendemain. Il m’a dit : c’est fort ! Non, lui ai-je répondu : j’avais juste la trouille et j’ai retrouvé une certaine fierté.

La trouille et la fierté : N’est-ce pas deux moteurs de l’humanité ?

JM qui nous avait entendu a promis-juré qu’il arrêterait la clope quand il partirait à la retraite. C’est noté et même diffusé partout dans le monde. 

C’est ainsi que les hommes vivent