Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
lundi 14 décembre 2015
Hommage à Pierre Drachline
Il se trouve que j'ignorais, il y a encore quelques minutes, qui pouvait être ce Monsieur Drachline, dont le nom résonne comme un nom de code. Cette ignorance constitue une occasion formidable de lui rendre un vibrant hommage. Pierre Drachline - je veux dire sa photo - repose à présent juste à côté de moi, et je dois avouer que son regard un peu triste cerclé de lunettes banales à montures métalliques, ses longs cheveux raides autant qu' anachroniques, sa gorge molle, son pif protubérant armé d'une verrue exhibitionniste, tout cet assemblage qui constitue un visage unique m'est assez sympathique. On peut dire que Pierre Drachline a raté pas mal de choses dans sa vie ; tout du moins si l'on considère que la réussite matérielle constitue une référence digne d'intérêt. Mais on peut aussi penser qu'il a merveilleusement réussi l’essentiel :le pari de l'authenticité, c'est à dire cette disposition rare consistant à vivre, sinon en paix, du moins en cohérence avec ses idées ; lesquelles sont souvent des emmerdeuses qui nous conduisent dans des situations impossibles loin de la quiétude des postures dociles et asservies.
On peut imaginer à la lecture de son parcours que le terme compromis - et encore moins compromission - était exclu de son langage. En revanche c'était un amoureux de la littérature ; ce qui en fait un Juste, forcément Juste. Il l'avait sans doute un peu amer la Littérature, car cette mère (!) dont il cherchait l'amour avec une désespérance qu'on imagine suicidaire, lui a préféré d'autres amants, plus dociles, moins radicaux, moins passionnés. Pierre Drachline est sans doute mort de trop de passions tristes. Lui qui écrivait : "J'ai transmué mes échecs en certitudes. Si j'ai souvent perdu, ce n'est pas d'avoir trop joue, mais au contraire, d'être resté en retrait de l'excès. Entre la canicule et le gel, il n'y a que la médiocrité d'être. Le tempèré. Le flasque." Mais aussi, magnifique : "La littérature n'est plus aujourd'hui à l'ordre du jour ou de la nuit. Elle a été effacé du visible. Les écrivains subissent le joug de l'ignorance. Ils ne sont même pas vilipendés, car les stigmatiser serait leur accorder une importance, voire une existence. Leur absence de valeurs marchandes en fait des transparences."
Vous aurez compris que la page "Disparitions & Carnet" du Monde s'étale à mes côtés avec un nouvel et bref ami dont j'ai l'immense plaisir respectueux de tenter d'amplifier la mémoire.
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