Limiter Viva à un "roman historique" dans lequel l'auteur se serait contenté de jouer d'une perspective réciproque entre Trotsky et Malcom Lowry serait terriblement réducteur. Patrick Deville aime à évoquer les utopies - "surtout à l'instant où elles s'écroulent" dit-il -, et mettre en scène des personnages portés par elles dont le destin est la plupart du temps tragique ; sans oublier, particulièrement dans Viva, la cohorte des "seconds rôles" qui gravitent autour des deux protagonistes principaux. Le Mexique des années 20 "dans cette décennie pendant laquelle tout s'invente, le monde est neuf dans le chaos régénérateur", est comme une sorte d'immense manège - la fameuse grande roue Ferris de "Sous le volcan" ? - qui tournerait de façon chaotique avec, embarquée à son bord, une kyrielle d'invités qui ont pour noms :
Lev Davidovitch Bronstein, alias Trotsky, le paria et l'écrivain refoulé, Malcom Lowry, le génie littéraire, ivre du "Volcan", Frida Khalo, l'artiste au corps et à l'âme torturés, Diego Rivera, le peintre muraliste et l'ogre de femmes, Tina Modotti, la belle photographe, la "traîtresse" qui livre son âme au diable, Vittorio Vidali, le diable lui-même, Artaud, le fou visionnaire, Mercader, l'assassin au piolet, André Breton, le petit écolier surréaliste ridicule devant Trotsky, Ret Marut, alias Traven, alias Cravan, alias Torsvan, alias..., l'auteur du "Trésor de la Sierra Madre", et des dizaines d'autres acteurs moins connus, dont on se régale à découvrir (merci le "Net") les itinéraires de vie souvent incroyables.
"Viva" est un livre dont on sort comme enivré, par la profusion de personnages, comme autant de fantômes que le talent de Deville fait revivre dans l'atmosphère particulière de l'époque et du lieu qu'il revient lui-même "hanter" dans certains paragraphes, à la fois mortifère et bouillonnante sur le plan artistique et littéraire.
Un livre à conseiller à ceux qui ont aimé "L'homme qui aimait les chiens" de Padura ; et aux inconditionnels de "Au-dessous du volcan".
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