jeudi 1 novembre 2012

La cour des Arts de l'Islam au Louvre

Inaugurée fraichement (septembre dernier), la cour des Arts de l'Islam mérite la visite : son architecture est étonnante et la collection absolument remarquable. Pour qualifier leur projet, les deux architectes lauréats, Mario Bellini et Rudy Ricciotti, avaient usé de la métaphore poétique : "voile aérien", "aile de libellule", pour le premier, "mouchoir de soie lâché au fond de la cour", pour le second. Le dossier de presse n'est pas en reste : "ce jeu de plis et replis de la couverture devient alors un drapé soyeux aux reflets micacés et facétieux". Chacun se fera son idée de cette installation composée de 2 000 panneaux triangulaires en acier galva enrobés d'un métal déployé extrêmement fin, portée par seulement 8 poteaux plus ou moins inclinés figurant les piquets d'une tente de bédouin. Pour bénéficier de la meilleure impression possible, il est conseillé de sélectionner une journée de grand soleil avec un ciel bleu péninsule arabique ; la couverture prend alors de très beaux reflets mordorés.
Mais le projet ne se résume pas à ce niveau ; il comporte un sous-sol gagné sur les surfaces originelles dans lequel le noir règne en maître : béton noir des murs latéraux, sol en dalles noires incrustées de paillettes de laiton, faux-plafonds sombres, escalier noir vernis en béton coulé en place dans un coffrage spécifiquement fabriqué (une performance sans doute) dont l'allure évoque une sorte d'odontocète. On retrouve dans cet élément massif, indubitablement, la patte de Ricciotti, gourmand d'une matérialité profonde et quelque part archaïque ; s'agit-il de cette fameuse "physicalité" qu'il s'emploie à exprimer dans tous ses projets ? Il a été rapporté que lors de l'inauguration, Ricciotti a semble-t-il davantage attiré l'attention des VIP sur la contemplation du ventre lisse, noir et luisant de son escalier, plutôt que vers les ailes de l'odonoptère métallique...
On peut regretter que les façades de la Cour Visconti soient désormais en grande partie masquées par le projet. Les pyramides de Pei voisines, sujets de maintes polémiques, ont su préserver les riches façades de la Cour Napoléon. De même, difficile de ne pas remarquer les membrures de la structure métallique porteuse dont les ombres bien visibles (trop ?) affaiblissent l'onirisme du "mouchoir de soie".
Et puisque dans un musée, le plus important reste la qualité des œuvres exposées - même si leur mise en valeur est essentielle -, il faut souligner une fois encore que la collection des Arts de l'Islam présentée ici est absolument remarquable. A l'heure où d'aucuns vous convient au "choc des civilisations", il est bon que l'art témoigne de sa capacité à relier les hommes dans ce qu'ils ont de meilleur : le goût du beau et de l'intelligence.




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