lundi 31 mars 2025

Ce matin au kiosque 96 : Ça sent l’écurie !

Ciel d’une pureté azuréenne, fond de l’air frais comme l’eau d’un torrent, souffle de vent comme une caresse.

Voilà plus de trois semaines d’infidélité au parvis de la gare de Bécon les Bruyères et ses fidèles. Je ne suis pas encore descendu de ma bicyclette que P. m’invective gentiment en me reprochant l’absence de casque. Je lui sert l’argument forcément fallacieux que cet accessoire me décoiffe et je change de sujet pour couvrir d’éloges le « terrible engin » près duquel je viens de garer mon deux-roues musculaire : une Royal Enfield bleu lagon des mers du sud, propriété de ce même P. La moto est équipée d’un siège arrière dessiné pour accueillir rien moins qu’une BB ou sa doublure, de pots d’échappement saucisson, d’un feu arrière globuleux très « american fifties » et d’une paire de sacoches en cuir noir genre « Easy rider », à faire pâlir d’envie tous les bikers de la terre.

JM est assisté de Ph qui se réchauffe sous le ventilo-convecteur plafonnier du kiosque. Il (le maître des lieux) me confidie (du verbe confidier, 1er groupe, faire une confidence) qu’une cliente avec laquelle j’avais échangé hier et qui semblait atteinte d’une soif inextinguible de parler et de s’agiter, appartient à une famille de matheux de très haut niveau. J’admire la capacité cérébrale des personnes douées en maths, mais je précise qu’en même, qu’ayant fréquenté les bancs de l’école avec des futurs polytechniciens et normaliens, il n’est pas rare d’en trouver des qui sortent de la normalité. Mieux vaut parfois, pour une vie équilibrée, que les fées n’aient pas fait d’excès de zèle au-dessus de votre berceau. Je parle en connaissance de cause.

Comme je dis tout ou presque à JM, je lui confie mon enthousiasme pour « L’ombre du vent », le roman de Carlos Ruiz Zafon, dont je viens d’achever la lecture des 600 pages avec un bonheur absolu. 

Bien sûr JM, lui, il l’a lu depuis déjà fort longtemps. Ce JM : une mine, une référence, un cap, que dis-je, une péninsule littéraire !

Pendant mon absence, il a vendu deux exemplaires de « Bastion » de Jacky Schwartzmann sur la couverture duquel  j’avais mis un post-it de commentaire enthousiaste. Si vous n’avez pas lu ce policier d’un genre jubilatoire (je parle pour les « woke men »), eh bien, on se demande ce que vous attendez !

A l’occasion d’une grand-messe récente de sa boîte - un truc pour ressouder les équipes (dessoudées ?) -, JM a montré mon blog à l’un de ses supérieurs (hiérarchiques) - et sans doute les chroniques - en précisant que nous recherchions un éditeur. Le supérieur en question semble avoir été conquis par ce qu’il a vu ; il a encouragé JM à le montrer au service com de la boîte. Arrêt de l’initiative de JM : il va falloir que je m’autocensure si je veux passer à la postérité Bolloréenne…

J’ai omis de vous signaler que le casting d’aujourd’hui étaient composé de xxx et xxx.

La discussion est passé d’un individu qui rôde et cherche à acheter des bijoux en or, aux dents (en or) que l’on arrachait à Bucchenvald, puis j’ai évoqué cette histoire d’ados qui, devant les bulbes dorés de l’église orthodoxe du Pont de l’Alma (celle de Poutine), trouvaient que la mosquée était cool ; tant qu’à être dans les lieux de culte, on a listé les églises proches jusqu’à celle de Champerret avec son magnifique duomo byzantin.

J’y suis entré dans cette « mosquée orthodoxe ». Il y avait une célébration. Cinq ou six popes officiaient dans leur capes toutes dorées et rigides qui les font ressembler à de gigantesques scarabées barbus. 

Marine Le Pen a fait un passage rapide dans la discussion (personne ne voulait s’étendre sur elle), puis ce fut la Légion d’honneur et Drucker qui s’est vu promu commandeur ; ce qui a déconsidéré définitivement la breloque inventée en 1802 par le Consul de la république, un certain Napoleon Bonaparte, afin de récompenser militaires ou civils pour « services éminents » rendus à la patrie. Vous voulez une petite liste de types sympathiques honorés de la LH ? Mussolini, Franco, Ceaucescou, Ben Ali, Poutine, Ali Bongo ; bref, que des gars clean, propres sur eux. Si je ne vous parle pas de certaines crapules françaises, c’est que le courage, comme tout, à ses limites… Pas envie de risquer un bracelet électronique pour diffamation. Bien que, le bracelet électronique semble plutôt tendance ces temps derniers. Les racailles portent leurs futes très bas pour faire « genre je suis un ancien taulard à qui on aurait enlever la ceinture » et les politiques vont se montrer leurs bracelets électroniques dans les dîners mondains pour faire « genre je suis un mec ou une nana condamné injustement pour n’avoir détourné que quelques millions » (et tous les convives de commenter qu’ « on peut plus rien dire ni rien faire »).

Des news d’Ubu-Trump ? Il paraît que Poutine commence à les lui gonfler genre montgolfière et qu’autrement, il se marre tellement à signer des décrets (plus d’une centaine au compteur) et à voir le bordel qu’il met dès qu’il dit une connerie (certainement plus d’un millier au compteur), qu’il changerait bien la Constitution des Etats-Unis pour faire un 3eme mandat.

Bon, avec ça si je ne suis pas refoulé à ma prochaine entrée aux US… Ça tombe assez bien car je n’avais pas l’intention d’y remettre les pieds !

C’est ainsi que les hommes vivent !

lundi 17 mars 2025

Ce matin au kiosque 95 : Procrastination et nouveautés béconnaises, attention et respect

Un mois. Voilà déjà plus d'un mois que je me suis carapaté loin de Bécon, sa gare, son kiosque, ses « habitués ». D’abord le Béarn et les Pyrénées ; une semaine de ski sur un tapis de neige que les assauts d’un soleil radieux ne sont pas parvenus à dissoudre totalement avant la fin de mon séjour. Puis quelques temps en Dordogne, au confins de la Charente, dans cette région de collines douces où l’eau de la Dronne, « la plus belle rivière de France » selon l’éminent géographe et anarchiste Elisée Reclus, semble poursuivre avec une lenteur assumée son destin timide qui la verra s’effacer, « belle et souple » comme la qualifiait François Mitterrand, devant la modeste Isie qui, elle, se perdra au terme d'une série de méandres capricieux dans l’orgueilleuse Garonne. Enfin, les terres insulaires des Charentes ; Ré dont les rivages, comme un bouclier invisible, repoussent du coude les nuages sur le continent afin d’offrir au soleil l'occasion de cuirasser l’océan de milliers de virgules d’argent, et d’enflammer l'horizon du soir de parades incendiaires.

Et pourtant, depuis mon retour il y a déjà une semaine, je ne suis pas parvenu avant ce matin à me confronter au rectangle gris laiteux de mon écran d'ordinateur, pour une nouvelle chronique béconnaise. Je procrastine sans honte, mais avec regrets. Alors, en suivant les conseils de Boileau, je vais me "hâtez lentement et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettre mon ouvrage."

Quoi de neuf à Bécon ai-je demandé dès mon retour, après avoir attendu que cesse les vivats de la foule accueillant le fils prodigue. La réponse fut unanime : rien. Rien de neuf. Alors, à défaut de nouveautés, les conversations sautèrent, comme toujours, du coq à l'âne ; l'âne étant bien entendu Ubu-Trump. Le lecteur curieux s'interrogera sur l'identité du coq...

Quoi de neuf ? Eh bien, une épicerie italienne proche de la Place de Belgique, à laquelle on ne peut que souhaiter un bail plus long que son prédécesseur, un fromager qui "à trop embrasser à vraisemblablement mal étreint", tant ses fromages se perdaient parmi une quantité d'autres produits annexes. En réalité, la population locale a dû voir d'un œil étonné ce 3ème fromager s'installer là où, dans un rayon de 300 mètres, deux autres de ses confrères exerçaient déjà avec un talent reconnu.

Et puis aussi, un nouveau commerce de poisson qui veut s'ouvrir, avec le soutien de la municipalité comme en témoigne une large enseigne installée sur la future devanture, en lieu et place d'une précédente poissonnerie qui n'avait tenu que quelques mois. On souhaite bonne chance à cette aventurier de la marée, sachant que deux fois par semaine déjà, à un jet de pierre, le marché recèle trois poissonniers de qualité...

J'amuse beaucoup les habitués avec ma nouvelle manie de venir à vélo sur le parvis sachant que mon domicile se trouve à moins de 5 minutes à pied.

L'un de nos amis nous a confié souffrir d'une tumeur sous la lèvre. La porte de sortie du magasin de presse est toujours fermée car JM craint le courant d'air froid d'un hiver qui ne veut pas céder sa place. JM, précisément, a échangé avec un homme mal en point dont il m'a appris la triste condition qui le fait dormir dehors alors qu'il dispose d'un appartement. Je dois souligner ici que les mots très simples avec lesquels JM s'est entretenu avec ce pauvre homme témoignaient d'une grande attention et d'un respect dont certains devraient s'inspirer plutôt que de voter des lois d'exclusion contre les malmenés de la vie.

Au fait : avez-vous réalisé que nous sommes en plein "Printemps des Poètes", et ce, jusqu'au 30 mars prochain ? Alors, à vos inspirations ! En illustration, l'affiche du Printemps des poètes 2025.

C'est ainsi que les hommes vivent. 



dimanche 9 mars 2025

Yes we can ? 12 : The Brutalist

Si vous pensez aller voir un film sur l’architecture brutaliste (celle qui est détestée par Trump) avec « The brutalist », détrompez-vous : à part quelques allusions au Bauhaus, des images évoquant la Johnson Wax de Franck Lloyd Wright et quelques images supplémentaires de projets de style international (j’oubliais le trajet en gondole à l’occasion d’une des scènes finales sur la première biennale d’architecture de Venise - tout à fait incongru), il n’y a rien d’un film initiatique sur l’architecture. Préférez « My Architect » ou bien, même, le film de Coppola « Magalopolis ». 

Le bâtiment qu’un mécène (une caricature de l’amerloque friqué, raciste et en plus violeur) veut faire concevoir à Laszlo Toth, un architecte juif hongrois rescapé de Buchenwald dont il s’est entiché, ne ressemble à rien sauf peut-être à un mix entre une centrale thermique ou d’incinération et et un tombeau babylonien ; Gropius doit se retourner dans sa tombe.

Je n’ai pas cru un instant au personnage de l’architecte-artiste maudit incarné par Adrien Brody.

Les images et le mouvement de la caméra sont plutôt bien réussis. La musique fonctionne bien également à l’exception de celle du clap de fin, totalement incongrue ; on aurait plus attendu ici une chanson de Cohen.

Bref, difficile de se faire une idée de ce film qui dure quand même 3h1/2 et comporte un entracte. Ce qui est certain c’est que la maison de distribution a fait un travail de communication formidable.

Yes We can ? 11 : « Les guerriers de l’hiver » d’Olivier Norek

Les guerriers de l’hiver, le dernier roman d’Olivier Norek, évoque un épisode inconnu de l’histoire de la seconde guerre mondiale (tout du moins pour moi et probablement pour la plupart des français), celui de cette « Guerre d’hiver » qui se déroula du 30 novembre 1939 au 13 mars 1940, opposant 800 000 soldats de l’armée Rouge à moins de la moitié de soldats finlandais, mais surtout deux puissances de feu totalement inégales. 

Le personnage central du roman est Simo Hähyä, un jeune paysan finlandais qui se révèle devenir un redoutable sniper que les russes surnommeront « la Mort blanche » et dont les finlandais firent un héros national. 

Le récit déroule les 90 jours d’une guerre impitoyable au cours de laquelle le rouleau compresseur russe, au prix d’innombrables pertes humaines et d’immenses destructions n’épargnant ni les villes ni la nature, parvient à faire capituler la petite nation finlandaise. Olivier Norek nous plonge dans l’horreur quotidienne de la 6eme compagnie finlandaise dans laquelle Simo accompli son « travail » de précision, décimant les « Ivans » avec une haine que l’on sent jour après jour l’habiter entièrement. 

Le récit fait alterner les scènes du front des deux côtés des belligérants, le quartier général des forces finlandaises et les postes de commandement de l’armée Rouge gangrenée par les commissaires politiques, en de courts chapitres qui font de ce roman un véritable « page-turner ».

Enfin, comment cette « Guerre d’hiver » ne résonnerait-elle pas comme un avertissement supplémentaire vieux de plus de 80 ans pour les peuples d’Europe, témoins plus ou moins passifs d’une agression comparable, en cours, sur le territoire de l’Ukraine ?

samedi 1 mars 2025

Yes We can ? 10 : délire, délire, …

 « A Chaque jour suffit sa peine » comme l’écrit Matthieu dans le Nouveau Testament ; c’est un peu ce qu’on se dit tous actuellement. Aux dernières nouvelles, on assiste aux US à une censure inimaginable des textes officiels qui interdit purement et simplement l’usage de certains mots (ils seraient plus d’une centaine) du style : antiracisme, racisme, altruisme, préjugés, DEI (diversité, équité et inclusion), diversité, divers, biais de confirmation, équité, égalitarisme, féminisme, genre, identité de genre, inclusion, inclusif, inclusivité, injustice, intersectionnalité, privilège, identité raciale, sexualité, stéréotypes, transgenre, égalité, ALT (alternatif), changement climatique, climat, émissions de gaz à effet de serre, justice environnementale, privilège, biais, femme, préjugé, justice environnementale, accessibilité, etc.

Quelques autodafés de bouquins « déviants » complètent le délire.

Manque plus que les retraites aux flambeaux dans la nuit de Washington des SA du moment (Proudboys et cie) avec torches et bannières (et pourquoi pas au nom de la « liberté ») pour revenir 90 ans en arrière…

L’histoire de l’humanité fait alterner périodes de félicité et cauchemars. Bon, là, pas de doute : on est dans la seconde !