Voici un recueil de 10 textes qui relatent les aventures mouvementées - et le plus souvent fatales - de projets émanant de grands noms de l’architecture tels que Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Zaha Hadid, Kenzo Tange ou Françis Kéré. C’est le plus souvent par une commande assez extraordinaire que débute chacune de ces « aventures ». Mais le ciel s’assombrit plus ou moins rapidement et un sort funeste (une crise financière, le décès de l’un des acteurs majeurs, un édile qui se fait remplacer, etc.) scelle le destin de ces projets qui ne verront jamais le jour ou, peut-être pire encore, seront construits puis démolis quelques années plus tard pour céder aux sirènes du profit capitaliste.
Parmi ces projets, il est difficile de ne pas être sensible à deux destins en particulier. Celui de la maison Chame-Chame à Salvador de Bahia de Lina Bo Bardi et du Hall of Nations à Delhi de Raj Rewal. Il s’agit de deux ensembles qui sont parvenus jusqu’au terme de leur construction. La maison Chame-Chame fera le bonheur de la famille Nogueira durant 20 ans mais elle devra se résoudre à la quitter sans avoir trouver de repreneur dans un quartier devenu avec le temps très densifié, dangereux et hostile. La maison sera détruite. Un immeuble banal sera édifié à son emplacement par un promoteur, banal également.
Le Hall of Nations, merveille d’ingénierie structurelle, sera livré aux démolisseurs en catimini, au petit matin et son architecte en pleurera…
« Le fantôme de l’architecte » est une petite merveille : Benjamin Leclercq, son auteur, parvient à nous faire partager au plus près des acteurs leur enthousiasme, leurs doutes, leurs angoisses, leur résignation, leur douleur.
A sa lecture, on pense à un recueil supplémentaire. Celui qui parlerait du projet de l’INALCO gagné par Christian de Portzamparc et annulé, du siège d’Apple Europe à Guyancourt, gagné par Valode & Pistre, et abandonné après la chute des actions d’Apple dans les années 2000, de la Tour Phare à La Défense de Morphosis vaincue par son coût faramineux et remplacée par les Tours Sisters (de C. de Portzamparc encore) qui ne verront pas non plus le jour, du CCIP (Centre de Conférences International de Paris) de Francis Soler abandonné 5 ans après avoir été choisi par François Mitterand, du siège de Sandoz de l’architecte Zerfhuss, à Rueil-Malmaison, démoli dans l’indifférence générale, mais aussi ailleurs, le Musée de Berlin (Topologie de la terreur ) de Zumthor, abandonné, le Guggenheim d’Helsinki gagné par l’agence française Moreau-Kozunoki, jamais engagé, le « Veles e Vents » en déshérence de David Chipperfield à Valence, les installations olympiques désertes d’Athenes ou de Pekin, etc.
Et si l’architecture, parfois, comme l’enfer, était pavé de « bonnes intentions » ?
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