vendredi 3 mai 2024

Ce matin au kiosque 12 - Naissance, cassoulet et voyage aux US

Enfin le soleil ! Jean-Michel me menace dès mon entrée dans son univers : « je ne te dirai plus rien… Lagardère !… » 


J’essaie d’amadouer le bougre avec l’opus2 d’Apprentissage. Rien n’y fait. Et en plus, je lui ai dédicacé : il va  Une première cliente, une toulousaine dont l’accent chantant évoque le cassoulet (qu’elle préfère manger que faire, nous précise-t-elle). Nous échangeons des informations essentielles sur le cassoulet : le meilleur qu’il a jamais dégusté, c’est à Carcassonne pour Jean-Michel, pour moi, c’est bien à Toulouse ; en attendant Castelnaudary. A propos de ce cassoulet toulousain, une anecdote. 

C’était au temps jadis où j’étais encore en activité (professionnelle). J’avais été invité à Toulouse par une entreprise de BTP avec laquelle nous avions monté une équipe pour un concours hospitalier. Nous étions une bonne douzaine à avoir effectué le déplacement. L’objet était de visiter le site de l’hôpital afin de bâtir une stratégie de conception. Tout ça me paraissait prématuré compte-tenu du fait que notre candidature n’avait même pas encore été sélectionnée pour concourir. Le commercial de l’entreprise de BTP, garant de la stratégie, balayait d’un revers de main mes doutes sur cette hypothèse, pour lui infondée, de ne pas être retenus. Le jury de sélection devait se réunir le jour-même. Je disposais d’une « antenne » au jury qui devait m’alerter sur le choix. 

Après la visite, nous (architectes, bureaux d’études, entrepreneurs) nous nous attablons dans un restaurant pour nous délecter, après quelques charcutailles, d’un cassoulet véritablement d’anthologie. L’ambiance va crescendo au rythme des bouteilles qui défilent allègrement. Les plats de cassoulet sont gigantesques. L’appétit des convives paraît inextinguible, à la hauteur de leur soif. 

J’ai pris soin de placer mon portable dans la poche de mon pantalon en position « vibreur », afin de ne pas rater l’alerte de mon « antenne ». Au moment où le serveur est en passe de prendre les commandes pour la croustade flambée, je m’éclipse de la table ; ça vient de vibrer dans mon pantalon (le portable, rien d’autre… esprits lubriques !). Je prends l’appel et l’annonce redoutée pénètre jusqu’à mes trompes d’Eustache, avant de galoper jusqu’à mon cerveau, pour ensuite parcourir l’ensemble de mon corps d’un flux nerveux plutôt désagréable (en fait, je pressentais la nouvelle et je m’en foutais d’ailleurs un peu). Nous ne sommes pas retenus ! 

Je reviens à la tablée des joyeux drilles encore dans l’ignorance et décline la croustade (l’appétit n’est plus vraiment là). Je choisis de maintenir confidentielle la nouvelle afin de ne pas gâcher l’enthousiasme général, alors même qu’un tonnerre d’applaudissements accueillent le serveur, armé d’un plat à nouveau gigantesque d’une croustade qu’il fait flamber in petto. 

Je suis tenté par écrire que les reflets des flammes dévoraient les visages rubiconds des hôtes de ce cénacle, mais vous seriez susceptibles de ne pas me croire et de trouver ma prose exagérée. Et vous auriez raison.

J’ai attendu que le commercial ait réglé l’addition, que tout le monde y soit allé de ses remerciements les plus avinés envers notre bienfaiteur, pour tirer sur la bobinette de la douche (bien froide) et leur annoncer la nouvelle. Ce n’est pas le meilleur rôle que de jouer les Cassandre et les briseurs de rêve. Dans mon fort intérieur, je dois avouer que j’éprouvais malgré tout une petite satisfaction : j’avais bien fait de ne pas commander de croustade…

Vous allez me dire que je me suis éloigné du kiosque, à la fois dans le temps (une vingtaine d’années en arrière) et dans l’espace (Toulouse versus Becon). Ah ! L’espace et le temps ! L’Alpha et l’Omega de l’architecture (pour les curieux, lire Gédion).

Alors, quoi cafarder de mon passage ce matin ?

Un jeune homme qui grappille 6 ou 7 journaux et magazines, dans un assortiment hétéroclite allant de Libération au Figaro Magazine ; autant dire, une revue de presse grand écart. Il nous avoue qu’il a un fils, né aujourd’hui, et qu’à chaque naissance il compose un cocktail de la presse du jour pour que dans 20 ans…

Une jeune femme (un peu moins jeune) s’empare des Echos et du FigMag (encore !) tout en informant Jean-Michel qu’elle revient d’une dizaine de jours aux US, pour le mariage de sa nièce, que la température était idéale (sous-entendu : pas comme ici… certainement par la faute d’Anne Hidalgo), qu’elle n’avait pas revu sa sœur depuis 6 ans, etc. 

C’est extraordinaire comme Jean-Michel peut recueillir les confidences.

Trop tôt pour les habitués. Je file !

jeudi 2 mai 2024

Ce matin au kiosque 11 - 10€, pantalon rouge et Jean-Michel qui se décide à lire « Abuelo »

Matin maussade. Mr Pascal (le « biker ») est assis seul, mais toujours avec Utah, à la terrasse du kiosque. 

Jean-Michel, derrière son comptoir, s’emploie à commettre quelques vocalises dont la qualité résonne avec la maussadité du temps. Il m’accueille avec un : « c’est pas autobiographique ? Et tu ne serais pas né en 1956 ? » A toutes ces questions indiscrètes, je suis affirmatif : non ! Toutes ces questions (pernicieuses) car il vient de découvrir que je lui avais offert un « Abuelo » et un « Apprentissage Opus1 » (qu’il avait oubliés dans son arrière-boutique, le bougre), et qu’il a commencé la lecture du roman. Il ajoute : « ma compagne a bien aimé les poèmes ! »

La dame fort sympathique que j’ai évoquée dans le post No10 et qui se prénomme Anne-Marie, vient acheter son « Parisien », un petit café et une viennoiserie ; le tout avec une voix de jeune femme.

Jean-Michel - qui lui aussi est sympathique, mais par-dessus le marché honnête - interroge sa cliente (pantalon rouge, ample manteau blanc et longue écharpe aux couleurs très florales… tout ça pour traduire une élégance certaine) sur l’hypothèse d’un billet de 10€ qui pourrait lui appartenir. « Je ne sais pas », lui répond-elle, et d’ajouter avec un léger sourire : « la vieillerie… ». 

Moi, je sirote mon café et je n’ai pas trop le temps de m’attarder car le prochain train pour St Lazare est dans 5’. Mais la dame au pantalon rouge me demande si l’autre dame d’hier, celle du Don Wislow, a acheté mon livre. Jean-Michel qui, je le rappelle, est mon agent exclusif sur son territoire, se demande de qui il s’agit, probablement Laurence, et s’il s’agit de cette femme-là c’est non, dit-il ; mais « je vais la travailler au corps !).

Bon, je me sauve mais avant, je dois vous dire qu’hier, Jean-Michel m’a montré les photos de la librairie qu’il tenait, jadis, dans la gare St Lazare. Superbe espace. Tiens, il faudra que je lui demande si elle figure dans le roman éponyme de Dominique Fabre. Son absence serait une faute… littéraire.

mercredi 1 mai 2024

Ce matin au kiosque 10 - muguet et tracts


Jour de la fête des travailleurs. Affluence sur la terrasse du kiosque. Les habitués, bien sûr : Tana Umaga, Mr Pascal (le Biker), une charmante dame qui avait acquis un « Abuelo » (l’a-t-elle lu ?), Martine qui, elle, est en plein dedans et qui semble beaucoup aimer, et une autre dame qui découvre qu’elle a devant elle un type qui a écrit un bouquin, qu’il est présenté sur les étagères de Jean-Michel (le bouquin, pas le type) et que ce dernier ne lui a rien dit ! « C’est quoi ce délire ? » s’exclame-t-elle, traduisant ainsi son étonnement amusé. Un instant elle a pensé en acheter un exemplaire et l’instant d’après, elle s’est ravisée : elle venait juste de se payer le dernier Don Winslow. Alors : deux chefs d’œuvre le même jour, c’est trop ! 
Cela, pour les habitués. 
Comme ce jour est le 1er mai et que, traditionnellement, on offre du muguet cultivé sous serre dopée à l’énergie nucléaire, il y a une grande table avec du muguet. Normal. Deux autres tables sont occupées par des inconnus qui ne soupçonnent probablement pas que les places qu’ils occupent sont à risque : celui de se retrouver pris au piège de ce blog et que leurs mémoires errent définitivement dans l’espace virtuel. 
Une affluence exceptionnelle, disais-je. Jean-Michel ouvre jusqu’à 13H. Sans doute pour aller à la manif après. 

Que dire d’ailleurs de la manif ? Un peu le bordel, une Place de la République grise de monde (pas noire), un défilé où mon plaisir est de voir des types avec des tronches pas possibles et des gusses qui militent pour des causes indéfendables (de sombres groupuscules révolutionnaires aux revendications incompréhensibles) ; les traditionnels stands de merguez et de saucisses à l’oignon qui dégagent dans l’air des nuages de particules graisseuses et odorantes, lourdes en empreinte carbone ; de la musique crachée par des haut-parleurs hissés sur des camionnettes aux couleurs syndicalistes ; des chorégraphies de percussions (gros succès), etc.

Et donc, nous avons déambulé de République à Bastille en devisant gentiment de films et de séries à ne pas manquer.

Un moment, il fallait bien être raisonnable : nous nous sommes donc assis à la terrasse d’un troquet dans une rue adjacente, sous la protection d’une petite troupe de gendarmes mobiles déguisés en RoboCop.

Ah ! J’oubliais un truc qui a failli gâcher ma promenade militante : un vieux mec au visage usé par pas mal de choses en plus des années me tend un tract en m’indiquant qu’il s’agit d’une lutte pour aider les soignants qui s’occupent des vieux, lesquels sont en grève (les soignants, pas les vieux). Le type ajoute : « et vous en aurez besoin bientôt ! » ; je me marre tout en marchant ; il me rattrape en me disant que c’était une plaisanterie et qu’il se l’était autorisée car nous devions avoir le même âge… Alors là, ça m’a fichu un coup : le type avait l’air d’avoir plus de 75 balais ! Je ne me vois pas vieillir certainement. Madre de Dios !

Vous voulez savoir pourquoi je vais m’égarer dans la manif du 1er mai ? Je vais vous le dire mais, surtout, promettez-moi de bien le répéter à tous ceux qui vous demanderont pourquoi aller à la manif du 1er mai.

Bien que certains jugent que nous avons, en France, beaucoup trop d’avantages sociaux et d’assistés, qu’il y a des coups de pied au cul qui se perdent, … je vais à cette manif par respect pour nos anciens qui se sont battus - et parfois, fatalement - afin que les allocations chômage existent, les 5 semaines de congés payés, les 35H, pour que le travail des enfants soit interdit, le droit à la retraite légitime, et j’en oublie.

« Respect pour nos anciens, ça fait un peu ancien combattant, un combattant qui, pour l’heure, n’a jamais combattu !

Autre chose : le tonnerre gronde ce soir.

mardi 30 avril 2024

Ce matin au kiosque 9 - Girac et léchage de trottoir

Matin un tantinet humide. Pas grand monde au kiosque ; pardon : au magasin de presse. Jean-Michel me commente la descente aux enfers d’Arnaud Lagardère, son ancien patron, qui vient d’être mis en examen pour tous les motifs qui concluent la soif inextinguible d’argent et de puissance, quand on ne dispose pas de l’intelligence machiavélique de certains milliardaires. J’ai vu une photo récente de cet héritier, bouffi et content de lui-même. Quelle tristesse ! 

Les couvertures des tabloïds affichent tous le visage déconfi d’un dénommé Girac, chanteur à ce que je sais désormais et que j’ignorais encore hier - Girac, pour moi, c’est le nom de l’hôpital d’Angouleme où, jeune ingénieur, j’ai effectué mon stage ouvrier de poses de bordures - qui s’est tiré une balle dans le ventre par dépit amoureux en tentant de faire passer son acte en tentative d’assassinat. C’est quand même prendre la police pour plus conne qu’elle ne l’est.

J’ai acheté un hors-série spécial du magazine « l’Histoire » sur la guerre d’Espagne ; un sujet qui me passionne, le creuset des drames du XXeme siècle, et même du suivant. El Campesino sera-t-il évoqué ?

Un jeune type tout en noir, façon anarcho-gothique, consulte compulsivement le « Canard » sur une des tables de la terrasse. Sur une autre, toujours la même, Philippe fumait une cigarette en prenant le frais avec son chien Utah et en m’assurant, alors que je le saluais et voulant probablement me rassurer, que rien n’avait changé à Bécon. Mais en fait, quand on y pense - mais bien fort - tout a changé car, comme chacun sait sans s’en apercevoir, tout instant est unique. Et donc, merveille du monde dont on ne goûte que trop rarement le plaisir indicible, le monde, d’une seconde à l’autre, n’est jamais identique. Ne faudrait-il pas que tout change d’ailleurs pour que rien ne change ?  (merci Mr. Di Lampedusa).

Une dame qui doit venir chaque matin ne viendra pas demain car son « Parisien » ne sera pas en vente (1er mai oblige). Une autre dame avec juste 4 drôles dont un dans une poussette, une personne que j’ai déjà vue avec son équipage, passe juste quelques instants dans le kiosque car le magazine qu’elle souhaite n’est pas encore arrivé. Je la recroise un peu plus tard Place de Belgique et je fais les gros yeux à l’un des drôles qui lèche avec application le trottoir humide, puis ses doigts (dans cet ordre). La probabilité pour que ce cm2 de trottoir grouille de cochonneries est voisine de l’infini… 

Mais, ça y est, j’ai déjà quitté mon passeur et la gare de Bécon-les-Bruyères.

lundi 29 avril 2024

Ce matin au kiosque 8 - Infidélités, deuil et Leonard Cohen

Retour à Bécon après 10 jours d’infidélité auprès de ma maîtresse insulaire de la côte atlantique. 

Jean-Michel est operationnel matin et après-midi et ce, pour toute la semaine. Le jeune Slimane, qui remplace l’homme de l’après-midi qui lui-même est parti pour de longues vacances chez les siens à l’Ile Maurice, lui a téléphoné en pleurs hier soir : sa grand-mère venait de mourir et il devait aller aux obsèques en Algérie.

Heureusement que Martine et Philippe passent un peu de temps sur la terrasse : les journées sont moins longues. (Martine à acheté un « Abuelo » ; j’attends le retour).

J’apprends que Jean-Michel va de temps en temps se faire un barbecue chez eux, ou plus exactement chez leur gendre qui habite pas loin. (Elle est pas belle la vie ?).

Mon passeur préféré a encore vendu un recueil de poèmes ! Je lui dis qu’il va bien falloir arroser tout ça un jour. Il faudra que l’on trouve un beau samedi en fin d’après-midi. 

En attendant, nous allons parvenir à sensibiliser tout Bécon à la poésie (ou presque, car il restera toujours des indecrottables !). Je suis obligé d’écrire ce qui me passe par la tête à cet instant ; et c’est la parole d’Odysseas Elithis (1911-1996), grand poète grec et Prix Nobel de Littérature 1979 : « La poésie ne sert à rien qu’à vivre en toute lucidité. »

Il paraît qu’un galeriste parisien qui a un point d’attache à Paimpol souhaiterait acquérir un « Abuelo ». Magnifique ! Une perspective supplémentaire d’une belle rencontre. 

A propos de belle rencontre, l’autre jour chez le boulanger de La Couarde - celui qui fait des pains vraiment remarquables -, une dame d’un certain âge (sans doute proche du mien) qui entend que je parle à mon petit-fils, Léonard, qui m’accompagnait, et qui me confie qu’elle aime beaucoup le prénom Léonard qui est celui de quelqu’un dont elle est fan :  Leonard Cohen. Je lui avoue que cette petite tête blonde se prénomme Leonard car mon fils a voulu me faire plaisir : je suis un fan également, et s’en suit, vous l’imaginez, un bel échange sur le chanteur-poète canadien dans les odeurs formidables de pains. 

Je ne suis pas allé jusqu’à lui raconter toute ma complicité avec l’auteur de « The Stranger Song », « So long, Marianne » ou de « Famous Blue Raincoat », mais je lui ai glissé qu’on devrait organiser une soirée hommage à Leonard Cohen, ici, sur cette île.

 Moralité du jour : il n’y a pas qu’à la gare de Bécon que l’on peut faire de belles rencontres ; mais quand même…

dimanche 14 avril 2024

Ce matin au kiosque 7 - « Cette mémoire qui cherche à fuir »

Ce matin, j’ai rendez-vous avec Pascal, Alain et son épouse, et une jeune femme dont j’ignore encore le prénom.

Quand je dit « j’ai rendez-vous », ce n’est pas au sens où « j’ai pris rendez-vous », mais plutôt où les circonstances ont fait que… je me suis retrouvé à échanger avec…

Mais d’abord, Jean-Michel. Notre passeur est inquiet : sa tante vient d’être hospitalisée à l’hôpital Trousseau de Tours pour une fracture ; conséquence d’une chute liée à son alzheimer qui la faisait marcher les jambes croisées ! Il est son référent et doit descendre à Tours demain matin, aller-retour dans la journée. Il viendra quand même tôt demain matin ici pour faire la mise en place des magazines et la cuisson des viennoiseries. On le sent anxieux, notre passeur. 

Pascal. C’est le prénom de l’homme que j’ai surnommé « le biker ». Il est déjà là, seul à une table. Nous nous saluons. Monsieur Pascal, c’est une certaine élégance (plutôt une élégance certaine) ; aucune improvisation dans la tenue vestimentaire ni dans le choix des accessoires (bagues, bracelets, collier, boucle d’oreille, …), toujours la casquette (en toile cette fois car il fait déjà très doux), toujours les lunettes de soleil (Ray-Ban), l’accent un tantinet parisien, moustache et mouche façon Second empire taillées avec soin, toujours la chienne barbet dont j’apprends le nom : Utah (« il fallait choisir un nom commençant par U et, sans inspiration, j’ai questionné ma fille qui faisait alors un road-trip aux USA ; Utah, m’a-t-elle suggéré, c’est dans cet état que je suis actuellement »). 

Utah est toute noire à l’exception d’une « cravate » blanche qui lui remonte jusque sur le museau. 

La jeune femme qui m’avait déjà parlé de son désir d’écrire nous a rejoints. Lunettes de soleil, masque de protection respiratoire bien calé sous le menton, elle reste debout à côté de notre table. Me voyant, et remarquant le livre posé sur la table, elle me dit à nouveau : « j’aimerais écrire ; comment faut-il faire ? Avoir des diplômes, … » Je lui dis que, ce que je peux lui conseiller est d’écrire et de lire. Écrire tous les jours, en prenant un sujet au hasard. « Tenez, la gare de Becon par exemple et tous ses habitués ; il y a des milliers de pages à remplir. Mais, il faut écrire pour soi avant tout. Ne pas penser à la gloire et surtout pas à devenir riche. »Elle me répond que la gloire, elle s’en méfie et que toutes ces vedettes, ça ne l’intéresse pas. « Ce sont toutes des aguicheuses et je n’aime pas les aguicheuses », ajoute-t-elle. Jean-Michel intervient et avec humour glisse : « des aguicheuses, à Becon, je n’en connais pas ! »

Nous poursuivons sur la rue d’Amsterdam et la rue de Budapest. (Incroyable, l’enchaînement des pensées !). J’évoque mes trajets à pieds pour rejoindre le RER entre Europe et Havre-Caumartin du temps où j’habitais rue d’Amsterdam. Je partage avec eux le souvenir de cette prostituée avec un chapeau au bord très large et des cuissardes, qui faisait le tapin devant l’entrée d’un immeuble au bas de la rue de Budapest ; une rue assez glauque à cette époque (les années 80). Elle montait régulièrement à une heure matinale avec un petit bonhomme qui ne ressemblait à rien. Ils n’échangeaient aucune parole et quand le type arrivait à son niveau, le couple, dans une chorégraphie minimale - elle, empruntant une allure de grande dame et lui, ramassé dans un petit costume élimé d’employé de bureau  - s’engouffrait dans la cage d’escalier. 

J’imagine le gars, les épaules du costume constellée de pellicules, l’haleine désespérément fétide, outrageusement parfumé à l’after-shave de supermarché et qui, la veille au soir, lapait sa soupe en silence devant le poste de télévision aux côtés de bobonne bigoudillée, sifflotant à l’aube en enfilant son marcel et son slip kangourou, dans la perspective de vivre dans une heure à peine les 5 minutes de félicité de sa journée.

Monsieur Pascal nous apprend qu’il y avait des péripatéticiennes à Becon dans les années 70 et qu’elles avaient un bar : le Tonneau. Jean-Michel intervient : « Pascal, t’as l’air de bien connaître ! » 

La jeune femme au masque FFP sous le menton dit : « je n’aime pas ces endroits et je n’y entrerai jamais ». C’est vrai qu’on ne lui souhaite pas car, en règle générale, les jeunes femmes qui entrent dans ce type d’endroits, ce n’est pas pour y faire du tricot. « C’est des frustrés qui vont là-bas. » Elle a sans doute raison. 

Je pense à cet instant à l’auteur de « La Recherche ». S’est-il fait fouetter comme son personnage, le baron de Charlus », dans un bordel d’homme ? Dans tous les cas, ce n’était pas au « Tonneau » - l’honneur de Bécon est sauf - le célèbre écrivain ne quittant son havre parisien que pour le Grand Hôtel de Cabourg.

La jeune femme nous quitte et je vois Jean-Michel qui fait des grands signes. « C’est le couple qui t’a acheté un livre de poèmes et lui qui travaille dans l’édition », me dit-il.

Je quitte la table de Monsieur Pascal pour une table voisine où nous prenons place tous les trois, le couple et moi.

Lui s’appelle Alain et j’ai oublié le nom de son épouse (mais Jean-Michel me le rappellera). Ils habitent Bécon, dans l’immeuble d’angle où se trouvait en rez-de-chaussée la petite imprimerie qui a fermé ; lui, il est parti ailleurs. J’ai l’impression (c’est le cas de le dire) que la femme de l’imprimeur était partie un peu avant. Je la croisais quand elle emmenait son fils à l’école. Une grande et belle femme brune au visage rond et lumineux. Lui, avait l’air un peu triste. Mais c’était peut être encore qu’une affaire d’impression…

Alain a beaucoup aimé mon Opus3. Jean-Michel a du lui « en faire la réclame » comme on disait jadis. Il m’avoue qu’il s’est décidé à l’acquérir en l’ouvrant, en tombant par hasard sur le poème en hommage à Camus et ses « Noces à Tipasa » ; « un texte sublime » (celui de Camus, je précise… restons humble).

Il a apprecié mon écriture et certains poèmes, comme celui pour à ma mère ou celui pour ma petite-fille, Daria, l’ont beaucoup touché. Je suis flatté, il ne faut pas se le cacher. 

Nous restons une petite heure à échanger et c’est fou ce qu’on peut apprendre en une heure. Madame a travaillé dans la publicité (elle ajoute, comme une évidence désabusée : « dans différentes boîtes qui ont été rachetées, ont fusionné, etc. »), lui, Alain, dans l’imprimerie (décidément !) ; en commençant comme typo, précise-t-il. Ils sont depuis 15 ans à Becon ; ils habitaient auparavant à Marne-la-Vallee. Ils ont trouvé cet appartement un peu par hasard, en août, il n’y avait personne à Bécon, un appartement au calme, pas comme celui, visité à Bois-Colombes et tout près des voies ferrées ; « ici, la gare n’est pas loin, mais on ne peut pas dire qu’on est dérangés par les trains ». 

Alain pense qu’il est important que des lieux comme celui-ci existent, où on peut échanger avec d’autres personnes ; le contexte actuel est tellement anxiogène. « Lire aussi est un stimulant. » Son épouse lui souffle qu’il écoute la radio, une en particulier. « Oui, j’écoute le matin France Culture, et ça fait un bien fou. Il y a des émissions remarquables. » Je ne peux que souscrire à tout ce que dit Alain. J’ajoute : « Oui, France Culture, que je trouvais très intello quand j’étais plus jeune, c’est incroyable la richesse… et les podcasts… » Ils vont partir chez leurs enfants dans le Jura pour une semaine. De mon coté, je vais quitter provisoirement Becon pour les rivages insulaires de Charente-Maritime ; pour une dizaine de jours. 

J’ai laissé mes coordonnées à Alain en lui disant de ne pas hésiter à me recontacter s’il souhaitait échanger par courriels. J’ai passé un moment très agréable en leur compagnie.

Pendant notre conversation, j’ai remarqué de temps en temps Jean-Michel qui pointait son nez entre deux clients. C’est lui le passeur. Alain m’avait fait remarquer que ce « magasin de presse » comme le désigne Ginette, la « petite-grande Dame » de Bécon, pourrait être comme la plupart de ces magasins de gare : banalisés, sans saveur, avec des clients qui passent, anonymes, « invisibilisés » les uns aux autres… mais ici, c’est différent, et c’est grâce à Jean-Michel.

Mais il me faut quitter cet « éden de sociabilité ».

« Il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte ». Nous nous reverrons (très probablement).

Enfin, au moment de clore cet épisode, si j’oubliais d’évoquer l’invitation que notre passeur m’a passée (normal !) pour le salon des maisons d’édition indépendantes qui se tient ce week-end au « Palais des Femmes », je serais d’une ingratitude totale. Je m’y suis rendu dans l’après-midi. J’y ai fait de belles rencontres et, en particulier, avec un poète irakien, Salah Al Hamdani,  qui connaît très bien la famille du compagnon - d’origine irakienne - de ma fille. J’ai acheté son recueil de poésie,« J’ai vu », qu’il a dédicacé : « À toi, Ourouk, cette mémoire qui cherche à fuir. » 

« Cette mémoire qui cherche à fuir » pourrait être le titre de ces petits textes de la série « Ce matin au kiosque ».

samedi 13 avril 2024

« Venise » de Boris Pasternak

C’est ce type de poème qui m’impose
de ne publier mes tentatives poétiques que sous le titre d’ « Apprentissage » ; et pour longtemps.


Je fus réveillé à l’aube

Par le timbre d’un carreau.

Craquelins de craie qui trempe,

Venise, flottait sur l’eau. 


Aucun bruit. Mais comme en rêve,

J’avais entendu un cri

Qui troublait encor la grève

Comme un signe évanoui.


Cri lointain d’une victime ?

Trident du scorpion, sous lui

Le miroir des mandolines,

Apaisé, dormait sans bruit.


Fourche fichée dans la brume

Jusqu’au manche, il se taisait,

Et le Grand Canal en fuite, 

Ricanant, se retournait.


Loin, près du débarcadère,

Du rêve naissait le vrai,

Et Venise, Vénitienne,

Paraissait plonger du quai. 

vendredi 12 avril 2024

Ce matin au kiosque 6 - Des histoire de corbac et de nounou

Jean-Michel est en rupture de stock de l’Opus3. Il a vendu l’exemplaire qui trône tel un étendard sur le devant de sa caisse. L’heureux acquéreur est une de mes anciennes connaissances professionnelles et un voisin proche. Je lui dois une dédicace mais le numéro de portable que j’utilise ne paraît pas être le bon. Jean-Michel, le passeur, va y remédier.

En attendant, muni de mon petit café, je vais prendre l’air sur le parvis. Il fait très bon, une température idéale, une fraîcheur de printemps accompagné d’un doux zéphyr… Un affreux corbeau se prend pour un orfraie et pousse des vocalises sinistres devant une colonne Morris ventant un spectacle extraordinaire : « une expérience inoubliable à vivre en famille ». Peut-être n’est-il pas d’accord avec cette affiche aguicheuse ? Peut-être sent-il un zeste d’exagération ? 

Une femme, assise sur un banc, vient de se rendre compte que le corbac est à moins de 2,00 m d’elle. Elle partage sa frayeur au téléphone avec une copine (ou son amant ?).

Une nounou sort du kiosque avec une poussette et pas moins de 5 à 6 drôles autour d’elle. (Drôles est l’appellation charentaise pour un gamin ; drôlesse pour les gamines). Une dame d’un âge honorable - 90 ans dans quelques jours, c’est ce que j’apprendrai dans quelques minutes - est assise à l’une des tables de la terrasse-parvis et considère d’un regard dubitatif cet attelage juvénile. 

Quel courage ! dis-je. Ah ! Jamais de la vie pour moi, me répond la vieille dame. Quand j’ai eu ma fille - il y a déjà un certain temps car j’ai un fils de 58 ans - j’ai eu idée de faire la nounou. Je gardais une petite fille très mignonne mais terriblement sale. Elle m’arrivait tous les matins pas lavée et avec des vêtements d’une saleté ! Vous pouviez la refuser, lance la nounou opérationnelle qui tente d’organiser un départ plus ou moins ordonné de sa meute ; maintenant on les refuse. Oui, mais à mon époque, on ne le faisait pas, lui réplique la vieille dame. Et je l’habillais avec des vêtements de mon fils. Mais ils étaient trop grands pour elle, la pauvrette, et j’avais honte de la sortir comme ça. Alors, j’ai dit stop. Les parents qui étaient jeunes avaient une voiture. A cette époque, jeunes et une voiture… mais ils avaient pas les moyens pour habiller correctement leur fille, et l’hygiène … lamentable !

La vieille dame a de très beaux yeux verts. Ses paupières sont légèrement maquillées et elle porte des bijoux fantaisie plutôt de « bon goût » (si le « bon goût » consiste en ni trop, ni trop peu). Ses cheveux sont blancs, courts, avec une ondulation bien serrée que l’on imagine travaillée aux bigoudis.

Je suis née à Courbevoie, te prend-elle. J’ai longtemps habité de l’autre côté de la voie ferrée, côté Asnieres. Mais ici, à Becon, on est dans un petit village. On a tout ce qu’il faut, me dit-elle, en me désignant de la main le quartier commerçant juste devant nous.

Je fais les courses pour ma soeur. Elle a des difficultés à sortir. Ses jambes. C’est vrai qu’elle a 92 ans. J’ai voyagé, mais plutôt en France. Avec la municipalité de Courbevoie. Mais maintenant, ils préfèrent les nouveaux arrivants. Bon, je ne suis jamais allée en Angleterre. Je ne verrai jamais Londres, mais c’est pas grave. Et son visage s’illumine d’un grand sourire. C’est pas grave. Il faut en profiter, tant qu’on peut. 

Il paraît que les tours à La Défense qui sont vides sont financés avec du blanchiment d’argent. Ah bon ? Je lui dit. Oui, il parait et tous ces bureaux vides ?

Je lui explique que les investisseurs comme les assurances se doivent d’investir une partie de leurs capitaux dans l’immobilier.

Elle délaisse les affres du monde de l’immobilier pour me dire : il fait bon, mais on va aller vers des saisons de plus en plus chaudes ; des canicules ; on verra bien…

J’ai dû interrompre notre conversation. Ma petite-fille m’attendait pour que je lui fasse faire du vélo… sans petites roues ! J’avais encore des choses extraordinaires à vivre aujourd’hui.

samedi 6 avril 2024

Ce matin au kiosque 5 - Dédicace d’un Abuelo

Ce matin, j’ai fait l’ouverture. Même la « pré-ouverture », puisqu’il n’était pas encore 8h00 quand je suis arrivé au kiosque ; pardon : au « magasin de presse » comme le nomme Ginette, la « petite-grande Dame » de Bécon.

Jean-Michel dressait les tables de cette terrasse qui accueille, quotidiennement, les habitués : celui que j’ai surnommé « le biker », un homme sympathique, inséparable de son chien barbet, de ses lunettes de soleil et de sa casquette en tweed ; un couple, le visage de l'homme me rappelle le grand joueur des All Black, Tana Umaga, j’apprendrai bientôt le prénom de son épouse, Martine ; une jeune femme plutôt discrète qui m’a un jour interrogé sur le « comment écrire » car elle aimerait écrire (réponse : comme pour tout, s’entraîner à écrire) ; et puis d’autres que je n’ai pas identifiés, mais ça viendra sans doute un jour. 

J’ai pris mon petit café à la fraîche, avant le pic de chaleur (plus de 25 degrés annoncés sur la Région Parisienne pour le week-end, et la France coloniale couverte des poussières du sable rouge africain : une revanche ? Un rappel contre l’oubli ?).

J’ai dédicacé l’Opus3 pour ma « petite-grande Dame » : Pour Ginette, la « petite-grande Dame » de Becon-les-Bruyères, dont les engagements de vie sont matière à poésie, de cette « poésie qui ne sert à rien qu’à vivre en toute lucidité. »

Amitiés poétiques


J’ai repris cette belle définition de la poésie d’Odysseas Elytis, ce grand poète grec, Prix Nobel de Littérature 1979.


Bécon est plutôt calme : l’heure matinale et les vacances de Pâques. Les bourgeois de Bécon ont déserté la ville pour la campagne et les bords de mer ; peut-être la montagne pour les irréductibles ?

Au moment où je me lève pour déposer ma tasse en carton vide dans la petite poubelle, Jean-Michel s’entretient avec un homme d’une certaine corpulence, dans les parages des 80 ans, cheveux blancs et barbe blanche en bataille. « Vous ne voulez pas un recueil de poèmes ? l’auteur est là », lui dit-il, en me présentant. « C’est combien ? », dit l’homme. « Pas cher, 250€ », je lui réponds. « Vous m’en mettrez une dizaine », sourit l’imprimeur retraité. Jean-Michel, en qualité d’agent littéraire (le mien) montre « Abuelo » exposé tout en haut sur le présentoir à livres. « Et c’est lui qui a écrit ce livre. » 

Je demande à notre imprimeur barbu s’il connaît Bréhat. Il acquiesce. « Oui, j’y suis allé, il y a longtemps, mais maintenant ça ne m’est plus possible : la santé et je n'ai plus de voiture. »

Jean-Michel me dit que ce monsieur aurait plein d’histoires à raconter sur les hôpitaux. Et notre homme d’embrayer. « Ah, les hôpitaux ! J’ai eu un mélanome en 2012. À Cochin, je suis tombé sur un chirurgien qui m’a enlevé un ganglion, mais il s’est trompé : ce n’était pas le bon. Bilan, des métastases partout ! Et puis les infirmières : j’étais soigné par une qui était bien. Elle disparaît. On me dit qu’elle a démissionné. Je la revois quelques temps après. Je lui dit : vous n’avez pas démissionné ? Si, me répond-elle, mais je suis en intérim et je gagne 3 fois plus !


J’étais imprimeur dans une imprimerie située derrière l’église St Pierre-St Paul à Courbevoie. Vous voyez ? (Je vois, c’est l’église d’où l’Abbe Pierre a lancé son fameux appel, l’hiver 54). Ça marchait bien, surtout avec le développement de La Défense. On imprimait de tout, même des carnets de chèque ! L’épouse du patron était comptable. » 


Suit une succession de cancers qui, si j’ai bien compris, touchent la famille des patrons. L’imprimerie voit son chiffre d’affaires baisser dramatiquement jusqu’à ce qu’un « margoulin » la rachète pour un euro symbolique. « C’était un ancien typo qui avait une boîte de 3 personnes à Rueil.  Nous étions une soixantaine. 30 hommes et 30 femmes. Ça a tenu sept ans, puis on a mis la clé sous la porte. »

Le margoulin : le Tapie de l'imprimerie. On a pensé ça tous les deux avec Jean-Michel.


Je suis allé acheter deux croissants. En revenant, un bout de trottoir était recouvert des pétales blancs d’un pommier en fleur ; comme s’il avait neigé, précisément, juste sur ce bout de trottoir.


A 10h, j’avais rendez-vous avec Ginette. Jean-Michel nous a offert le café et nous avons papoter quelques minutes sur la terrasse. Démentèlement du service public, atteinte au régime des retraites : nos opinions convergent. Ginette a travaillé dans les assurances ; les AGF, nationalisées puis privatisées et intégrées au groupe allemand Allianz. « Maintenant, j’ai le sentiment de ne servir à rien », me dit-elle. « Et vos enfants, vos petits enfants ? Ah oui, c’est vrai ! » dit-elle en souriant. Son engagement syndicaliste lui a permis de vaincre sa grande timidité. Elle me confie qu’elle aime lire, mais qu’elle a de plus en plus de difficultés à lire compte tenu de son âge, surtout pour les journaux. Elle n’aime pas les romans de bavardage. En revanche, « je suis incapable d’écrire ; ça ne vient pas, alors, il ne faut pas forcer ! »

Ginette m’a demandé ce que je faisais professionnellement. Je lui ai parlé d’ingénierie et d’architecture de grands projets.


J’ai dû la quitter pour aller au marché. Fruits et légumes, poissons et coquillages, volailles et charcuterie, nous avons nos commerçants, toujours les mêmes depuis 20 ans, toujours attentionnés. 

J’ai reçu un sms : « Claude dédicace pour Abuelo ». Je réponds Ok, dans un petit 1/4 d’heure. Ce Jean-Michel est polyvalent : Romans, poésies, rien ne résiste à cette force de vente hors du commun. S’il y avait des jeux olympiques de la vente de littérature, il obtiendrait la médaille d’or à coup sûr !

Je rejoins donc le « magasin de presse » et Jean-Michel me désigne une dame, une fidèle du kiosque et qui doit être l’épouse ou la compagne de « Tana Umaga ». Lui, il est en compagnie d’une petite dizaine d’amis, probablement des habitués du samedi. Je m’assois pour écrire une dédicace. Jean-Pierre, l’auteur de la « Saintonge sanglante », l’infatigable militant de la MJC de Courbevoie, le Kiné-ostéopathe et le charentais, me rejoint. Je le félicite sur son livre que j’ai commencé. Très bien écrit et certainement un merveilleux témoignage pour sa famille. Il est accompagné de Choupi, sa petite chienne, qui montre des velléités à gambader ; le Printemps ! Jean-Pierre allume un cigarillos et me parle de ses livres (il en écrit actuellement un 3eme, une auto fiction), en me racontant à nouveau son combat pour la MJC, son traumatisme de n’avoir connu depuis son arrivée à Courbevoie que 2 maires, et ses 3 femmes (successives) bien qu’il ne soit pas dragueur. « Les hasards de la vie », me confie-t-il avec une moue dubitative. 

Je peine un peu à me concentrer pour la dédicace d’Abuelo. Je vais finir par écrire quelque chose pour Martine ; quelque chose j’aurais souhaité moins banale. L’homme au barbet raconte l’opération qu’il a subi visant à lui enlever des calculs (tout du moins, c’est ça que j’ai retenu. Mais peut-être s'agissait il de la prostate, ou les deux, ou d'autres choses. Bref, il a dégusté. 

Pas facile de me concentrer. Je finis par écrire un mot, trop banal à mon goût. Martine, qui n’a pas voulu que je lui parle un peu du livre -« surtout pas ! » - me promet que nous en parlerons après qu’elle l’ait lu.

Dali considérait la gare de Perpignan comme le centre du monde ; aujourd'hui, il est à Bécon-les-Bruyères.