Après la pluie, le beau temps. La terrasse du kiosque baigne dans une lumière quasi printanière et le ciel est décoiffé de cirrus.
Jacques a chaussé sa nouvelle paire de lunettes de soleil (Ray-Ban, mais un modèle moins « amerloque » que celle de Sarko, McMacron ou Biden). Amélie nous rejoint. Elle me complimente sur ma Barbour et ne tarit pas d’éloges pour les lunettes de Jacques. J’ai remarqué qu’elle était très observatrice des attributs vestimentaires. Elle me demande si j’ai regardé Macron hier. Je lui réponds que non ; c’était l’heure de mon whisky du soir (un excellent Nikka Coffey Malt) et puis, l’ex associé gérant de Rothschild a dû encore servir une leçon de vertus républicaines dont lui seul éprouve la profondeur et la justesse ("c’est terrible comme vous pouvez être c… mes chers compatriotes !").
Je lui ai parlé whisky et elle enchaîne sur le pineau, un apéritif qu’elle aime particulièrement. Il faudra que je pense à lui en faire goûter du familial (excellent au demeurant).
Christiane et Sophir se sont installées à notre table. La première semble particulièrement en verve. Elle revient sur Hülya, le prénom de cette femme turque célèbre dont nous avons parlé hier et au sujet de laquelle elle est allée se renseigner. Elle fut Miss Turquie, dispose effectivement d’une célébrité certaine et plusieurs générations de turcs la connaissent bien, mais surtout, Christiane nous confie qu’elle a eu une vie amoureuse « tumultueuse » et qu’elle ne détestait pas les hommes riches. La voilà habillée pour l’hiver ! Quoiqu’il en soit, il faut reconnaître qu’elle était très belle. Je montre sa photo à Jacques et Amélie. « Elle n’est pas seulement belle, elle est sublime ! » disent-ils. Christiane ajoute qu’elle a des yeux d’un bleu magnifique. Il faudrait songer à la faire venir à Bécon. Je vais en parler à notre passeur.
Je fais remarquer que j’ai croisé hier, au comptoir de Jean-Michel, une très belle Moldave. J’avoue - et je déclenche la risée du public - que je ne plaçais pas précisément la Moldavie sur la carte de l’Europe. Christiane me tacle aussitôt en me demandant si je regarde les infos de temps en temps. C’est le troisième tacle de la matinée après ceux de Jean-Michel qui était sorti fumer une cigarette tout en chantant :
« Ah, c'qu'on est bien quand on est dans son bain
On fait des grosses bulles, on joue au sous-marin
Ah, c'qu'on est bien quand on est dans son bain
On chante sous la mousse pour les voisins. »
Et là, un trou. Je ne me souviens plus de l’auteur de la chanson. La honte ! « Henri Salvador, bien sûr », me sortent les deux complices et Jean-Michel d’enchérir : « il a de grosses lacunes ; quand c’est de l’architecture alors il étale, mais le reste, il a un paquet de lacunes ! »
Jacques ajoute : « Un bonhomme pas très sympathique qui n’a jamais voulu reconnaître son fils ! » (Il ne parle pas de moi, mais de Salvador ; cette précision afin qu'il n'y ait pas de malentendus...). J’apprends enfin que Jean-Marie Périer (le photographe) avait été adopté par François Périer (l'acteur) bien qu’il eut su que l’enfant qu’attendait sa compagne était d’Henri Salvador. Je n’avais jamais fait le lien entre Jean-Marie et François. La honte (à nouveau). Pour tenter de me trouver une excuse, je proclame que je ne lis ni « Voici » ni « Closer ».
Eh bien voilà : une belle petite leçon d’humilité !
Je raconte à Jacques la soirée somptueuse organisée par une grande entreprise de BTP pour la fin des travaux d’un bout d’immeuble situé Place Vendôme, à proximité de l’appartement d’Henri Salvador. La veuve du chanteur exotique au rire dévastateur n’avait pas cessé de se plaindre du bruit du chantier. Pour tenter de se faire pardonner, l’entreprise l’avait invitée à cette fête dans les locaux rénovés (pour LVMH) avec concert et buffet grandiose (défiscalisés probablement).
Christiane débrief, pour Jacques qui ne l’a pas entendu, la réunion d’information au sujet de la future gare de Bécon du Grand Paris Express. Et là, je m’aperçois que j’ai omis hier de mentionner le « cri du lynx ». C’est quoi ? Eh bien, pour ceux qui l’ignoreraient, il s’agit du son que les camions vont devoir émettre en manœuvrant à la place de l’espèce de bip-bip-bip… Très probablement donc, un miaulement, à moins que le chauffeur, agressif, fasse émettre un feulement, un grognement ou un sifflement (mais seulement en période de reproduction).
Christiane précise encore qu’il y aura une ferme sur le toit de la future station depuis lequel on pourra admirer le « panorama » (rires), que le flux journalier des passagers est évalué à 55 000 et enfin que l’ouverture est prévu pour 2031.
« Ça va foutre un b… de tous les diables, dit Jacques, mais on s’en fout, on sera tous morts avant ! »
Cette chronique se devait d’être érotique, mais l’érotisme existe-t-il encore ?
C’est ainsi que les hommes vivent.
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