lundi 30 décembre 2024

Ce matin au kiosque 77 : Crashs, Commanche et Carter

 

Ceci sera la dernière chronique de l’année de « Ce matin au kiosque » ; autant dire qu’il va falloir que je me défonce !

Point météo : ciel gris et nuageux, sans pluie ni bruine, température fraîche sans être froide ; une journée d’hiver sans rien à redire (ça commence mal !).

J’ai terminé « Madelaine avant l’aube », Prix Goncourt des lycéens 2024. Pas convaincu. 

Avant de sortir, j’ai fait mes 30 km de vélo devant l’avant-dernier épisode de la série « Top of the lake » de Jane Campion, avec Elisabeth Moss en détective dans le decor sauvage et fabuleux d’un coin perdu de la Nouvelle-Zélande. Je recommande.

Douche (je veux dire : « je prends une douche », mais pour faire style, c’est juste « douche » qu’il faut écrire), puis en route pour la gare avec un petit détour à la chocolaterie pour prendre un ballotin pour JM.

Robert et Genevieve sont en pleine discussion à l’extérieur. J’irai les rejoindre après être passé au « magasin de presse ». 

JM connaît ces chocolats : il en a pris pour Noël pour le compagnon d’une de ses filles ; des rochers : une tuerie me dit-il. JM se fait proustien quand il veut.

Il m’apprend qu’il a parlé pendant une bonne demi-heure avec une cliente (mais il pense qu’elle ne repassera pas) et que j’ai raté quelque chose. Julie Depardieu ! Pas mal allumée, mais super sympa. Encore plus allumée que son compagnon, le Dionysos de la cérémonie d’ouverture des JO : Philippe Catherine ! Oui, j’ai peut-être raté de la matière pour mes chroniques. Peut-être pas : ici, règnent les gens ordinaires-extraordinaires ; et pas l’inverse…

Un client acquière le dernier Norek. Un roman et non un polar. A suivre.

Avec Robert, Genevieve et Jacqueline qui a rejoint la table sur le parvis, nous évoquons les crashs aériens de ces derniers jours. Les oiseaux dans le réacteur et ce mur de béton sans lequel l’avion aurait fini par s’immobiliser plutôt que de se fracasser et s’embraser. 2 rescapés, 2 miraculés. Je pense à la compagne de mon fils qui avait une phobie de l’avion et qui s’est envolée il y a 3 jours pour New-York : aurait-elle pris l’avion 48h plus tard ?

On me parle d’un photographe qui est venu prendre des photos de plusieurs personnes du groupe. Je me demande s’il s’agit du projet qu’il m’avait proposé d’illustrer le recueil des chroniques par ses photos. A suivre aussi.

Sophie et Paul nous rejoignent. Ils reviennent des restos du cœur. Sophie me remercie pour le tome 3 d’Apprentissage que je lui avais offert en le laissant à JM. Elle avoue ne pas encore l’avoir lu. Surtout ne pas trop lire de poèmes à la suite ! J’ai hâte d’avoir son commentaire.

Paul n’est pas très en forme. Il a froid alors que… (cf point météo du début).

Robert me demande quand est le prochain Goncourt. Au mois de novembre, sauf erreur. Ça vous laisse donc un peu de temps, me dit-il. C’est formidable d’avoir de tels supporters !

L’auteur de « La Saintonge sanglante » et d’un autre livre autobiographique évoquant son parcours à Courbevoie est arrivé avec son petit chien, lequel s’efforce de monter sur mes genoux. Il y parvient après que son maître m’ait confié sa laisse pour aller acheter le journal et un café.

Du coup, je pars en mode genre (remarquez mon vocabulaire hyper branché)  :  je donne des leçons de poésie en affirmant que le vers est « has been », comme si vous vouliez aujourd’hui peindre comme Rembrandt ou écrire des poèmes comme Verlaine. Insurpassables. Alors, il faut s’abstraire de la versification et des codes de la poésie classique. Fin de la leçon de ouf !

J’ai quand même quelques recommandations de BD à vous faire : « Revoir Comanche » et ses sublimes dessins, « Champs de bataille » sur le catastrophique remembrement des années 60-70, « Mies » pour les fanas d’architecture.

Que dire en conclusion de cet ultime bavardage pour 2024 : Jimmy Carter, tout benêt producteur de cacahouètes qu’il était vient de nous quitter centenaire et un Nobel dans son havresac ; François Bayrou, tout benêt premier ministre qu’il est, commente laborieusement les paysages dévastés de Mayotte ; Macron, tout benêt dissolutioneur d’assemblée nationale qu’il est, va-t-il réveillonner avec Mimi Marchand, Sardou et Sarko et son bracelet électronique ? Quant à moi-même, tout benêt écrivain de ces chroniques, je vous souhaite le moins pire pour 2025, « l’année de tous les dangers ». 

vendredi 27 décembre 2024

Le fantôme de l’architecte

Voici un recueil de 10 textes qui relatent les aventures mouvementées - et le plus souvent fatales - de projets émanant de grands noms de l’architecture tels que Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Zaha Hadid, Kenzo Tange ou Françis Kéré. C’est le plus souvent par une commande assez extraordinaire que débute chacune de ces « aventures ». Mais le ciel s’assombrit plus ou moins rapidement et un sort funeste (une crise financière, le décès de l’un des acteurs majeurs, un édile qui se fait remplacer, etc.) scelle le destin de ces projets qui ne verront jamais le jour ou, peut-être pire encore, seront construits puis démolis quelques années plus tard pour céder aux sirènes du profit capitaliste.

Parmi ces projets, il est difficile de ne pas être sensible à deux destins en particulier. Celui de la maison Chame-Chame à Salvador de Bahia de Lina Bo Bardi et du Hall of Nations à Delhi de Raj Rewal. Il s’agit de deux ensembles qui sont parvenus jusqu’au terme de leur construction. La maison Chame-Chame fera le bonheur de la famille Nogueira durant 20 ans mais elle devra se résoudre à la quitter sans avoir trouver de repreneur dans un quartier devenu avec le temps très densifié, dangereux et hostile. La maison sera détruite. Un immeuble banal sera édifié à son emplacement par un promoteur, banal également.

Le Hall of Nations, merveille d’ingénierie structurelle, sera livré aux démolisseurs en catimini, au petit matin et son architecte en pleurera…

« Le fantôme de l’architecte » est une petite merveille : Benjamin Leclercq, son auteur, parvient à nous faire partager au plus près des acteurs leur enthousiasme, leurs doutes, leurs angoisses, leur résignation, leur douleur.

A sa lecture, on pense à un recueil supplémentaire. Celui qui parlerait du projet de l’INALCO gagné par Christian de Portzamparc et annulé, du siège d’Apple Europe à Guyancourt, gagné par Valode & Pistre, et abandonné après la chute des actions d’Apple dans les années 2000, de la Tour Phare à La Défense de Morphosis vaincue par son coût faramineux et remplacée par les Tours Sisters (de C. de Portzamparc encore) qui ne verront pas non plus le jour, du CCIP (Centre de Conférences International de Paris) de Francis Soler abandonné 5 ans après avoir été choisi par François Mitterand, du siège de Sandoz de l’architecte Zerfhuss, à Rueil-Malmaison, démoli dans l’indifférence générale, mais aussi ailleurs, le Musée de Berlin (Topologie de la terreur ) de Zumthor, abandonné, le Guggenheim d’Helsinki gagné par l’agence française Moreau-Kozunoki, jamais engagé, le « Veles e Vents » en déshérence de David Chipperfield à Valence, les installations olympiques désertes d’Athenes ou de Pekin, etc.

Et si l’architecture, parfois, comme l’enfer, était pavé de « bonnes intentions » ?

lundi 16 décembre 2024

Ce matin au kiosque 76 : Crachin, Mayotte, tourisme aerien et dérèglement climatique, les rats de Becon

Le redoux qu’accompagne un léger crachin plutôt agréable, incite les oiseaux à chanter. Imaginent-ils que c’est déjà le Printemps ? J’ai cru distinguer dans les vocalises d’un merle un constat qu’il partageait sans doute avec l’un de ses confrères (peut-être une consœur ?) : « y’a plus d’ saison ! ». 

J’ignore si c’est ce que se disent certains Maoris devant le désastre dû au passage du cyclone Chido sur leur île. Il est très probable que non. Mais, existera-t-il encore des climatosceptiques à Mayotte quand sera venu le temps de la réflexion, après celui de l’urgence ? Comme, en reste-t-il, parmi les habitants de la région de Valence pour mettre l’autre apocalypse qu’ils ont vécu sur le dos de la fatalité ou bien d’une punition du ciel, plutôt que sur les effets du dérèglement climatique sur lesquels des scientifiques sérieux nous alertent depuis des dizaines d’années ? Vraisemblablement. 

Dans un documentaire édifiant sur Mussolini (FR4), on peut voir à un moment le visage d’un très jeune phalangiste, hilare, arborant un bandeau autour de la tête avec, inscrit dessus en italien : « Je m’en fous ! » Pauvre gamin stupide dont le fantôme, bien en chair et en os, traîne aujourd’hui sa haine sur tous les continents. 

L’industrie du tourisme par avion a beau être pointée du doigt comme participant de manière inquiétante par sa croissance à l’émission de CO2, et donc contributrice du dérèglement climatique, on continue à augmenter la capacité du transport aérien ! 

Autre sujet : les rats de la gare de Bécon. Ils sont toute une famille dont le nid est au pied d’un arbre, le plus près des portes coulissantes d’accès au hall. Curieux pour ces animaux craintifs de s’être installés là, ce qui les oblige à faire des allers et retours incessants entre la surface et sous terre du fait de la fréquentation de la gare. L’autre jour, j’en ai vu trois qui pratiquaient cet exercice. Viennent-ils s’approvisionner à l’intérieur de la gare la nuit ? 

C’est un « Ce matin au kiosque » hors les murs. J’écris en effet ces lignes depuis mon île où j’ai pu admirer un très beau coucher de soleil sur la mer avec, comme toujours, une féerie de couleurs. Mieux que Turner, mieux que tous les grands maîtres du monde.

dimanche 15 décembre 2024

Ce matin au kiosque 75 : Un froid de gueux et la police municipale

Ça y est : le froid de gueux s’est invité, sans la complicité ni d’un vent fripon (forcément fripon), ni d’un grésil assassin. Tout seul, comme un grand. Il prend ses aises, fait comme chez lui. « Il y a un enfoiré qui a invité ce froid de gueux à faire le malin dans cette chronique ? » Qu’il lève la main ! Encore un poète, probablement…

Paul est seul à la terrasse du parvis, emmitouflé comme un combattant sur le front du Dombass. L’antre de Jean-Michel baigne dans une douceur de crèche ; celle de l’Enfant-Jesus (vous en connaissez d’autres ?), sans le bœuf et l’âne, mais avec le souffle chaud d’un ventilo-convecteur qui prend soin du crâne dégarni du St Joseph des Relais H (H comme Haschich ?).

Sophie et Genevieve font la queue. Sophie arbore un bonnet en laine rose de forme conique coiffé d’un gros pompon et Genevieve pousse une petite chansonnette du temps jadis (ah ! Les dames du temps jadis… mais où sont les neiges d’antan ?). 

Nous nous claquons la bise et Sophie tient absolument à m’offrir mon petit café. Cette femme est d’une gentillesse et d’une attention rare (elle a une qualité supplémentaire : elle a adoré Abuelo). Exemple : nous avions parlé il y une dizaine de jours de mes petits-enfants et de leur goût pour la lecture ; et bien, Sophie m’a apporté avant-hier 3 petits livres pour eux.

Sur ces entrefaites, je croise et salue le Marseillais qui arbore des chaussures de sport toutes neuves dans lesquelles il sent ses orteils un peu à l’étroit, mais dont les semelles sont comme des ressorts. « J’ai l’impression puté que quand je marche, con, je fais des bonds et que même l’attraction terrestre elle n’existe plus ». Ah ! Marseille…

Francois que j’avais repéré tout à l’heure, assis, seul, sur un banc du parvis, est venu nous rejoindre aux tables de la terrasse. Nous parlions de Madame Claude. Les maisons closes auraient-elle dû ne pas être fermées ? Posée comme ça, la question est absurde : comment des maisons closes avaient-elles pu rester ouvertes ? (Je ne sais pas si Raymond Devos a réfléchi à cette histoire). En tout cas, Gilles en est convaincu (qu’il aurait fallu éviter de les fermer). Une histoire de fou.

C’est la 2eme apparition de François dans le décor de ces lignes. Francois est intelligent, sensible, généreux (probablement), mais François, on le voit à sa bouche orpheline, aux rides qui parlent sur son visage, à ses mains abîmées, François - est-ce que je me trompe ? - la vie ne t’a pas épargné. La vie, ça doit cogner, parfois. Il blague, il raconte tout un tas de choses, dit « vous » quand il pourrait dire « tu », dit « Monsieur » quand il pourrait m’appeler par mon prénom. François fait des petits jobs à droite ou à gauche. C’est sans doute « François la démerde ». Il a fait dans la fringue et il fait aujourd’hui dans la déco des vitrines en regrettant qu’il n’y ait pas plusieurs noëls dans l’année. Il parle business et je lui dis qu’on recherche en ce moment un ministre des finances. « Surtout pas : j’ai pas envie de bosser tout les jours ! », dit-il en se marrant.

Même les flics veulent figurer dans ces chroniques ! La preuve : une voiture de la police municipale s’arrête devant le kiosque, une jeune femme en uniforme  s’en extrait, elle vient vers notre groupe (ça y est : ils m’ont retrouvé !). François crie « j’vous jure que j’ai rien fait ! », en éclatant de rire, lequel rire ricoche sur la flic qui rigole à son tour… Il y a des gens qui font des ricochets dans l’eau avec des cailloux, ils feraient mieux de faire des ricochets dans l’air avec des rires… 

Quelqu’un menace la représentante des forces du désordre de mettre un PV pour stationnement gênant. Elle réplique que tant qu’on la met pas à la fourrière !

Elle est allée chercher son journal. Et là j’en déduis que les flics savent lire ! On n’arrête pas le progrès. Magnifique ! (Je deconne).

C’est ainsi que les hommes vivent

vendredi 13 décembre 2024

Ce matin au kiosque 74 : Photographe, auteur déçu et connexions improbables

J’avais un rendez-vous ce matin à 10H30 au kiosque. J’arrive pile à l’heure et mon interlocuteur est déjà là. Nous nous saluons sous l’égide du passeur. Après quelques échanges au chaud, nous rejoignons la terrasse frigorifiée. 

L’homme qui s’assoit en face de moi pratique la photographie et serait intéressé par illustrer un recueil de mes chroniques par des photos. Pourquoi pas, l’idée est intéressante, mais je doute un peu de la possibilité de trouver un éditeur de qualité. Par ailleurs, il partage cette idée que ce lieu présente une certaine importance en termes de sociabilité. Pour lui, c’est un projet qui a du sens.

Il va aller consulter mon blog et les chroniques pour mieux prendre la mesure de leur contenu. Nous nous tiendrons au courant.

Je passe ensuite à la table où s’est installé JPR, l’auteur d’un livre autobiographique dans lequel il évoque sa vie à Courbevoie, en particulier son combat pour sauver la MJC ; livre dont il m’avait prêté un exemplaire. Il me reproche (à juste titre) de ne pas lui avoir fait de retour. Il me parle de la difficulté d’être présenté dans les librairies quand vous n’êtes pas attelé à une maison d’édition référencée. Je connais. Point positif : la belle librairie de Saintes (Peiro Caillaud ?) lui a pris un certain nombre d’exemplaires de ses livres. 

Entre temps, Robert est arrivé. Il s’est installée avec Genevieve qui est seule. Où sont les autres membres de la tribu des habitués ? Gilles est passé, mais il est déjà reparti avant que j’aie fini mes deux premiers échanges. Il faut que je vois Robert car nous avons probablement, par le plus grand des hasards, un ami commun en la personne de Patrice Novarina, architecte, écrivain et artiste. Banco, le Robert que m’avait décrit Patrice est bien l’homme que j’ai en face de moi et qui est ravi de la perspective d’une reprise de contact avec son vieil ami.

Je repense à cette règles des 6 mains qui consiste à affirmer que nous sommes reliés à n’importe quel individu de la planète via guère plus de 6 contacts. 

Hier soir, nous avions notre dernier dîner de l’année du « cercle littéraire » que j’anime depuis 15 ans maintenant. Au programme : « Jour de ressac » de Maylis de Kerangal sur lequel les avis ont été très partagés. Chacun (nous étions 15) a également évoqué les livres récents que nous pourrions recommander. Une mine ! Vous voulez savoir quels livres j’ai mis en avant ? « Déluge » de Stefen Markley, « Vous êtes l’amour malheureux du führer » de Jean-Noë Orengo, « Le chaos qui vient » de Peter Turchin, « Cabane » d’Abel Quentin, « Pessoa l’intranquille » (une BD) et « Le paradis des perdantes » de Jean-Pierre Perrin, (superbe polar que j’ai recommandé à JM).

jeudi 12 décembre 2024

Ce matin au kiosque 73 : Apparitions fugaces, vins et polar

Un froid de gueux serait exagéré. Mais quand même. Pas de kiosque ce jour ou, plutôt, pas de salon de discussions sur le parvis pour cause de rendez-vous de l’autre côté de Paris. De retour, je fais une halte rapide chez Jean-Michel. Il me présente Joe (c’est un nom d’emprunt afin de conserver l’anonymat des personnages), un homme aux cheveux blancs, visage régulier et sympathique. Joe est fin gastronome et amateur éclairé de vins. Il y a pire carte de visite. Il hésite à engager la conversation avec moi au prétexte que nous ne nous connaissons pas. Je le mets à l’aise en le complimentant pour ses activités favorites. A trois avec JM nous évoquons Givry, Beychevelle et Bourgueil, mes déconvenues avec Beychevelle et mes échanges épistolaires avec le directeur de cette très belle maison du vignoble St Julien.

Je conseille à JM, amateur de polar, « Le Paradis des perdantes » de Jean-Pierre Perrin que j’ai lu d’une traite. Formidable. Pas certain que l’auteur puisse obtenir à l’avenir des visas pour certains pays du Moyen-Orient. Le roman se passe au « Royaume des deux mers » - entendez certainement le Qatar - avec quelques incursions en Arabie Saoudite. Les descriptions, tant de l’architecture que des familles régnantes et de leurs affidés, n’invitent pas vraiment au voyage. Perrin a par ailleurs des formules pour décrire les lieux et les personnages qui sont percutantes et non dénuées d’humour (à se plier en deux). 

Perrin est non seulement un excellent auteur de polar, mais un très bon journaliste qui écrit dans Libé et dans Mediapart sur les sujets du Moyen-Orient, et en particulier sur les récents événements en Syrie.

mardi 10 décembre 2024

Ce matin au kiosque 72 : Dress-codes et bicyclette

Frais, il fait frais ce matin, mais l’atmosphère est moins détrempé qu’hier ce qui, en langage plus courant, signifie qu’il ne pleut pas. Bien sûr, ce serait mieux si cette introduction météo vous était livrée par une jeune femme à la plastique parfaite devant une carte de France sur laquelle les nuages se déplacent, synchro, comme une sorte de ballet magique.    
Avant d'entrer dans le vif du sujet : ne pensez-vous pas que la vitesse actuelle de déclenchement des événements dans le monde est proprement sidérante ? En tout cas, elle contraste avec la morne stabilité qui règne dans les rues de Bécon ; une « mornitude, » amplifiée certainement par le fait que nous sommes lundi. 

A la terrasse du kiosque, les dossiers des chaises sont encore appuyés aux tables, ce qui signifie, avec un minimum de perspicacité, qu’aucun client n’a encore poussé le vice jusqu'à s’asseoir dehors. 

Jean-Michel met volontairement un peu de temps avant de considérer ma présence, les yeux rivés sur son écran de caisse ; un peu comme un patron qui a choisi la chaise de son bureau - celle réservée à ceux qu’il a convoqués - inconfortable et avec une assise bien basse, quand lui carre son postérieur dans un fauteuil en cuir plus haut et bien épais. 

Une cliente qui m’a précédé témoigne d’une indignation face au 10 centimes d’augmentation du prix de son magazine de téloche. Elle trouve ces augmentations insupportables, incrimine la fameuse (et célèbre) mafia des commerçants et jusqu’aux journalistes qui s’en foutent plein les fouilles. C’est un scandale et on le lui fait pas à elle qui me prend à témoin parce que je passais par là (ça peut être dangereux d'être pris à témoin dans de pareils cas, mais, après avoir vérifié que cette dame ne tient pas une batte de baseball à la main ou une kalachnikov en bandoulière, j'ose contester son propos... mais du bout des lèvres, rassurez vous). 

Après son départ, Jean-Michel - qui a enfin daigné lever sur moi son regard dubitatif - m’indique qu’elle, c’est son truc : elle est toujours en train de râler. 

C’est ensuite le tour d’un homme aux golfes bien encaissés, vêtu comme un catho intégriste (Barbour usagé, chemise unicolore et pull en V défraîchi, pantalon en velours et Paraboots). Eh oui, il y a comme ça des dress-codes selon les communautés. Le pull en V sur les épaules trahit le NAP ; on peut se tromper avec du Fred Perry mais il faut alors considérer la coupe de cheveux : entre le facho et l’antifa, théoriquement, il y a des différences : la « coupe Heichman » caractérise souvent le premier ; il y a le jean troué qui veut jouer une certaine décontraction mais qui n’est pas opposé au port du sac Vuitton, souvent porté par ceux qui rêvent du retour de Sarko, etc. 

Jean-Michel a condamné la sortie « théorique » car les sautes d’humeur du vent lui rabattent les feuilles des arbres dans son magasin. « Et après, qui c’est qui doit balayer les feuilles ? c’est bibi ! » Les feuilles qu’on ramasse à la pelle…

Et puis entre une dame qui fait constater à l’entourage (qui se résume à moi-seul) et avec un petit sourire aux lèvres, combien cet homme (Jean-Michel) peut être désagréable. Petite joute matinale taquine.

Bon, j’ai quand même eu droit à mon café (moyennant 1,30€, bien sûr).

Un couple s’approche de la caisse (sans crier gare !). Des retraités (se méfier). De nouveau un échange de blagues sur la mauvaise humeur du passeur (on est rassurés). L’homme, très grand, fait à plusieurs reprises allusion à l’activité sportive, se moquant du peu d’appétence du passeur pour le sport (je l'ignorais). « Vous êtes un ancien sportif de haut niveau ?" Jean-Michel, qui m’a entendu poser cette question faussement naïve, m’interpelle : « du vélo ! tu ne l’as jamais vu déguisé en cycliste avec son short moulant ? » Ça s’appelle élégamment un moule-bite si mes connaissances dans le domaine sont justes. L’homme en question m’avoue (sans aucune torture) qu’il roule régulièrement autour de Longchamp et sur les routes de campagne. Je l’interromps immédiatement : danger ! Je connais au moins 2 personnes qui ont eu de très graves accidents sur des routes de campagne. Et puis, à Longchamp, les gens ne roulent-ils pas comme des fous ? "Oh, des accidents, j’en ai eu", me répond ce monsieur. C’est les risques du métier. Et puis à Longchamp, si on se blesse on va directement (« au Père-Lachaise ! » intervient Jean-Michel), à l’hôpital tout proche rectifie l’amateur de clavicule brisée.

Sur ce, Guy, un autre cycliste impénitent, une sorte de centaure qui aurait troqué son cheval pour un vélo tant on me dit qu’il ne quitte jamais sa « petite reine », a rejoint le couple et ça cause dérailleurs, cadres, pignons et pouces de chambre à air. Trop technique pour moi, même si j’ai fait mes 25 km de vélo ce matin, mais devant ma télé, en regardant le dernier épisode d’une série espagnole sur ARTE plutôt pas mal : La Mesias.

Et à cette heure et par ce temps, il n’y a toujours pas l’ombre d’un-e habitué-e sur la terrasse. Tout fout l’camp !

C’est ainsi que les hommes vivent.

dimanche 8 décembre 2024

Ce matin au kiosque 71 : de Castelbajac, Madame Claude et une antonomase

Il pleut, il pleut, mais aucune bergère et aucun mouton dans les rues de Bécon. Les caniveaux n’en peuvent plus de bosser. Dimanche, jour du Seigneur ; les cloches de l’église Saint-Maurice paraissent sonner le glas tant l’atmosphère est plombé. Au bout de l’avenue Séverine (une petite rue qui se pousse du col et qui conduit à la gare), j’aperçois les lumières du kiosque. Et je distingue quelques silhouettes attablées. Même le dimanche ! Qui donc bravent ainsi les intempéries et le repos dominical ? Jacqueline, Christiane, Sophie, Jacques et Paul avec Utah. 
Après les avoir rejoints, je reste debout sous mon parapluie et j’attends quelques commentaires sur la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris d’hier soir. Il me semble que c’est le sujet qui devrait s’imposer. Mais il faut que je les sollicite pour grappiller des bribes d’avis, sans emballements, c’est le moins qu’on puisse dire. J’ai l’impression que seules Jacqueline et Chistiane ont regardé la retransmission. Jacques revendique un « certainement pas ! » et Paul dit qu’il a changé de chaîne. Jacqueline a trouvé la cérémonie particulièrement longue, mais les chasubles des officiants à son goût (contrairement à Christiane qui n’aime pas cette création de Castelbajac avec ses petits airs mondrianesques). Bref, je n’en saurai pas plus. 
Faut-il que je crois le sms qu’une de mes amies a posté hier soir disant qu’elle avait trouvé la cérémonie « insupportable, à vomir » ? Fichtre !

J’avais oublié dans une précédente chronique de vous informer que Jacques m’avait avoué avoir connu Madame Claude, du temps où il était régisseur. Je n’ai pas saisi le lien entre ses activités d’alors et cette dame. Avait-il servi de chauffeurs pour un client ? Il m’a assuré, qu’il était payé en cash (et non en nature) ; très probablement sur les 30% qu’elle prélevait sur les « travaux » de ses pensionnaires. Mais pour les plus jeunes lecteurs, il est peut-être indispensable de livrer quelques explications. Madame Claude, de son vrai nom Fernande Grudet, est célèbre pour avoir été à la tête, dans les années 60-70, d’un réseau employant jusqu’à 500 prostituées dont les clients étaient le plus souvent des personnalités politiques ou des notables de haut rang. C’est sous Giscard que le réseau de Madame Claude fut démantelé. Après avoir tenté d’échapper à la justice en partant en Suisse puis aux USA, fait un séjour en prison à son retour en France, puis tentée de revenir à ses occupations antérieures, elle est à nouveau condamnée. Elle finira sa vie, recluse, dans un petit appartement sur la Côte d’Azur où elle mourra en 2015. « C’est ça qu’est triste » aurait chanté Bourvil. J’ai appris (et comme je ne suis pas égoïste, je vous en fait profiter) que « Madame Claude » correspond à ce que l’on appelle en langue française une antonomase, c’est à dire un nom propre utilisé pour désigner un nom commun (dans ce cas, une maquerelle). Une antonomase commune est « frigidaire ».

Il ne sera pas dit que vous n’aurez rien appris !

samedi 7 décembre 2024

Ce matin au kiosque 70 : En fanfare, Claude Parent et le Domaine de la Chevalerie

Quelques rafales de vent m’accompagnent sur le chemin vers la gare. Elles finissent de déplumer les arbres dont les feuilles jaunes, or et rouille jonchent les trottoirs et s’affolent sur mes pas. Ces arbres semblent sortis tout droit d’un tableau de Corot. 

Il est encore trop tôt pour que l’un, l’une ou l’autre des habitués ait pris ses quartiers du matin à la terrasse du kiosque. 

Jean-Michel est à son poste, bien sûr, tel le pacha d’un navire ancré en rade de Bécon-sur-Mer.

« Je suis allé voir « En fanfare » hier. Je te le recommande. »

« Vous foutez vraiment rien, vous les retraités ; tous les soirs au cinéma ! », me lance-t-il avec son air faussement bougon qui décourage les non-habitués encalminés au 1er degré.

« J’ai même pleuré ! », je rajoute. « T’es un pleurnichard, toi », me dit-il. 


C’est vrai, un pleurnichard. Ça me fait penser à Claude Parent (un ami architecte qui présentait l’originalité d’être iconoclaste et académicien, et apologiste de la « fonction oblique ») qui m’avait avoué être un « pétochard ». Et c’est la raison pour laquelle, imaginant qu’un jour futur les beaux quartiers puissent être assaillis et vandalisés par des hordes de migrants, il proposait de réserver pour leurs déplacements les grands axes de circulation - désormais obsolètes car on en aurait alors fini de la civilisation de la voiture. Et c’est pourquoi, une série de ses dessins dystopiques représentaient des autoroutes se déployant dans l’espace comme des volutes de cigare, noires d’une foule d’individus parcourant le monde sur le territoire restreint, bitumineux, des bandes de circulation routières. Tous les 50 km, il était prévu des zones aménagées, réservées à cette population nouvelle de « gens du voyage ». Claude était un personnage étonnant. Une référence pour un certain nombre de « starchitectes » de notre époque ; un théoricien, avec son complice le philosophe Paul Virillio, de « l’esthétique du bunker » ; un architecte non diplômé (sauf erreur) qui était parvenu à convaincre les polytechniciens d’EDF qu’une centrale nucléaire pouvait et devait être une œuvre architecturale ; un dandy qui arborait de magnifiques rouflaquettes grisonnantes au volant d’une Rolls-Royce ou d’une Lamborghini et ce, jusqu’au seuil du bungalow de chantier.


J’ai fait ce matin la connaissance de la fleuriste de la place de la gare que Jean-Michel appelle de son prénom. Il paraît que les fleurs se vendent encore bien. Jadis, quand nous habitions à Boulogne, il m’arrivait presque chaque semaine d’acheter un bouquet de fleurs blanches au « Camélia Blanc », un fleuriste qui ne proposait, précisément, que des fleurs blanches. Je vieillis. 


Le jeune caviste de Mille & Zim est venu boire un petit café. Nous avions échangé ici-même, il y a quelques temps, sur des producteurs et je me souviens à présent que je lui avais vanté le Bourgueil du Domaine de la Chevalerie, sans avoir été foutu alors de me rappeler son nom. Cette fois-ci, la mémoire m’est revenue. Il connaît ce domaine et me confirme la qualité de sa production. Jean-Michel nous confie qu’il a fait rentrer du Givry ; un vin de la Côte châlonnaise précise l’œnologue, dont « le bouquet évoque en général la violette, la fraise, la mûre, avec des variations réglissées, des accents giboyeux, d’épices (clou de girofle) », si j’en crois le site des vins de Bourgogne.


Avant de quitter Jean-Michel, je lui dis que j’ai pu constater qu’il s’agitait de manière satisfaisante à son piano ; je ferai donc un rapport positif à un dénommé Bolloré ; on arrondit ses fins de mois comme on peut…

vendredi 6 décembre 2024

Ce matin au kiosque 69 : Henri Salvador, Ray-Ban et « cri du lynx »

Après la pluie, le beau temps. La terrasse du kiosque baigne dans une lumière quasi printanière et le ciel est décoiffé de cirrus.

Jacques a chaussé sa nouvelle paire de lunettes de soleil (Ray-Ban, mais un modèle moins « amerloque » que celle de Sarko, McMacron ou Biden). Amélie nous rejoint. Elle me complimente sur ma Barbour et ne tarit pas d’éloges pour les lunettes de Jacques. J’ai remarqué qu’elle était très observatrice des attributs vestimentaires. Elle me demande si j’ai regardé Macron hier. Je lui réponds que non ; c’était l’heure de mon whisky du soir (un excellent Nikka Coffey Malt) et puis, l’ex associé gérant de Rothschild a dû encore servir une leçon de vertus républicaines dont lui seul éprouve la profondeur et la justesse ("c’est terrible comme vous pouvez être c… mes chers compatriotes !").

Je lui ai parlé whisky et elle enchaîne sur le pineau, un apéritif qu’elle aime particulièrement. Il faudra que je pense à lui en faire goûter du familial (excellent au demeurant).

Christiane et Sophir se sont installées à notre table. La première semble particulièrement en verve. Elle revient sur Hülya, le prénom de cette femme turque célèbre dont nous avons parlé hier et au sujet de laquelle elle est allée se renseigner. Elle fut Miss Turquie, dispose effectivement d’une célébrité certaine et plusieurs générations de turcs la connaissent bien, mais surtout, Christiane nous confie qu’elle a eu une vie amoureuse « tumultueuse » et qu’elle ne détestait pas les hommes riches. La voilà habillée pour l’hiver ! Quoiqu’il en soit, il faut reconnaître qu’elle était très belle. Je montre sa photo à Jacques et Amélie. « Elle n’est pas seulement belle, elle est sublime ! » disent-ils. Christiane ajoute qu’elle a des yeux d’un bleu magnifique. Il faudrait songer à la faire venir à Bécon. Je vais en parler à notre passeur.

Je fais remarquer que j’ai croisé hier, au comptoir de Jean-Michel, une très belle Moldave. J’avoue - et je déclenche la risée du public - que je ne plaçais pas précisément la Moldavie sur la carte de l’Europe. Christiane me tacle aussitôt en me demandant si je regarde les infos de temps en temps. C’est le troisième tacle de la matinée après ceux de Jean-Michel qui était sorti fumer une cigarette tout en chantant :

« Ah, c'qu'on est bien quand on est dans son bain

On fait des grosses bulles, on joue au sous-marin

Ah, c'qu'on est bien quand on est dans son bain

On chante sous la mousse pour les voisins. »

Et là, un trou. Je ne me souviens plus de l’auteur de la chanson. La honte ! « Henri Salvador, bien sûr », me sortent les deux complices et Jean-Michel d’enchérir : « il a de grosses lacunes ; quand c’est de l’architecture alors il étale, mais le reste, il a un paquet de lacunes ! »

Jacques ajoute : « Un bonhomme pas très sympathique qui n’a jamais voulu reconnaître son fils ! » (Il ne parle pas de moi, mais de Salvador ; cette précision afin qu'il n'y ait pas de malentendus...). J’apprends enfin que Jean-Marie Périer (le photographe) avait été adopté par François Périer (l'acteur) bien qu’il eut su que l’enfant qu’attendait sa compagne était d’Henri Salvador. Je n’avais jamais fait le lien entre Jean-Marie et François. La honte (à nouveau). Pour tenter de me trouver une excuse, je proclame que je ne lis ni « Voici » ni « Closer ». 

Eh bien voilà : une belle petite leçon d’humilité !

Je raconte à Jacques la soirée somptueuse organisée par une grande entreprise de BTP pour la fin des travaux d’un bout d’immeuble situé Place Vendôme, à proximité de l’appartement d’Henri Salvador. La veuve du chanteur exotique au rire dévastateur n’avait pas cessé de se plaindre du bruit du chantier. Pour tenter de se faire pardonner, l’entreprise l’avait invitée à cette fête dans les locaux rénovés (pour LVMH) avec concert et buffet grandiose (défiscalisés probablement).

Christiane débrief, pour Jacques qui ne l’a pas entendu, la réunion d’information au sujet de la future gare de Bécon du Grand Paris Express. Et là, je m’aperçois que j’ai omis hier de mentionner le « cri du lynx ». C’est quoi ? Eh bien, pour ceux qui l’ignoreraient, il s’agit du son que les camions vont devoir émettre en manœuvrant à la place de l’espèce de bip-bip-bip… Très probablement donc, un miaulement, à moins que le chauffeur, agressif, fasse émettre un feulement, un grognement ou un sifflement (mais seulement en période de reproduction).

Christiane précise encore qu’il y aura une ferme sur le toit de la future station depuis lequel on pourra admirer le « panorama » (rires), que le flux journalier des passagers est évalué à 55 000 et enfin que l’ouverture est prévu pour 2031. 

« Ça va foutre un b… de tous les diables, dit Jacques, mais on s’en fout, on sera tous morts avant ! »

Cette chronique se devait d’être érotique, mais l’érotisme existe-t-il encore ?

C’est ainsi que les hommes vivent.

jeudi 5 décembre 2024

Ce matin au kiosque 68 : Tschumi, les ingénieurs ingénieux, le Grand Paris Express, des souris (et des hommes), la Moldavie

Un vilain crachin s’est invité ce matin dans l’espace béconnais. Un petit temps de cochon (à ne pas confondre avec un temps de petit cochon… subtilité de la langue française !). Sur le parvis, seuls Jacques et Sophie. J’oublie Utah que son maître a habillé d’un petit manteau ajusté d’un bleu clair s’accordant magnifiquement au noir astrakan de ses poils. Lequel maître a troqué ses attributs vestimentaires habituels façon biker par un ensemble kaki de gentleman-farmer prêt à tirer la caille ou la bécasse (n’y voyez aucune allusion hors du champ cynégétique…). Genevieve nous rejoint.

On évacue rapidement les soubresauts de la politique française tout en se délectant de la proposition de notre Ségolène nationale qui a fait savoir à Macron qu’elle était disponible pour le poste de Premier ministre ; un peu d’humour dans cette grisaille (merci Mme Chabichou). Genevieve évoque un sujet qui, apparemment, n’a rien à voir avec Ségolène (encore que), l’histoire du collier de la reine Marie-Antoinette. Vous vous souvenez ? Moi non plus. On rafraîchit. Le Cardinal de Rohan qui veut rentrer en grâce auprès de la reine se fait entourlouper par une escroc, Mme de La Motte. Celle-ci, avec ses complices, monte un stratagème dans lequel le Cardinal de Rohan (amant de Mme de la Motte) remet le collier une nuit dans un bosquet à une prostituée, sosie de la reine. La fine équipe disparait avec le collier (650 diamants, 2800 carats) qu’elle parvient à revendre à Londres et à Paris. Les bijoutiers réclament l’argent à la reine qui découvre alors la supercherie et fait arrêter Rohan. La Motte et ses complices seront arrêtés plus tard et elle sera marquée d’un V au fer rouge signifiant voleuse. Rohan sera acquitté. L’histoire de Mme de la Motte mériterait une chronique à elle-seule, mais elle ne fréquente pas le kiosque !

Hier, j’étais invité sous la Coupole, non pour mon intronisation, mais pour la remise du prix d’architecture de l’Academie des Beaux-arts à l’architecte Bernard Tschumi (80 ans), l’auteur du parc de la Villette et de ses « folies » d’un rouge pompier (ce n’est pas péjoratif). J’ai travaillé avec Bernard sur 2 projets : le Zoo de Vincennes et le Zénith de Rouen. Ce dernier, que je considère comme l’un des plus beaux (sinon le plus beau) projet de Bernard, nous l’avons gagné en 1998. Diable : au siècle dernier et il y a plus de 25 ans ! Ce concours fut pour moi l’occasion de rencontrer une autre personne remarquable : l’architecte et ingénieur Hugh Dutton qui travaillait dans les locaux de l’agence Tschumi et qui faisait toutes les conceptions structurelles et de façade des projet de Bernard. Hugh fut l’un des bras droit d’un autre éminent ingénieur, Peter Rice - disparu trop tôt à l’âge de 57 ans -, l’un des co-concepteurs avec Renzo Piano et Richard Rogers du Centre Pompidou. Si vous voulez vous rendre compte du talent de Hugh, je vous invite à vous rendre à l’Hotel de la Marine, Place de la Concorde. Il y a une cour couverte par une verrière de toute beauté imaginée par Hugh. C’est lui qui a aussi conçu le curieux cordon métallique façon Paco Rabanne de la Philharmonie de Paris. On ne parle souvent que des architectes (les « starchitectes ») quand on évoque les projets de construction exceptionnels, mais il faut rendre également hommage aux quelques ingénieurs ingénieux qui procurent une réalité constructive à l’ambition plastique et spatiale de l’architecte.

Je retiens des paroles de Tshumi cette affirmation que « le contexte et le concept créent une poétique. »

Il sera dit que cette chronique sera placée pour l’essentiel sous le sceau de la construction. En effet, Chistiane nous fait un résumé d’une réunion d’information au sujet de la future gare de Courbevoie du Grand Paris Express. Celle-ci sera l’œuvre de l’architecte Jean-Paul Viguier (78 ans), l’auteur, entre autre choses, des tours Cœur Défense (2001) et Majunga (2014) à La Défense. Au cours du speech de Christiane, j’apprends par JM qu’au moment des terrassements pour la future gare, tout le quartier a été évacué car une bombe datant de la 2nde guerre mondiale avait été exhumée, que lors des travaux d’aménagement de la gare actuelle, la suspension des travaux pour cause de défaillance de l’entreprise de carrelage, avait entraîné une invasion de souris qui avait nécessité de mettre « sous cloches » toutes les denrées alimentaires du kiosque, que JM avait placé des tapis collants pour piéger les souris et, enfin, qu’il me ferait des vidéos des gros rats et de leur progéniture qui se baladent aux alentours de la gare. Je me suis permis d’émettre des critiques quant à la cruauté des dispositifs de piégeage des souris. Sophie a ajouté qu’au dépôt des Restos du Cœur qu’elle gère, les souris attaquent les boites de lait. Et si l’avenir, quand la race humaine se sera auto-détruite, n’était pas le règne des souris ? La planète des souris : moins vendeur que la Planète des singes.

Une jeune femme blonde demande un café à JM. Elle a un accent chantant aux intonations un peu slave (sous toute réserve). Je me permets de l’interroger sur son origine. Moldavie, me répond-elle avec un très beau sourire. Et comme j’ai bien envie de profiter encore de son sourire, je lui dis : « Comment peut-on être Moldave ? Oui, comme Montesquieu qui, dans les Lettres Persanes, se moque des parisiens en leur faisant dire : « Comment peut-on être Persan ? » », où perce (c’est le cas de le dire) la bêtise du parisien moyen de l’époque (début 18eme), laquelle n’a plus rien à voir avec la notre …

Mais où se trouve la Moldavie ? Le Sceptre d’Ottokar ? Non, là c’était la Syldavie, autrement dit la Roumanie. Elle me dit que la Moldavie est un petit pays enclavé entre l’Ukraine et la Roumanie. Quelques consultations plus tard, je peux vous affirmer que la capitale de la Moldavie est Chisinau située à une centaine de kilomètres au nord-ouest d’Odessa, que le nombre d’habitants est d’environ 2,7 millions, que c’est une république parlementaire indépendante (de l’URSS) depuis 1991, et que son histoire est compliquée entre les occupations soviétiques, les colonisations et les déportations, le découpage du territoire avec la Transnistrie (sessessioniste), la Gagouazie (autonome), les pro-européens et les pro-russes… une région explosive (une de plus). A noter que la Moldavie est le pays le plus pauvre d’Europe, ce qui a pour conséquence une très forte expropriation ; laquelle touche même Bécon les Bruyères (pour notre plus grand bonheur) ; c’est dire !

C’est ainsi que vivent les hommes !