lundi 25 novembre 2024

Ce matin au kiosque 61 : La nef des fous

Il pleut sur Becon. Un faux temps de novembre car, si la pluie détrempe les amas de feuilles jaunies qui jonchent les trottoirs du quartier des maisons bourgeoises, la température est plutôt douce pour la saison. Je rejoins le kiosque à l’abri de mon parapluie. J’avais laissé samedi Jean-Michel en mauvaise forme. Je l’interroge sur son état physique (à défaut de m’inquiéter de son état mental) : pas brillant et tout le week-end au lit. Mais, ce matin, il est fidèle au poste ; ses étagères affichent les dernières productions du monde selon Bolloré. Une dame s’enquiert de la disponibilité de « Londres » de Céline. Négatif. Je m’autorise à lui dire qu’elle peut s’en passer. Et pourtant, elle a entendu tellement d’éloges sur le bouquin ! JM lui dit qu’il y a mieux en magasin en désignant « Abuelo » et en appuyant sur le fait que l’auteur est ici présent. Comment dit-on ? C’est comme s’il avait pissé dans un violon ? Rien de grave. Ma susceptibilité d’écrivain incompris s’est émoussée au fil du temps.

JM a été cambriolé le 10 novembre. Il me montre sur son smartphone les photos de son intérieur mis à sac. Sept coups de tournevis ont été repérés sur la serrure de l’arrière du logement. Ce sont les bijoux de sa campagne qui « ont pris chers » (comme on dit à présent). Ils étaient partis à Orléans fêter les 90 ans de leur oncle. Le chien était resté à l’intérieur et un voisin devait venir dans l’après-midi pour le sortir. Quand il est venu, le chien était dehors. Le voisin a cru qu’ils étaient dans la maison. Quand JM et sa compagne sont rentrés d’Orleans, ils ont été surpris de voir le chien dehors. Puis, JM a ouvert la porte d’entrée et le chat est sorti précipitamment. Une autre bizarrerie, avant de découvrir l’état de l’appartement avec toutes les affaires sens dessus dessous. Dépôt de plainte au commissariat et venue le lendemain de la police scientifique. Dépôt de plainte à l’assurance. Le mot de conclusion de JM : on n’est plus en sécurité…

Durant notre discussion qui traite de sujets divers comme celui du boycot de X, JM continue à servir des clients. Une dame paraît intéressée par notre échange sur X (a-t-elle bien compris qu’il ne s’agissait pas de porno ?). Je parviens difficilement à comprendre comment on ne peut pas sauvegarder ses données stockées dans les messages échangés sur ce réseau social, désormais caisse de résonance du trumpisme et de toutes ses déclinaisons misérables. Ça me fait penser qu’il faut que je poursuive la sauvegarde des textes de mon blog. 

Un jeune homme noir commande 3 cafés et un sachet de sucre qu’il emmène sur la terrasse sur un plateau en plastique et sans oublier de nous souhaiter une bonne journée.

Robert arrive sur ses béquilles. Élégant chapeau de gentleman-farmer solognot et mitaines. Il me salue d’un « Monsieur Labbé », en me disant qu’il n’allait pas continuer à m’appeler ainsi. Je n’ai pas la présence d’esprit de l’inviter à dire « Claude ». J’évoque le fait que j’ai déduit, chez des personnes plus jeunes que nous, que la signification du mot « Labbé » leur échappait car elles me demandaient comment ça s’orthographiait. Sécularisation de la société…

Robert me demande si j’étais en Bourgogne. (JM m’a dénoncé !). Oui, chez des amis et, à ce propos, je me souviens que nous avons évoqué lors d’un dîner la famille Chausson. Le père de mon amie était un cousin germain (probablement) d’un Chausson et à ce titre, il fut directeur de 2 établissements de la Société Algéroise des radiateurs Chausson. Puis nous évoquons l’île de Ré où Robert a loué plusieurs années, en particulier à Loix et à La Flotte. Il avait même fait construire un voilier en bois au chantier naval de La Rochelle avec son cousin. Ils l’ont convoyé jusqu’à Sainte-Maxime, où ils avaient une résidence, via le canal du midi. Magnifique, le canal du midi à cette époque.

J’ai omis de préciser que nous poursuivions la discussion, Robert et moi, à l’extérieur, à la table où Geneviève et Christiane étaient installées, devisant de leur coté. 

A un certain moment, après avoir passé en revue toutes les félicites de l’île de Ré, je me suis rendu compte que je n’avais pas salué ces dames.

La conversation a repris entre nous 4 sur des sujets aussi divers que l’usage du smarphone pour la photographie (une sorte d’hérésie pour Robert qui aime à photographier la Sologne avec les beaux appareils dont il dispose), le paiement ou la lecture du journal (juste les titres car le contact avec le papier d’un « vrai » journal est irremplaçable). D’un commun accord (avec mon abstention), l’usage de la monétique contemporaine est rejetée. L’autre grand sujet c’est le monde comme il va et sa folie. Le gouvernement de Trump comme la nef des fous ; Macron qui va faire des simagrées avec Javier Milei, le président argentin (lui a-t-il offert une tronçonneuse ?) ; mais ici, voyez Panot… la poissonnière !  D’un commun accord à nouveau (avec mon abstention), Mathilde Panot est vouée aux gémonies, clouée au piloris fictif du parvis du kiosque de la gare de Bécon-les-Bruyères. Je me fais la réflexion que LFI a réussi à cristalliser un rejet définitif parmi une population qui, si elle n’est pas franchement de gauche bien sûr,  n’épouse pas non plus les thèses de l’extrême-droite. Mais il semble plus courant, plus évident aujourd’hui, de dénoncer les écarts de la gauche radicale que ceux de l’extrême-droite. Le fruit de la dédiabolisation du RN ?…


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