Ici on tente de s'exercer à écrire sur l'architecture et les livres (pour l'essentiel). Ça nous arrive aussi de parler d'art et on a quelques humeurs. On poste quelques photos ; celles qu'on aime et des paréidolies. Et c'est évidemment un blog qui rend hommage à l'immense poète et chanteur Léonard Cohen.
mercredi 3 août 2011
La centrale
Non, il ne s'agit pas d'un établissement pénitentiaire ; et encore : ces "travailleurs DATR", pour "Directement Affecté aux travaux sous Radiations", "chair à neutrons", "viande à rems", ne sont-ils pas quelque part des condamnés à de lourdes peines, dont le travail s'effectue dans une enceinte close, loin des regards de la société, et qui plus est, avec un espoir infime de libération ?
Vous avez compris, il s'agit d'une installation de production d'électricité nucléaire. Une centrale, avec ses réacteurs, ses aéroréfrigérants qui crachent des panaches de vapeur d'eau, son univers de béton, ses secrets, l'eau empoisonnée d'un bleu lagon de la piscine,et ces hommes, travailleurs itinérants qui vont de centrale en centrale, nomades qui partagent au gré de leur emploi précaire un mobile home et qui interviennent sur le circuit primaire à chaque arrêt programmé de tranche. "Ce que chacun vient vendre, c'est vingt millisieverts, sur douze mois glissants"
Dans ce premier roman, Elisabeth Filhol parvient à remarquablement décrire le stress extrême de ces situations où le danger n'est perceptible que par le dosimètre embarqué ; où l'ouvrier intérimaire, engoncé dans sa combinaison de spationaute, doit se glisser dans un trou d'homme de 45 cm de diamètre, au cœur du réacteur irradié, et effectuer son intervention en moins de deux minutes.
Il y a aussi ce passage où la romancière décrit simplement l'enchaînement dramatique qui a conduit à l'explosion de Tchernobyl, le 24 avril 1986. On perçoit alors que ce qu'il y a de terrifiant dans l'accident nucléaire, c'est qu'aucun endroit de la planète n'est à l'abri d'une contamination dont l'origine peut-être à des dizaines de milliers de kilomètres. Le roman s'achève sur ce tableau paisible où des gens marchent tranquillement sur une plage de la Baltique, fin avril 86 précisément, "qui profitent du calme, de la douceur de l'air et du ciel bleu, de tous les bienfaits de l'anticyclone qui a bien voulu quitter ses quartiers d'hiver et descendre de Sibérie (...) en Ukraine comme ailleurs, partout l'envie d'exposer sa peau aux rayons du printemps est la plus forte, la peau nue et blanche, les landaus ouverts, sous le soleil du dernier dimanche d'avril, chacun admire le ciel et espère qu'il fera beau jeudi, au-dessus des cortèges du 1er mai."
Merci à François qui se reconnaîtra ; s'il vient jusqu'ici...
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Ambigu ce terme de "centrale" n'est-ce pas ? Il me fait frémir, un mot gris,noir,synonyme de souffrance, de privation et de mort !
RépondreSupprimer