Je n’ai pu me rendre au kiosque que vers 11H. J’ai aperçu Paul, Sophie, Gilles et les « Tuc » à la terrasse en arrivant ; mais ils étaient sur le départ, et comme j’ai prie l’habitude d’aller saluer JM préalablement, je ne peux qu’observer, derrière la porte vitrée coulissante que JM a condamnée afin que le froid glacial n’achève pas de l’achever…, la retraite des têtes chenues quand elles ne sont pas enfouies sous un couvre-chef de circonstance.
J’avais fait les courses au marché, si bien que je me suis pointé en traînant mon cabas à roulette. JM a considéré l’ensemble d’un regard d’huissier me livrant, après quelques grognements silencieux, le fond de sa pensée : ça fait très chic le cabas à roulette ; très « bécon ». Je ne lui ai pas montré l’état pitoyable de mon engin qui parvient, avec une fidélité de Pénélope, à me livrer le service demandé depuis une vingtaine d’années, ce qui, en passant, constitue de nos jours une performance dont la plupart des artisans du BTP pourraient s’inspirer.
C’est à ce moment que j’entendis dans mon dos une voix un peu rauque qui m’interpelait : « Ah ! Voilà notre Chateaubriand ! » Il s’agissait de Robert, les membres supérieurs encombrés d’un sac cabas (pas à roulettes, donc) et de sa béquille. Il entrepris de m’informer sur son désappointement du jour : il avait apporté du champagne et des galettes dont il souhaitait régaler la compagnie des habitués. Mais, hélas, cette félicité lui fut interdite par JM qui, ne disposant pas du sésame que constitue la fameuse Licence IV - laquelle autorise toutes les pochtronades de France et d’ailleurs - mit une censure non négociable à ces libations potentielles. Il semblerait que le régaleur ait tenté d’amadouer le dépositaire du droit ; sans succès, mais sans doute avec quelques grognements de part et d’autre. Il faut dire que JM a brandi une menace dissuasive : supprimer les tables ! Le lecteur insensible ne percevra peut-être pas la portée funeste de cette commination et, si tel était le cas, je dois avouer que je ne pourrais rien pour l’extraire de son errance mentale. Car, si la dissolution du groupuscule des habitués et la condamnation au silence de ces chroniques ne l’émeuvent pas plus que la fin de la cueillette des olives en Basse-Provence, j’avoue mon impuissance. Pour les autres lecteurs, les vrais, les passionnés, je les rassure : un accord a été trouvé entre les belligérants - l’un réintégrant son champ’ dans son sac-cabas, l’autre sa dignité derrière son comptoir.
« Vous avez raté quelque chose : j’avais amené des galettes des rois chaudes et du champagne ; mais nous n’avons pu que manger de la galette… », me dit Robert en jetant un regard chargé de regrets pour sa désinvolture au gardien-passeur.
Quelques temps plus tard, alors que je repassais au kiosque à la recherche d’un gant que j’avais égaré lors de mes pérégrinations matinales, JM me fit des confidences supplémentaires à propos des « événements » de la terrasse ; mais, puisqu’il s’agit de confidences, cher lecteur, j’en garderai le secret comme une tombe (une pyramide d’Egypte par exemple).
A la seconde où je boucle ce texte, une mère poursuit son gamin (4 à 5 ans), la gamin hurle, elle le chope, il continue d’hurler, il se roule par terre, la mère tente de le porter, le gamin se démène comme un possédé, elle finit par lui saisir une jambe et le traine derrière elle sur une trentaine de mètres. Heureusement le sol du hall d’arrivée du terminal 2E de Roissy est en marbre lisse.
Que voulez-vous : c’est ainsi que les hommes vivent.
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