vendredi 22 juillet 2011

Le livre des brèves amours éternelles


Réduire le dernier roman d'Andreï Makine à de courtes histoires d'amour empreintes d'une très belle nostalgie n'est pas satisfaisant. A travers le destin tragique de Dmitri Ress, révolté "contre un monde où la haine est la règle et l'amour, une étrange anomalie", Makine nous invite à porter un regard moins manichéen sur l'existence et, comme Ress, à aller "bien au-delà des doctrines", car ce qui est essentiel c'est de parvenir à "rendre éternelle la beauté" ; celle de ces petits fragments de notre existence auxquels le seul "fait d'aimer" donne le privilège de l'éternité.

C'est un livre immense de tendresse, de tolérance, d'attention, servi par un style d'une remarquable élégance poétique ; sans emphase, avec des pointes d'humour teintées d'amertume qui sont autant de "touches" d'un esprit libre.

"J'ai du attendre plus encore avant de comprendre véritablement qu'elles étaient cette offrande humble et précieuse que j'avais reçue d'elles. Le pays de notre jeunesse a sombré en emportant dans son naufrage tant de destins restés anonymes. Cette jeune fille retrouvant sur un disque la mélodie que nous aimions, sa mère poussant un sac en toile entre les mains d'un prisonnier, moi-même clopinant dans la boue sur ma jambe cassée... Et une myriades d'autres existences, douleurs, espoirs, deuils, promesses. (...) Restent seuls, à présent, la lumière de mars, le souffle enivrant des neiges sous l'éblouissement des rayons, le bois d'un vieil embarcadère, ces planches chauffées par une longue journée de soleil. reste la touche claire d'une robe, sur le perron d'une maisonnette en rondins. Et le geste d'une main qui m'envoie ses adieux. (...) Reste ce paradis fugace dont l'éternité n'a pas besoin de doctrines."

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