mardi 10 mai 2011

Le Léviathan d'Anish Kapoor (final iconoclaste et "remasterisé")


C'est le sculpteur indien, Anish Kapoor, que la Monumenta 2011 met à l'honneur dans la nef du Grand-Palais. Kapoor est un habitué de la grande dimension. Son installation gigantesque en 2002 dans la salle des machines de la Tate Modern de Londres fut spectaculaire ; elle constitua le premier partenariat avec l'entreprise Serge Ferrari, concepteur et fabricant de cette membrane textile un peu magique dont il se sert à nouveau, cette fois à Paris. Œuvre de dimension plus réduite, son splendide haricot en inox poli de Chicago laisse au visiteur une impression étonnante : haut, bas, gauche, droite se confondent dans un jeu d'illusions conduisant à une perte des repères habituels. L'écrin du Grand-Palais, par ses dimensions et son architecture Art nouveau, constitue un défi que Kapoor relève en y installant une véritable "performance" technique et plastique, qu'il baptise "Léviathan".
Léviathan (dixit Wikipédia) : de l'hébreu לויתן, liwjatan) est un monstre marin évoqué dans la Bible. Sa forme n'est pas précisée ; il peut être considéré comme l'évocation d'un cataclysme terrifiant capable de modifier la planète, et d'en bousculer l'ordre et la géographie, sinon d'anéantir le monde. Il est souvent identifié à la Bête de l'Apocalypse.
La sculpture est composé de 4 immenses calebasses de textile rouge sombre aux formes excentriques, gonflées à l'air comme des grosses joues, qui sont unies en partie centrale à la façon d'un transept ; une "croisée d'ogives" participe d'ailleurs à l'évocation de la cathédrale. Mais il s'agit d'une cathédrale toute en rondeur, organique, qui veut évoquer la matrice maternelle (de l'intérieur), et certainement des cucurbitacées (de l'extérieur) (on rigole, Messieurs de la Culture !). On pénètre dans la "nef" par une simple porte-tambour qui permet de maintenir la pression d'air dans le volume intérieur, mais également ménage un petit suspens : que va-t-on découvrir derrière cette ouverture banale dont l'accès s'effectue au compte-goutte ? Et bien on découvre un lieu plongé dans une sorte de pénombre colorée, dont le timide éclairage provient exclusivement de l'extérieur, filtré au travers des parois textiles de la voûte. On perçoit le savant dessin de la charpente métallique de la verrière qui se combine avec les "coutures" des lais de textile pour former d'élégantes compositions géométriques. On imagine que, selon l'ensoleillement, le spectacle peut-être à chaque fois différent. Trois orifices, comme des gigantesques pylores sculptent l'espace. Seul l'un d'entre eux offre l'illusion de l'infini ; le point de fuite des deux autres n'est pas visible. Les parois intérieurs sont lisses ; on perd leur perception assez rapidement, ce qui donne une sensation de vertige (absence de repères une nouvelle fois). On voudrait pouvoir explorer les cavités cachées de cette sculpture ; poursuivre un cheminement au travers de l'œuvre, mais seule la nef centrale est accessible. Dommage, on en voudrait encore plus !
Dommage encore que le son ne soit pas associé à cette installation, plutôt que les bavardages des visiteurs.

Pourquoi ai-je eu quelques pensées pour le marché de Brive la Gaillarde immortalisé par Brassens en contemplant cette foule de vernissage qui badait sous les rondeurs quasi charnelles de l'installation de Kapoor ?


"La plus grasse de ces femelles
Ouvrant son corsage dilaté,
Matraque à grands coups de mamelles
Ceux qui passent à sa portée
(...)
Une autre fourre avec rudesse
Le crâne d'un de ces lourdauds
Entre ses gigantesques fesses
Qu'elle serre comme un étau."




Ce texte peut ne pas inciter à se rendre au Grand-Palais : ce serait également dommage !

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