mardi 24 mai 2011

de l'art de créer, de la différence entre la démarche de l'architecte et celle de l'ingénieur



Dans le livre "Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants" de Mathias Enard, Michel-Ange est appelé par le sultan Bajazet de Constantinople afin de concevoir un pont sur la Corne d'Or. Le génial sculpteur n'a pas d'idée en dehors de celle qu'il s'impose de faire un chef d'oeuvre comparable au David ou à la Pieta. Mais il n'a aucune expérience. Son ainé et contemporain, Léonard de Vinci, s'est essayé à l'exercice.
" Le dessin de Vinci l'obsède. Il est vertigineux, et pourtant erroné. Vide. Sans vie. sans idéal. Décidément Vinci se prend pour Archimède et oublie la beauté. La beauté vient de l'abandon du refuge des formes anciennes pour l'incertitude du présent. Michel-Ange n'est pas ingénieur. C'est un sculpteur. On l'a fait venir pour qu'une forme naisse de la matière, se dessine, soit révélée."
Alors Michel-Ange passe une grande partie de son temps à parcourir la ville, à s'intéresser à tous les aspects singuliers de la vie sur les berges de son futur pont ; il dessine, il lit, il écoute des poèmes qu'on lui traduit, il écrit des listes de produits dans des petits cahiers - ceux qu'il voit débarquer des bateaux sur les rives du Bosphore. Il dessine quarante croquis. Aucun ne le satisfait. Il dérive : ivresse, coucheries. Et puis, un jour, "en retraversant la Corne d'Or, Michel-Ange a la vision de son pont, flottant dans le soleil du matin, si vrai u'il en a les larmes aux yeux. (...) Un pont surgit de la nuit, pétrit de la matière de la ville."

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