jeudi 9 février 2012

Dieu est dans le détail au musée Picasso de Barcelone

Pendant plus de trente ans, Jordi Garces, architecte catalan, a travaillé à l'extension du musée Picasso de Barcelone. Cette longévité, inhabituelle dans une intervention placée sous le regard jaloux des édiles municipales (Jordi a connu cinq maires différents), mérite d'être soulignée. Mais c'est d'avantage l'intelligence du parti et la qualité du résultat qui doivent être honorés.
L'actuel musée est constitué de la réunion de plusieurs demeures mitoyennes (trois ?). L'unité du lieu est donnée par une rue intérieure que l'architecte a créée en se servant de la typologie historique de ces demeures qui s'ouvraient sur la voie publique dans une séquence : porche, patio formant citerne, communs au rez-de-chaussée, habitation à l'étage desservi par un escalier extérieur. C'est les communs ou les réserves voûtés que l'architecte a réunis en enfilade, en créant des ouvertures d'une très grande discrétion. Au rez-de-chaussée, de plain pied avec la rue, il a installé un espace urbain libre dont il a soigné les perspectives avec la ruelle publique ; le visiteur est, tout à la fois, à l'intérieur du musée et en relation avec la ville. L'architecte offre ainsi une sensation de perméabilité - de liberté - entre l'espace public et l'espace privé.


Les interventions de Jordi Garces sur les ouvertures - portes ou fenêtres - sont systématiquement placées en retrait de la construction originelle. Il explique cette disposition par le souci de montrer la vérité de la construction, et par respect pour celle-ci.
Pour le nouveau bâtiment attenant au musée et qui accueille un centre de recherche sur l’œuvre de Picasso, l'architecte a installé une immense façade vitrée sur laquelle se reflètent les immeubles d'habitation d'une place populaire caractéristique du cœur historique de Barcelone. Cette façade est scandée par des poteaux métalliques très fins et de section circulaire, qui viennent porter une dalle de béton de faible épaisseur dont le parement a été laissé volontairement brut. A l'intérieur, les salles sont installées dans une immense boîte dont la silhouette se perçoit depuis l'extérieur. Le premier étage est accessible par un escalier droit d'une très grande pureté. Depuis la place et en observant la façade principale, on y perçoit tout un jeu de plans qui se télescopent - les reflets de la place, le vitrage, les espaces intérieurs, le mouvement de l'escalier - conférant à ce mur de verre une élégance supplémentaire.

On pourrait multiplier les exemples des interventions justes de l'architecte qui ne tiennent souvent qu'à d'infimes détails : l'angle donné à une extrémité de mur afin d'aider le regard à se porter au-delà de cette extrémité, la recomposition d'un parement de brique dans le respect de l'appareillage d'origine, le positionnement précis d'un garde-corps en verre, ...

Comme disait Mies van der Rohe en substituant Dieu au Diable : "Dieu est dans le détail".


2 commentaires:

  1. On ne parle pratiquement pas de ce musée! Mais ce n'est qu'un détail :-) La visite réelle vaut surement le détour.

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  2. Jordi Garces est un homme élégant et cultivé ; donc forcément discret...

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