mardi 24 septembre 2024

Ce matin au kiosque 55 - État désespéré, Chapelle expiatoire, Julio Iglesias, Emmanuel Bove

  Matinée pluvieuse. Un avant-goût de l’automne. Le parvis est orphelin de ses habitués en dehors de Monique et Anne-Marie qui papotent dans un coin.

JM est ce matin accompagné d’un compère du siège. Stage d’immersion ? L’homme est corpulent, armé d’une bague noire massive et JM me vante sa réputation d’amateur de contrepèteries. Lui se contente « d’un choix dqns la datte ». 

J’évoque mon état du jour proche de la désespérance. Il s’est amplifié, cet état, à la suite d’un égarement télévisuel qui m’a fait regarder LCI hier soir avant de me coucher. Sur le plateau, Laurent Jacobelli, porte-parole du RN et son air de fouine satisfaite, un jeune journaliste de Valeurs actuelles aux allures de lycéen en costard-cravate, un autre journaliste, cette fois du Figaro, aux faux airs de mec cool (courte barbe, chemise blanche, col ouvert), une jeune femme rousse, PDG d’une boîte de conseil en com (convoquée certainement pour commenter le premier show de Retailleau et les mots d’ordre de Barnier en matière de communication), une journaliste de RTL, et le président du Modem à l’Assemblée nationale. 

Les interventions des trois premiers qui revisitaient « Travail, Famille, Patrie » sur un air de « Maréchal nous voilà », auraient pu faire passer RTL et le MoDem pour des officines de fieffés gauchistes.

Vous comprenez maintenant les raisons de ma quasi-dépression.

On a parlé avec JM du Liban et de la folie des hommes, mais surtout il m’a évoqué  son passé (et son passage) dans une librairie technique sis, rue Lavoisier, quand il était au service export. 

La rue Lavoisier est proche de la « Chapelle expiatoire », monument édifié par Louis XVIII sur le lieu où furent enterrés les corps de Louis XVI et de Marie-Antoinette avant d’être transférés, vingt ans plus tard, à la Basilique Saint-Denis. Il est possible de déambuler dans le jardin puis dans la chapelle précédée d’un péristyle et flanquée de trois absidioles, dans le souvenir du souverain horloger au prépuce douloureux et son épouse qui n’aimait rien tant que les basses-cours et la brioche, moyennant 16€.

Mais revenons à des choses plus sérieuses. Dans ce passé remontant aux années 80, JM était alors en contact avec tout le Bassin méditerranéen et jusqu’à l’Afrique noire francophone. 

Soulevant ainsi un voile de son CV, ce sont les parfums sucrés, les fragrances mielleuses et les langueurs exotiques des anciennes colonies qui se sont immiscés dans l’espace du kiosque, et nous nous serions crus un instant au bord d’une piscine bordée de buissons joufflus d’hibiscus, dans un hôtel luxueux de Batroun, bercés par une musique suave diffusant « Je n’ai pas changé » ou « Il faut toujours un perdant » de Julio Iglesias. Rien de moins !

Que dire après tout ça ? 

Qu’Anne-Marie et Monique m’ont accueilli avec sympathie pour quelques minutes à leur table, en redoutant que Becon les Bruyères ne perde demain ce charme discret qu’Emmanuel Bove avait su révéler en des temps proustien,  dans son roman au titre éponyme ?

Que j’achève précisément cette chronique, assis dans le hall de la chapelle expiatoire, hésitant encore à verser mon obole de 16€ pour accéder au chevet des fantômes royaux ?

Que c’est ainsi que les hommes vivent ?


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