Pour une première découverte du chais du Château Cheval Blanc dessiné par Christian de Portzamparc, il faut se poster sur la D244, près de l'entrée du Château La Dominique tout (trop ?) proche. De là, avec en premier plan les rangs de vigne taillés au cordeau, le ruban de béton et sa coiffe végétale déploie toute l'élégance d'une silhouette qui relève davantage du domaine de la haute couture que du bâtiment.
Le chais comporte trois niveaux : un sous-sol - le saint des saints - où sont entreposés les fûts de vieillissement, disposés religieusement comme des stalles dans le chœur d'une église ; le rez-de-chaussée où sont alignés comme à la parade les très grandes cuves en béton réservées au tout premier stockage du vin ; enfin le toit lui-même, formidable belvédère aux allures de deck marin, paysagé sur son pourtour de roseaux fragiles qui ondulent avec le vent.
La structure est une sculpture. Son exécution parfaite ; un véritable défi tant son principe, bien qu'évident, laisse deviner la complexité des méthodes de coffrage et de coulage. La pureté du dessin exigeait un degré de qualité rare dans la réalisation, sinon exceptionnel. Le résultat est à la hauteur du prestige de ce très grand vin : les arêtes sont parfaites, les intersections ajustées au millimètre, les grands porte-à-faux comme moulés dans de la résine.
Les poutres du sous-sol affichent une très sensuelle ondulation qui en allège la massivité. Elles sont portées par des poteaux sans chapiteau, d'une surprenante finesse. La sous-face de la dalle est parfaitement lisse, vierge de toute contamination technique intempestive. Seule présence au plafond : des luminaires aux allures de Cierges Pascal renversés. Les parois latérales sont traitées en brique ; l'appareillage, d'une très grande simplicité, formant comme une clôture. Tous ces éléments confèrent au lieu un caractère éminemment sacré.
Au rez-de-chaussée, l'atmosphère est moins religieuse. Il y a, dans l'alignement des cuves galbées et dans celui des poutres de très grande portée encastrées dans les voiles latéraux, une impression d'efficacité qui, ici encore, par le dessin de la matière et le jeu de la lumière naturelle distillée avec intelligence, "respire" l'élégance.
Le toit, auquel on accède par deux escaliers revêtus de bois qui suivent la courbe lisse des grands voiles de béton, constitue un espace un peu magique, et forme un belvédère qui confère au domaine une hauteur aristocratique supplémentaire.
Tout le bâtiment a des allures de flacon précieux conçu pour un élixir de légende. Au pied de la propriété, dans les odeurs de résine de l'étonnante allée de cyprès centenaires, prêt à partir, on a la sensation évidente de quitter une autre planète.
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