Extraits de ce texte de Claude Parent paru dans "l'Architecture d'Aujourd'hui" en février 1994.
"Posé sur cette table, un livre.
Un livre neuf, tout droit sorti de chez ce grand libraire de la rue Deloison qui a le mérite de lire tous ceux qu'il vend. Un vrai livre donc du genre Nrf occupé ou Promeneur, un Corti sans fioriture, (...) bref pas un de ces livres de gare à l'imagerie aguicheuse mais un vrai livre bien sévère, bien authentique, quelquefois même un peu rébarbatif. Posé là sur ma table, (...) il tient en lui un mode inconnu qui va s'ouvrir page après page et livrer son mystère, modifier ou non son lecteur. Avant de tourner la page de couverture, je ne sais rien de lui, de ce qui m'attend, de l'aventure qui va me saisir. Me voici encore sauf, mais déjà en danger, seul au bord de l'abîme, attendant le miracle enfoui dans ce petit bouquin d'à peine dix-huit centimètres sur dix et pourtant déjà monument d'architecture. Car architecture il y a dès que ce pose le problème du contenant et du contenu, du dehors et du dedans, de la couverture et de l'histoire incluse. (...) Pour que l'architecture soit aussi nécessaire que le livre, pour qu'elle soit sa survie, elle doit renier son équilibre, quitter cette volonté statique qui l'appauvrit, qui l'empêche d'être porteuse d'inquiétude, la privant parce que trop évidente dans l'instant de la curiosité permanente d'autrui. L'architecture est une trajectoire linéaire, enchainée message après message dans une obligation de découverte progressive. L'homme qui la pratique ne se déplace à travers elle que par effraction,par la lecture d'énigmes successives, le décryptage des traces d'imaginaire déposées à dessein tout au long du parcours. Si ce mouvement d'échanges, si cette dynamique de la connaissance n'est pas prise en compte par l'architecture, quitte à être indéchiffrable, alors (et de loin) je lui préfère à jamais la lecture."
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